A la découverte des îles de Carabane – Bés bi raconte cet endroit paradisiaque qui perd, petit à petit, de sa splendeur.
Bés Bi le Jour | Adama Aïdara KANTE | Publication 24/02/2024
Pendant trois jours, dans la cadre du Festival «Kom-Kom», des journalistes et techniciens des médias ont découvert la profondeur et la beauté de la verte Casamance. Dans un périple qui les a menés en véhicule à Oussouye et Elinkine, ils ont été par la suite embarqués dans une pirogue pour visiter l’île de Carabane. Bés bi raconte cet endroit paradisiaque qui perd, petit à petit, de sa splendeur.
Île de Carabane ! Un endroit symbolique, plein d’histoires. Ce nom figure dans les annales de l’histoire de la résistance coloniale en Casamance. A l’image de l’île de Gorée, elle a joué un rôle important durant la période de l’esclavage. Elle était, à l’époque, un comptoir commercial. C’était en 1886. Village situé à l’extrême sud-ouest du Sénégal, Carabane tient une partie de son histoire du naufrage du bateau «Le Joola», la plus grande tragédie de l’histoire maritime avec ses 1800 victimes officiellement. Le bateau, à l’aller comme au retour, faisait toujours escale dans cette localité avant de poursuivre son trajet. La beauté de l’île est exquise, la végétation luxuriante. Elle est attirante et séduisante grâce à son climat agréable.
Ici, l’air n’est pas pollué comme dans les grandes villes. Une brise d’une fraîcheur indescriptible caresse le visage, le matin. Le soleil se lève lentement à l’horizon, comme un projecteur qui illumine une scène au ras du sol, faisant d’un seul coup exister un décor magique. Environnement maritime et fluvial propice à l’exploitation halieutique, l’île vit au rythme de la pêche et de riziculture. Mais rallier cette île n’est pas chose aisée. C’est un véritable parcours du combattant.
Une ville, mille histoires
Pour s’y rendre, il faut une pirogue, seul moyen de transport. Elle est la reine dans cette zone. On l’utilise pour transporter tout et n’importe quoi, y compris les denrées alimentaires. Mais, avant l’embarquement, toutes les conditions sont respectées pour voyager en toute sécurité. Il faut s’enregistrer et porter son gilet de sauvetage de couleur orangée. Après l’installation de tout l’équipage, la pirogue démarre, à vitesse moyenne. La marée est moyenne. Le piroguier Ansou, très concentré, passe par la base marine pour expliquer l’objet de la visite et donner le nombre de passagers qui sont à bord de l’embarcation avant de poursuivre son périple. «Ici, il est interdit de prendre des photos ou des vidéos. Vous êtes tous des journalistes. Bon séjour et bonne découverte», souhaite, du haut du ponton, un militaire. Les journalistes répondent en chœur : «merci ». Le piroguier et son assistant mettent à fond le moteur. C’est parti pour une demi-heure de traversée.
Les visiteurs, confortablement assis, contemplent la beauté de l’île couverte par une mangrove où les palétuviers occupent une place de choix dans l’écosystème. Les oiseaux migrateurs, du haut de leur repaire, au sommet des arbres, forment pour les visiteurs un comité d’accueil. L’odeur du poisson frais d’eau douce se fait sentir. Premier constat : le site grouille de touristes. «Il fait partie de leur endroit préféré. Ce lieu est très attractif. Sa beauté est atypique. Cette île n’a rien à envier aux Antilles françaises», explique, enthousiaste, le guide, Lamine Diop Sané, ajoutant que la tradition y est toujours préservée.
Carabane ou l’autre côté
Dans l’île, les anciens bâtiments en dur contrastent avec les cases en paille. Les détails architecturaux des différents édifices (église et mosquée) racontent une histoire vieille de plusieurs générations. Certains murs historiques où résonne encore l’écho du passé, capturant l’essence même de la culture Diola s’effritent petit à petit à cause de l’érosion côtière. Notre interlocuteur explique que Carabane vient du Diola et signifie «l’autre côté». Il détaille : «Avant l’arrivée des Français sur cette bande de terre, elle a été occupée par les Diolas qui y cultivaient du riz. Ils n’y habitaient pas. Ils venaient travailler le matin et le soir, ils rentraient dans leur contrée. Un jour, ils ont croisé sur leur chemin des Français qui leur ont demandé leur lieu de provenance. Ne comprenant pas la langue française, ils ont répondu en Diola ‘’carayati Baba’’ qui signifie de l’autre côté de la rive. Et les Français ont déformé le nom en écrivant Carabane».
L’urgence de cette île
L’île de Carabane n’est pas très peuplée. 600 âmes s’y réveillent quotidiennement. La majorité d’entre elles est de confession musulmane. Autre particularité de cette étendue de terre ferme émergée dans les eaux, c’est le seul village casamançais qui a été loti, selon le guide. Un bémol : La beauté naturelle de l’île est menacée. «On constate de plus en plus l’avancée de la mer qui hante le sommeil des populations. Les rivages sont complètement rongés par les vagues. Des constructions menaçant ruine font décourager les touristes», alerte M. Sané. Autre équation à résoudre : la qualité de l’eau. Elle n’est pas en bonne qualité. Elle est saumâtre. «Comme vous l’avez constaté, ce lieu sert de retraite intellectuelle pour réfléchir et produire, mais il risque de sombrer à cause de l’avancée de la mer», prévient Ndèye Sané qui demande aux autorités de préserver cet endroit qui, annuellement, attire beaucoup de touristes. Pour faire face à l’érosion, les habitants érigent un barrage à l’aide de bâtons, de déchets et autres matériels.
POUR SON ARCHITECTURE ET SON HISTOIRE – L’EGLISE BRETONNE DE CARABANE, L’ATTRACTION DES VISITEURS
La religion occupe une place importante à Carabane. Ici, chrétiens et musulmans vivent en parfaite harmonie. La preuve : la mosquée et l’église sont construites presque côte à côte. Mais l’église bretonne de Carabane attire les touristes grâce à son architecture légendaire. Elle a été construite par des Français bretons vers les années 1836 et, elle est pleine de symboles et d’histoires. Selon le guide Sané Diop, aujourd’- hui, elle est restée un monument historique. «Quand le ponton a été réalisé, il permettait au bateau Alioune Sitoé Diatta de s’arrêter à l’aller comme au retour. Il facilitait également l’embarquement et le débarquement dans le bateau. Cette église fait la fierté des îles de Carabane et reçoit beaucoup de visiteurs», a-til expliqué. «L’église a été édifiée sur le modèle de l’architecture bretonne, le but des missionnaires à l’époque étant d’être en conformité avec les églises d’Europe. De ce fait, ils avaient importé de France tous les matériaux de construction du bâtiment. Elle avait été construite pour être la cathédrale de Casamance, avec à sa tête un évêque. Elle ressemble à celles qu’on retrouve en Bretagne et dans d’autres régions en France», a ajouté, Patrick Cavalier, enseignant et consultant français sur le site cath.ch..