Premier ivoirien à entrer à Polytechnique, jeune ministre, puissant banquier international: Tidjane Thiam, désormais chef de l’opposition en Côte d’Ivoire, fait son retour dans son pays natal pour se lancer dans la course à la présidentielle et écrire une nouvelle page de sa prolifique carrière.
« Ce qui m’intéresse ce sont les dispositions qui marchent, pas les solutions qu’on ne voit pas », assène Tidjane Thiam qui se définit volontiers comme un « pragmatique ».
Avant d’être le patron du Crédit Suisse de 2015 à 2020, M. Thiam, 61 ans, s’est d’abord distingué par une première carrière d’ingénieur.
Une fois son bac scientifique obtenu au lycée classique d’Abidjan, il est en 1982 le premier Ivoirien à réussir le concours d’entrée à Polytechnique, en France, dont il sort diplômé deux ans plus tard.
Major des Mines en 1986, il passe quelques années dans le cabinet McKinsey avant d’être repéré par le pouvoir en place à Abidjan.
Le président Henri Konan Bédié lui propose en 1994 de prendre à 31 ans la tête du prestigieux Bureau national d’études techniques et de développement (Bnetd) chargé de piloter les grands chantiers du pays.
Carrière à l’étranger
Il rejoint ensuite le bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), alors au pouvoir, et devient ministre du Plan en 1998.
Mais cette première carrière politique est de courte durée, la faute à un coup d’Etat qui renverse le pouvoir en place, un soir de Noël 1999.
Tidjane Thiam se lance alors dans le privé à l’étranger: d’abord DG des assureurs Aviva puis Prudential, il devient en 2015 le patron du Crédit Suisse et rappelle volontiers qu’il a géré des sociétés faisant des chiffres d’affaires de plusieurs milliards de dollars.
Après une vaste restructuration de la banque, sa stratégie d’abord saluée sera critiquée après trois années consécutives de pertes et une chute du cours de l’action.
Il quitte ses fonctions début 2020 après un scandale d’espionnage au sein de l’institution, dans lequel il a toujours nié être impliqué, quelques mois avant la mort d’un de ses fils, emporté par un cancer à 24 ans.
« Tous les métiers qu’il a occupés jusqu’à présent sont des métiers de conception et de stratégie », pointe à l’AFP son frère aîné Augustin Thiam, gouverneur de Yamoussoukro, la capitale ivoirienne.
« Renouveau »
Fan du club londonien d’Arsenal, ce benjamin d’une famille de sept enfants est également lié par le sang au premier président Félix Houphouët-Boigny, dont il est le petit-neveu.
Un atout que cet Ivoiro-Français aux lunettes rectangulaires et à la silhouette longiligne met en avant lors de son retour en politique ces dernières semaines, en évoquant « avec une grande émotion » en meeting depuis Yamoussoukro la « terre de (ses) ancêtres ».
Peut-il, après plus de deux décennies hors de la Côte d’Ivoire, incarner un présidentiable crédible quand ses détracteurs l’estiment coupé des réalités du pays?
« Il a un avantage: il n’est mêlé à aucune affaire de gestion du parti, il a un rayonnement international, c’est quelqu’un de son temps et dans son temps », glisse un cadre du PDCI, le parti dont M. Thiam a pris les rênes vendredi.
Signe que son retour ne passe pas inaperçu, des cadres du RHDP, le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, ont lâché leurs coups au lendemain de son premier meeting à Yamoussoukro, début décembre, l’invitant notamment à être « humble et un peu moins prétentieux ».
« Tidjane a occupé des postes, a été ministre mais c’est la première fois qu’il fait de la politique active. Et quand vous voyez que pour son premier meeting il réunit des milliers de personnes ça fait peur à certains », répond son frère Augustin.
« Il incarne une lame de fond de renouveau générationnel qui transcende les clivages politiques », veut-il croire.