(Le Quotidien) Pour renforcer la lutte contre la corruption au Sénégal et promouvoir une gouvernance plus transparente, le Président Faye a annoncé une loi sur la protection des lanceurs d’alerte. Depuis cette annonce, la toile explose de supposées révélations explosives qui ressemblent plus à de la délation ou de la diffamation. Pour l’instant, il y a tellement de préalables à régler comme l’adoption d’une loi sur l’accès à l’information et l’effectivité de la redevabilité. Avec ces instruments, le pays pourra minimiser les risques d’informations qui pourraient amener certains Sénégalais à se comporter comme des lanceurs d’alerte. En vérité, les nouvelles autorités marchent sur une ligne de crête.
Les attentes contenues dans les discours des nouvelles autorités visent la lutte contre la corruption, qui reste une question brûlante. Pour y arriver, il faudra nourrir un indispensable travail de justice et de vérité. Comment y arriver ? Pour quelles échéances ? Bien sûr, on peut comprendre l’engagement à faire avancer la lutte contre les prévarications, faire plus que l’action des prédécesseurs, que le chef de l’Etat veuille orienter son quinquennat sur des questions aussi lourdes. C’est sur cette ligne de crête qu’il va devoir marcher pour arriver à la mise en place de cette loi.
Depuis le 3 avril 2024 et le discours prononcé par Bassirou Diomaye Faye sur l’adoption d’une loi sur la protection des lanceurs d’alerte, la toile explose de «révélations explosives». Des réseaux sont créés. Des vidéos sur les patrimoines supposés de certains anciens pontes de l’ancien régime sont postées sur les réseaux sociaux pour les accabler par des soi-disant lanceurs d’alerte dont la détermination est gonflée par cette annonce présidentielle. Or, il faut un impressionnant travail de recueil de preuves avec l’établissement de faits matériels pour arriver à corroborer un éventuel scandale.
En réalité, depuis l’annonce du nouveau Président de protéger les lanceurs d’alerte dans le but d’instaurer une gouvernance vertueuse, fondée sur l’éthique de responsabilité et l’obligation de rendre compte, le pays semble vivre une période de transformation vertueuse dans sa lutte contre la corruption. Mais, il faut le dire, certains signalements ne resteront pas sans susciter des interrogations quant à leur crédibilité ou la véracité des accusations des dénonciateurs. Car, la facilité avec laquelle un individu peut se qualifier de lanceur d’alerte pourra conduire à une utilisation abusive de ce statut.
Joint par téléphone par Le Quotidien, le coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck, préconise la mise en œuvre de manière efficace, de tous les instruments de prévention de la corruption disponibles au Sénégal, notamment la nouvelle loi sur la déclaration du patrimoine et le fonctionnement du Pôle judiciaire financier. «Pour lutter contre la corruption au Sénégal, il faut d’abord que tous les instruments de prévention dont on dispose soient mis en œuvre de façon efficace. Et aujourd’hui, on dispose d’une nouvelle loi sur la déclaration du patrimoine, nous avons également le Pôle judiciaire financier qui a en son sein le Parquet national financier. Nous avons également les corps de contrôle classiques que ce soit la Cour des comptes, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), les organes qui travaillent pour la régularisation des contrôles des marchés. Nous avons également des corps de contrôle internes. Je pense qu’il faut d’abord mettre en œuvre tous ces instruments-là», déclare Birahim Seck.
A la place d’une loi pour la protection des lanceurs d’alerte annoncée par le Président Bassirou Diomaye Faye, le Coordonnateur général de l’antenne nationale de Transparency international exprime le besoin d’une loi sur l’accès à l’information. Il souligne que celle-ci devrait être accompagnée de garanties de redevabilité pour assurer l’efficacité et éviter les abus et la délation. «Pour le cas spécifique des lanceurs d’alerte, il faut tout d’abord disposer d’une loi sur l’accès à l’information, mais également que cette information soit encadrée par la redevabilité. On n’est pas contre la loi sur les lanceurs d’alerte, mais si on a déjà une loi sur l’accès à l’information, on n’aura pas besoin d’utiliser à outrance les lanceurs d’alerte», a-t-il fait savoir. «Une loi sur l’accès à l’information serait la base, on pourrait y adosser, pour renforcer la protection des journalistes et des lanceurs d’alerte, une loi spécifique», note une experte qui a travaillé sur ces questions.
Aujourd’hui, il y a une forme de désordre qui montre qu’il y a un travail en profondeur à effectuer. Birahim Seck rappelle que depuis cette annonce du Président Bassirou Diomaye Faye, l’on constate la montée d’une forme de délation. «En réalité, ce qu’on constate dans ce pays depuis l’annonce de Bassirou Diomaye Faye, c’est de la délation. Et la délation, les gens doivent faire très attention parce qu’elle peut conduire à un procès pour diffamation», prévient-il.
Adoption d’une loi sur l’accès à l’information
Pour éviter d’éventuels cas de délation, le Coordonnateur général de l’antenne nationale de Transparency international estime qu’il faudra impérativement que les citoyens fassent preuve de prudence. «Donc, si l’Etat veut faire le travail, nous avons pas mal d’instruments de contrôle et de régulation. Et nous conseillons fortement à l’Etat de s’appuyer sur ces corps de contrôle-là, mais également de mettre en place des mécanismes de loi sur l’accès à l’information, et aussi l’effectivité de la redevabilité. A ce moment-là, on pourra minimiser les risques d’informations qui pourraient amener certains Sénégalais à se comporter comme des lanceurs d’alerte», soutient le coordonnateur du Forum civil.
Par ailleurs, la transparence et la reddition des comptes sont au cœur des recommandations de Birahim Seck. Surtout que le Sénégal dispose d’outils assez performants, mais il reste surtout une volonté politique. «Tous les rapports qui sont produits par les corps de contrôle que ce soit l’Ige, l’Ofnac, la Cour des comptes et qui ne sont pas mis à la disposition du public doivent être rendus publics», insiste-t-il.
Il rappelle que le Code de transparence dans la gestion des finances publiques exige aux fonctionnaires, qui ont des informations qui pourraient porter atteinte à l’intégrité financière du Sénégal, de les dénoncer . «Ce que nous préconisons, c’est que le gouvernement travaille à encadrer cette disposition du Code de transparence dans la gestion des finances publiques. En réalité, c’est une autre forme de lancement d’alerte, mais c’est plus policier», souligne Birahim Seck.
Il appelle simplement le citoyen, qui est dans le système, à se conformer aux codes de transparence de la gestion des finances publiques avec une obligation de dénonciation quand il constate que les finances publiques sont «cannibalisées» dans le système