Les menuisiers exposant leurs œuvres sur le Canal 4 listent les difficultés. En plus de la rareté de la clientèle, ces menuisiers font face à la cherté des matériaux intervenant dans la fabrication de leurs œuvres. Ce qui fait qu’ils ont une marge bénéficiaire très réduite. Ils lancent donc un appel aux autorités pour qu’elles les aident afin de faire face à la concurrence des meubles importés.
« SOURCE : LE QUOTIDIEN »
Le soleil est écrasant un peu partout à Dakar. Mais, cela ne ralentit pas le rythme du ministre de l’Artisanat, qui est en tournée pour rencontrer les acteurs de son secteur. Après le Village des arts de Soumédioune, la première étape de cette tournée, la délégation ministérielle fait cap sur le Canal 4 de Fass, où exposent les artisans menuisiers. Une large gamme de meubles, des chambres à coucher, fauteuils, tables et autres accessoires pour embellir sa maison, s’offre aux visiteurs. Pape Diouf, l’un des menuisiers exposants, partage ses préoccupations avec le ministre :
«Le lieu où nous exposons nos meubles n’est pas commode pour abriter l’activité que nous menons. Il n’y a aucune commodité, nous n’avons pas de toilettes à notre disposition. L’odeur nauséabonde du canal met dans l’inconfort les clients marchandant nos meubles, alors que nous sommes habitués à cela. A force de humer cette mauvaise odeur qui s’échappe de ce canal, nous risquons d’en pâtir.» Bien sûr, le Canal 4 est ouvert et laisse échapper des odeurs pestilentielles. Leur vœu le plus cher est de disposer d’un lieu digne de ce nom, qui pourrait être aménagé à Diamniadio, afin d’y étaler leur génie créateur. En plus de la concurrence que leur mènent les meubles exportés, plus prisés par la clientèle sénégalaise, les menuisiers exposants disent faire face à la cherté des matériaux intervenant dans la fabrication de leurs meubles.
«Nous voulons qu’on nous aide à rendre accessibles les matériaux avec lesquels nous travaillons, en faisant que leurs prix soient moins onéreux», plaide Pape Faye.
«Le prix du bois laminé varie entre 25 mille et 43 mille francs la feuille. Pour ce qui est du bois de Djibouti, la feuille coûte 750 francs. Pour arriver à avoir une chambre à coucher, il faudrait au bas mot casquer 500 mille francs. A cela s’ajoutent les matériaux relatifs à la quincaillerie, avec le vernis et les papiers à gratter le bois. Nous sommes contraints de brader nos œuvres en n’obtenant que 50 mille francs de bénéfices sur la vente. Parce que nous faisons face à des dépenses. Nous sommes tenus de payer le loyer et de faire face à d’autres charges aussi», explique Pape Diouf. Lequel doit chaque mois s’acquitter du paiement du lieu où il expose en versant 8 mille francs à la mairie. Le paiement varie selon les surfaces occupées par les exposants. D’autres difficultés viennent davantage peser sur la balance, rendant ainsi la vie dure à ces menuisiers.
«J’ai dû payer 150 mille pour des arriérés de location à la mairie», argue Pape Diouf, qui est aussi obligé de verser, chaque nuit, 500 francs au gardien pour veiller sur ses biens. «Souvent nous restons deux à trois mois sans voir de clients», insiste le menuisier, qui parvient clopinclopant à écouler certaines de ses œuvres avec une clientèle issue du haut d’en haut.
«J’ai réalisé la plupart du mobilier qui se trouve à Diamniadio. Plusieurs fauteuils sur lesquels s’assoit le Président Macky Sall, c’est moi qui les ai réalisés. Les autorités utilisent les produits locaux. Il y a des personnalités qui viennent acheter des meubles ici la nuit, pour ne pas se faire remarquer», se targue-t-il.
Un autre rencontré sur les lieux met le curseur sur d’autres difficultés. «Je suis là depuis deux ans. Il n’y a pas d’éclairage. Des sans-abris passent la nuit sur nos fauteuils chaque fois, et souvent ils les déchirent. Qu’est-ce qu’on y peut ? On s’en remet à Dieu», se résigne Mahmouth Fall, qui regrette néanmoins d’avoir été délogé de la Corniche, où il y avait moins de problèmes pour les exposants. C’est devenu la croix et la bannière pour écouler leurs produits, mais Mahmouth Fall s’en contente.
«On peut vendre des meubles ce mois-ci et ne rien vendre le mois qui suit. Il y a des salons qu’on peut vendre à 250 mille, 275 mille francs, d’autres à 350 mille francs. Il y a des salons importés qui coûtent jusqu’à un million de nos francs. Je ne vois pas d’inconvénients par rapport à la concurrence. A chacun ce qu’il doit gagner», avance-t-il.
Gérante d’un salon d’exposition sur les lieux, Mlle Dalanda Diallo estime que les choses ne marchent pas comme sur des roulettes. «Ça marche un peu. C’est difficile de trouver la clientèle. On peut rester un mois sans rien vendre. Je travaille pour m’occuper. Nous vendons plus pendant les fêtes de fin d’année, de Tabaski, Korité, Magal Touba. On peut arriver à écouler nos œuvres avec un chiffre d’affaires qui varie entre 600 mille et 1 million de nos francs. Mais on vend à perte parce que le bois est trop cher», tient à préciser la gérante moulée dans son jean bleu et son haut, prenant ses aises sur une des chaises exposées dont elle se charge de la gestion.
Préposé à l’emballage des meubles, Yaya Séne guette la clientèle et lance un appel aux autorités pour pouvoir disposer d’un financement afin de booster l’activité des menuisiers exposants. «C’est un paradoxe de parler d’appui alors que des mécanismes de financement existent au Sénégal», dit-il Un des menuisiers exposants, Pape Diouf, explique : «Les gars (structures de l’Etat) sont venus ici. On a déposé nos dossiers, il n’y a eu aucune réaction en retour», déplore-t-il.
Peut-être que la mise en place d’un fonds dédié au secteur informel en général, et en particulier au secteur de l’artisanat, annoncée par le ministre de l’Artisanat, Birame Faye, pourrait aider ces exposants menuisiers à tirer un meilleur parti de leur activité.