Pour les 78 passagers du vol de Transair à destination de Bamako, le crash a été précédé d’un long moment de supplice, avec un report de plusieurs heures. Et le pire a été frôlé après une sortie de piste du Boeing de la campagne privée. Récit d’une longue nuit noire avant la vérité des boîtes noires.
C’est un autre jour qui se lève : les personnes touchées soignent leurs blessures dans les structures sanitaires. Et les autres passagers essaient de se remettre de cette situation traumatique entre des hôtels à Saly et Azalai de Dakar. De l’enfer, ils sont revenus à la vie dans la nuit du mercredi au jeudi. Il est plus de 4h quand le téléphone sonne : au bout du fil, un témoin qui tente de sortir de son état second : «Un avion de Transair à destination de Bamako a crashé à l’Aibd.» Il fait partie des passagers qui sont sortis de cet accident du Boeing de la compagnie privée nationale avec juste quelques douleurs au pied. Car le choc, assez violent, a projeté les passagers contre les sièges ou les cloisons de l’avion qui serait âgé de 30 ans et a servi à d’autres compagnies.
Qu’est-ce qui a pu provoquer cette embardée de l’avion ? Peut-être l’explosion d’un réacteur ou une panne de réacteur importante ? Ou une panne de moteur ? L’enquête… du Bureau d’enquête et d’analyse (Bea) pourra lever les mystères de ce crash du Boeing 737 impliqué dans de nombreux incidents tragiques dans plusieurs pays. Cette nuit-là, il y aurait eu une première grosse frayeur au moment du décollage. «Tout le monde était déjà inquiet. Mais, le pilote a rassuré les passagers. Certains voulaient qu’on annule le vol, surtout que l’avion était trop vieux», poursuit un témoin. Ensuite, il a fait une tentative de décollage vers 1h. «Et l’avion a pris un peu d’altitude avant de se poser brutalement. Il y a eu des pneus qui ont éclaté et un début de feu. Mais, les cris de peur et de remerciements au Seigneur d’être restés en vie se confondaient dans l’avion. Tout le monde a entendu le choc. Les gens disaient Allahou Akbar, Soubkhan Allah», ajoute-t-il.
Les hôtesses de l’air et le personnel navigant ont voulu respecter à la lettre le protocole d’évacuation. «Mais, il y a eu un début de feu. Certains voulaient sortir très rapidement», poursuit-il son récit. Après, une fumée épaisse a commencé à se dégager. Puis le feu a débuté sa propagation. Et les pompiers, pré-positionnés à l’intérieur de l’aéroport, ont engagé la bataille pour le circonscrire. Les passagers sont conduits loin du lieu de l’accident pour les éloigner de tout risque de déflagration. Mais, ils ont dû attendre pendant plusieurs minutes dans le fourré, certains blessés couchés sur l’herbe. «C’était une scène terrible», avoue un passager.
Aujourd’hui, il est dans un état traumatique avec les cris des voyageurs qui se mêlent aux incantations divines. «Demain (ce matin), une rencontre est prévue avec les autorités ministérielles. Il faut que l’on règle cela, parce qu’il n’y a même pas de suivi psychologique. Il y a une dame qui crie tout le temps parce qu’elle est traumatisée. Il faut se pencher sur la question.»
Pour ces passagers, cette nuit du mercredi est le prolongement de 24 heures de supplice. Ce vol était prévu mardi à 11h, puis il a été retardé jusqu’à 22h.
Ensuite, il a été annulé et tous les passagers ont été envoyés dans un hôtel à Ngor. Il a été reprogrammé le mercredi à 16h. Et il a à nouveau été décalé à 22h, puis 00h. «Ce n’est pas sérieux», tonne-t-il.
Deux avions déroutés à Banjul et Bissau
Après la survenue de l’accident et la fermeture de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd), deux avions ont été déroutés hors du Sénégal : Turkish Airlines a atterri à Banjul et Asky Airlines a pris la direction de Bissau. Cette situation devrait pousser les autorités à revoir leur stratégie en matière d’infrastructures aéronautiques : l’Aéroport international Ousmane Masseck Ndiaye de Saint-Louis, inauguré par le Président, ne pouvait-il pas accueillir ces aéronefs ? Quid de Léopold Sédar Senghor qui reçoit pourtant les avions présidentiels ? Avant son départ, l’ex-président de la République avait demandé qu’il soit réservé aux vols locaux ? Pour l’instant, les aéroports de déroutage prévus sont Banjul, Nouakchott et Bissau.
Cet accident a provoqué le report de plusieurs vols internationaux et nationaux. Pour Air Sénégal, c’est toute la chaîne de programmation qui a été reprise. Les vols HC 301/2 Dakar-Bamako-Dakar et HC 105/5 Dakar-Cap Skirring-Dakar du 9 mai sont reprogrammés à une date ultérieure. Alors que Banjul-Dakar, Dakar-Nouakchott, Nouakchott-Dakar, Dakar-Conakry, Conakry-Dakar, Douala-Cotonou, Cotonou-Dakar, Dakar-Abidjan, Abidjan-Dakar, Dakar-Banjul : départ à 23h 40, New York-Dakar, Dakar-Cotonou, Cotonou-Douala-Libreville et Libreville-Douala : départ à 21h 35, Dakar-Paris, Paris-Dakar ont été retardés de plusieurs heures.