Alors que certaines universités régionales du pays sont ouvertes depuis quelques temps, celle de la capitale sénégalaise communément appelée Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar n’a pas encore repris les cours. Ce qui suscite le soulèvement des étudiants et certains syndicats de l’éducation, notamment la Coordination du Syndicat Autonome des Enseignants du Supérieur (Saes). Ces derniers accusent les autorités de vouloir hypothéquer l’ouverture de l’année universitaire à l’UCAD et d’être les victimes expiatoires de stratégies politiques latentes en année électorale.
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) est fermée depuis le mois de juin dernier, à la suite de violentes manifestations nées de la condamnation à 2 ans de prison ferme du principal opposant de Macky Sall, en l’occurrence Ousmane Sonko du parti dissout Pastef-Les Patriotes. Après quatre (4) mois de suspension des cours en mode présentiel, les étudiants sont plongés dans une inquiétude totale sur leur avenir et demandent aux autorités de réagir, afin que les enseignements puissent reprendre dans un bref délai. Mais ce cri de détresse donne l’impression d’être tombé dans l’oreille d’un sourd.
Pour cause, l’ouverture de l’année universitaire initialement prévue pour novembre prochain semble hypothéquée. En effet, alors qu’une réunion du Conseil académique doit avoir à nouveau lieu à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar à la fin de ce mois d’octobre 2023 pour décider quel sera le calendrier de la reprise des cours en présentiel, la direction de la cité universitaire a décidé de repousser la réouverture du campus où logent une grande partie des 85 000 étudiants, à début janvier 2024. La principale raison officielle invoquée par Maguette Sène, le directeur du Coud, est la nécessité de faire des travaux de rénovation et des aménagements sécuritaires, après la fermeture de l’ université suite à des manifestations consécutives à la condamnation du principal opposant Ousmane Sonko, début juin, et le saccage de l’université par des manifestants en furie.
A en croire ainsi Maguette Sène, Directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), «le Conseil d’administration avait fermé, le1er juin, le campus. Aujourd’hui, il a encore décidé de repousser l’ouverture afin de mettre des mesures plus adaptées pour que les casses ne se reproduisent plus. Mon équipe et moi travaillons pour mettre en place un système de sécurité car il nous faut revoir l’habitation, mais aussi l’accès au campus». Le Directeur du COUD de faire comprendre que la demande est loin d’être réalisée parce que « Le Conseil d’académie, en fermant le campus au mois de juin, avait proposé comme alternative des cours en ligne. Nous pensions qu’on pourrait le poursuivre en attendant de finir les travaux ». Et tout admettant que les études en ligne, palliatifs trouvés à la fermeture des amphithéâtres, avaient des limites, il a fait savoir que « Nous sommes obligés de suivre et de sécuriser le campus».
La proposition qui ne fait pas l’unanimité a soulevé moult tensions, notamment chez les étudiants et les membres du Saes (Syndicat autonome des enseignants du Supérieur), décidés à obtenir la réouverture des amphithéâtres le plus tôt possible. Les nerfs sont encore plus tendus chez les étudiants qui ne demandent que l’ouverture de l’année académique à l’université Cheikh Anta Diop (UCAD)au moment où certains de leurs camarades des autres universités sont démarré les cours.
C’est ainsi que dans la foulée d’une réunion du Conseil académique de l’Ucad, dirigée par le Recteur Aly Mbaye et arrêtant la fin de ce mois d’octobre pour statuer sur la date de reprise des cours, les étudiants par l’entremise de leurs Amicales, ont cherché à organiser une conférence de presse pour se prononcer sur leur situation. Malheureusement, la police a dispersé à coup de de grenades lacrymogènes, la conférence de presse des étudiants qui devraient se tenir à l’université Cheikh Anta Diop(UCAD) de Dakar, le lundi 23 octobre dernier, précisément à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG). Selon les forces de l’ordre, la rencontre n’avait pas été autorisée, alors que les étudiants soutenaient le contraire. Ces derniers vont finalement tenir leur conférence de presse au lycée Maurice de Lafosse.
La principale décision du jour a été de lancer un appel aux autres étudiants du Sénégal pour bloquer les cours partout dans le pays. « Etudiants, luttez pour vous. Le mot d’ordre, c’est de paralyser le système éducatif, préscolaire, collège et lycée. Que personne ne fasse cours tant que l’UCAD n’est pas ouverte. La police a reçu l’ordre pour qu’on ne tienne pas la conférence. Alors, on est prêts à tout. S’il faut faire un front pour défendre notre avenir, nous sommes prêts». D’ailleurs, le mardi 24 octobre dernier, les étudiants ont même délogé leurs apprenants du lycée Maurice de Lafosse. Et dans la dynamique, ils n’ont pas manqué de dénigrer la non-ouverture de l’université, une décision qui serait purement politique à leurs yeux. L’année électorale et la forte tension politico-sociale seraient pour eux aux entournures de cette décision de maintenir clos les amphithéâtres de la première université publique du Sénégal.
Les enseignants, en guerre contre la fermeture prolongée
Dans la même lancée, le SAES campus Dakar a tapé sur la table en exigeant des autorités la fin de la fermeture de l’UCAD qui, selon eux, augure de lendemains incertains. Dans un communiqué publié avant-hier, jeudi 26 octobre, « la Coordination constate, avec regret, une volonté manifeste des autorités de vouloir retarder la reprise des enseignements en présentiel, remettant ainsi en cause les résolutions fermes des instances syndicales relatives à une reprise immédiate des enseignements. Cet état de fait, qui inquiète la communauté universitaire dans toutes ses composantes, appelle à une mobilisation pour combattre avec vigueur toute intention ou tentative de détourner de cet objectif commun qu’est la reprise en présentiel des enseignements à l’UCAD ». Et de poursuivre : « Au demeurant, la coordination interpelle l’autorité et la met face à ses responsabilités quant aux prochaines perturbations qui découleraient du dilatoire orchestré en vue d’orienter la décision des instances académiques et de saborder la reprise voulue ». Pour finir, la Coordination du SAES a invité ses militants « à rester mobilisés et à se tenir prêts pour l’exécution de plan d’actions d’envergure pour le sauvetage de notre université ». Reste maintenant à savoir quelle sera la décision du Recteur Mbaye et du Conseil académique de l’Ucad à qui revient le dernier mot de l’ouverture ou non de l’université de Dakar !