Quand il a compris qu’il ne se présenterait pas aux élections présidentielles pour briguer un troisième mandat, il a tout fait pour choisir son successeur et l’imposer au Peuple qui lui a fait confiance, à deux reprises, pour exercer la magistrature suprême.
Mais plusieurs années avant, il s’est séparé de tous les cadres de sa coalition qui étaient susceptibles de lui succéder, espérant que le vide ainsi créé allait l’élever au rang d’homme providentiel.
Nous n’aurions d’autre choix que de le supplier de continuer à nous diriger ou à le faire par procuration.
Il était devenu la « constante » de tout. Des rues et des écoles portent son nom. Il ne restait qu’à donner à la belle famille un rôle dans le protocole présidentiel.
Son parti lui avait donné un blanc-seing. A l’époque, des sénégalais avaient eu l’outrecuidance de dénoncer une telle forfaiture.
Mais qui sont-ils ces moins que rien pour s’opposer à ce projet-complot qu’il a ourdi, avec ses proches, dès le lendemain de sa réélection ?
Il faut que la purge soit complète et totale. Les têtes qui dépassent, chez ses thuriféraires comme chez ses contempteurs, devaient être coupées.
Mais il avait omis de construire des geôles pour accueillir et garder ces jeunes qui criaient leur envie d’alternance et leur révolte contre la vulgaire arrogance de dirigeants qui n’avaient ni la carrure, ni l’élégance, ni les aptitudes, ni les compétences, encore moins la dignité d’exercer les fonctions pour lesquelles ils ont été désignés.
En réalité, il n’a jamais eu l’occasion d’aller aux élections.
Il y a eu un sabotage de tout le processus électoral. L’impréparation de cette échéance, connue depuis cinq ans, est telle qu’on doit admettre qu’elle relève d’une volonté délibérée de rendre impossible l’organisation du scrutin ce 25 février 2024.
Tous les actes des autorités compétentes étaient destinés à empêcher ou à retarder la transmission du pouvoir le 02 avril 2024.
Au sortir de cette impasse dans laquelle il nous a engagé. il faudra déterminer les responsabilités de tous ceux qui ont pris part à ce complot.
Il y a de l’indécence à affirmer qu’on va appliquer la décision du Conseil constitutionnel comme s’il était envisageable de ne pas s’y confirmer.
En même temps le dire suscite de grosses inquiétudes tellement l’auteur de l’engagement nous a habitués à ne tenir aucun compte de ce que décident les magistrats.
Ces derniers lui ont juste demandé, cette fois, de continuer le processus électoral, d’organiser les élections dans les limites de la durée de son mandat et de transmettre le pouvoir à son successeur.
Il décide, pour sa part, d’organiser des concertations-consultations, de voir les modalités d’organisation de l’élection vers le mois de juin et de trouver, avec les acteurs politiques, un consensus sur l’exercice du pouvoir après le 02 avril 2024 en prenant le soin de ne pas écarter l’idée de se sacrifier encore pour nous diriger si nous le supplions, à genoux. Ci njekk nak !
Mais est-ce que ça va Monsieur le Président ?
Nous en sommes arrivés à nous poser cette question.
Nous avons l’impression qu’il pense que son Dialogue national ou sa Concertation nationale a le même statut que les Institutions de notre République.
Quand on lui dit que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, cela signifie, en français facile, qu’elles doivent être immédiatement et directement appliquées.
S’il a des difficultés à le faire, s’il est de bonne foi, il doit se référer à cette juridiction.
En ne le faisant, en créant des voies de contournement, en associant des justiciables à la violation des décisions du Conseil Constitutionnel il viole son serment, il profane délibérément et gravement notre Constitution, en connaissance de cause et avec la complicité des juristes qui l’entourent.
C’est devant la Nation et face aux juges qu’il défie aujourd’hui le serment qu’il avait tenu à travers ces propos : « Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ».
C’était il y a longtemps !
Mais ce serment le lie jusqu’au 02 avril 2024.
Mais il s’en est libéré.
Mais l’a-t-il jamais lié ?
Relisez l’article 37 de la Constitution. Le seul alinéa qu’il a appliqué, parmi les trois qui composent ce texte, lui donne des droits.
Les deux autres alinéas lui imposent des obligations.
Il s’en est acquitté de façon sélective, selon son bon vouloir, quand cela lui agrée.
Pense-t-il pouvoir continuer à nous tromper en faisant semblant de ne pas comprendre ce que le Conseil Constitutionnel lui demande ?
Dakar, dimanche 25 février 2024
Prof Mary Teuw Niane