Le nouveau gouvernement est tombé. Toujours pléthorique ! Un gouvernement dont la durée de vie ne devrait pas excéder deux mois. Il ne travaillera sous l’autorité du Président-putschiste que durant les prochains vingt-cinq jours.
Ce gouvernement devait être un gouvernement qui a pour mission l’organisation des élections, la préparation des dossiers de passation de pouvoir du Président et l’expédition des affaires courantes.
Cependant sa composition, les hommes et les femmes qui en sont membres, le choix du premier ministre, du ministre de l’intérieur et des affaires étrangères et les hommes exclus laissent peu d’ambiguïté sur les intentions affichées par son concepteur.
Il est inimaginable de penser un seul instant que le Président-putschiste a conçu ce nouveau gouvernement pour faire perdre à son candidat les élections présidentielles du 24 mars 2024.
C’est pourquoi il faut tenter de débusquer les raisons pertinentes d’un tel casting gouvernemental.
Le départ du Premier Ministre Amadou Ba est une surprise car si les élections s’étaient tenues le 25 février 2024, il aurait fait campagne gardant sa position de Premier Ministre en tirant profit des avantages de la fonction à travers la capacité à mobiliser l’administration territoriale à sa faveur, l’appareil d’État pour impressionner la population, les moyens de l’État pour faire pression sur les électeurs et du prestige attaché à son titre.
Pour un candidat considéré comme perdant par une partie de son camps, la perte de ces avantages n’est pas faite pour le renforcer.
La nomination du nouveau Premier ministre ne semble pas aussi aller dans le sens du renforcement électoral de son prédécesseur.
En effet pour un régime en nette perte de vitesse, une tentative de redresser la situation aurait été la nomination d’un Premier ministre issu des grands bassins électoraux comme les départements de Dakar, Mbacké, Pikine, MBour, Thiès, Kaolack.
Le choix du nouveau Premier ministre issu de la société civile internationale, d’un département à faible électorat, sans aucune influence sur l’électorat national doit nous interpeller sur les missions qui lui seraient attribuées dans les jours à venir.
Ce nouveau gouvernement est purgé de tous les éléments suspectés favorables à l’ancien Premier ministre, des derniers éléments de la gauche marxisante qui avaient commencé à remettre en cause l’orientation putschiste du Président.
Le Président-putschiste a aussi sécurisé son cabinet en virant le technocrate qui le dirigeait.
Est-ce pour apporter son soutien à son candidat pour lui permettre de constituer son directoire de campagne avec des hommes et des femmes libérés de toute charge gouvernementale prenante?
Les avantages de la disponibilité retrouvée des ministres ne peuvent pas compenser les pertes d’influence sur l’électorat, de moyens matériels et financiers pour faire campagne et de notoriété.
De forts signaux ressortent du profil et du positionnement gouvernemental de certains ministres.
Monsieur Makhtar Cissé est connu comme une personnalité proche de Tivaoune, du Président, de la Première Dame, du régime, non membre de l’APR et surtout très opposée à l’ancien Premier ministre.
Sa nomination au ministère de l’intérieur, chargé d’organiser les élections, n’est sans doute pas pour rassurer le candidat du régime en même temps d’ailleurs que l’opposition.
Sa forte personnalité et sa fidélité au Président devraient l’aider à renforcer ses liens avec Tivaoune et la Communauté Tidiane.
Monsieur Mame Mbaye Niang et Madame Thérèse Faye qui ont combattu ouvertement le candidat du Président-putschiste sont renforcés dans le nouveau gouvernement.
Monsieur Mankeur Ndiaye, de retour dans le gouvernement, est un diplomate de carrière qui a une bonne connaissance des pays sahéliens, de la diplomatie française et du système des nations unies.
Son tendem avec le Premier ministre devrait aider à redorer le blason du Président-putschiste au niveau international et surtout tenter de contrer l’influence du candidat Amadou Ba sur Paris et de l’opposition sur toute la communauté Internationale.
Le profil du nouveau gouvernement est clair. Il est entièrement bâti autour de l’adversité avec le candidat du régime, de l’allégeance au Président-putchiste et de l’aptitude à la bataille, de reconquête de l’opinion nationale et internationale à son profit.
Ce gouvernement semble avoir besoin de temps pour réussir ses missions supposées alors qu’il devrait être éphémère.
Quels sont les objectifs que recherche le Président-putschiste qui l’obligent, à vingt-cinq jours de son supposé départ de la Présidence de la République, à se bunkeriser avec un gouvernement et un cabinet exclusivement composé de ministres dont l’allégeance ne souffre d’aucun doute, toujours prêts à se battre pour le chef sans qui la plupart n’aurait jamais accédé à une station ministérielle.
Ce nouveau contexte politique créé par le Président-putschiste n’est pas favorable à son candidat, il va l’enfoncer davantage et consolider la défiance de l’électorat à son égard.
Le Président-putschiste a donc mis en place un gouvernement de combat. Pour combattre qui, quoi et comment ?
Il serait absurde de penser que le Président-putschiste a mis en place ce gouvernement pour organiser la défaite de son candidat et la victoire de Diomaye qu’il abhorre.
Il est aussi impossible de penser que le Président-putschiste est revenu à la raison, qu’il s’est amendé et qu’il a nommé ce gouvernement pour organiser des élections transparentes, sans aucune irrégularité.
Baisser les bras, abdiquer ne font pas partie de sa nature. Il est plutôt revanchard, capable de revenir plusieurs fois à la charge nonobstant les échecs, les vexations et les humiliations.
Bien que cela paraisse surréaliste, peut-on exclure que le Président-putschiste puisse avoir bâti ce gouvernement pour lancer son baroude d’honneur, tenter un dernier coup d’État constitutionnel.
Ne serait-il pas son sanni taccu ? *
Ne risque-t-on pas de voir des partis, des candidats spoliés, des candidats officiels déposaient des recours pour l’annulation du décret convoquant le corps électoral et/ou du décret fixant la date des élections ?
Ne pourrait-on pas voir le gouvernement ou un parti déposer à l’Assemblée nationale une loi portant création de la Cour constitutionnelle du Sénégal ?
L’OFNAC va-t-elle connaître un réveil subit en convoquant les deux juges du Conseil constitutionnel accusés de corruption et l’ancien Premier ministre, accusé de corrupteur, qui a maintenant irrémédiablement perdu la confiance du Président-putschiste.
Tout est possible tant que le Président-putschiste n’aura pas rendu le pouvoir le 2 avril 2024, date de la fin de son mandat.
Restons alors vigilants !
Prions Dieu qu’Il nous préserve de ces scénarios catastrophes.
Sans attendre, sans répit, menons notre campagne pour la victoire finale, la victoire du peuple sénégalais.
NB: sanni taccu : dernier coup de poker.
Dakar, samedi 9 mars 2024
Prof Mary Teuw Niane