Le Premier ministre, Amadou Ba, a démarré le week-end du 19 au 20 octobre dernier dans la région de Saint-Louis ses activités de terrain à l’intérieur du pays dans le cadre de la campagne de parrainage sous le sceau d’une tournée économique. Cependant, à moins de cinq mois de la date de ce scrutin prévu le 25 février 2024, le candidat désigné de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY) à l’élection présidentielle de 2024, fait face à un contexte politique et social loin d’être favorable à son deuxième gouvernement.
Le Premier ministre Amadou Ba, après plus d’un mois d’activités politiques réduites à des audiences dans sa résidence du « Petit palais», situé à quelques mètres de l’ancien Palais de justice, a officiellement lancé sa campagne de parrainage le week-end du 19 au 20 octobre dernier dans la région de Saint-Louis sous le sceau d’une tournée économique. Lors de ce déplacement, le chef du gouvernement et candidat de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (Bby) à l’élection présidentielle de 2024 qui a visité plusieurs projets de l’Etat à Saint-Louis, Richard Toll et Dagana a profité de l’occasion pour remobiliser les militants en perspective de cette élection présidentielle. Désigné par le chef de l’Etat, Macky Sall, pour être le candidat de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar, au détriment d’autres prétendants dont des militants de la première heure du parti au pouvoir, Amadou Ba a désormais la lourde responsabilité de réaliser le veux de la coalition actuelle qui est de diriger le Sénégal jusqu’en 2035. Toutefois, il faut dire que ce vœu fait aujourd’hui face à plusieurs défis.
En effet, à moins de cinq mois de la date de ce scrutin prévu le 25 février 2024, le contexte politique et social est loin d’être favorable à son deuxième gouvernement qui avait pourtant reçu pour mission de « veiller à la consolidation de la croissance, la lutte contre la vie chère, l’emploi, sans oublier la marche des services publics ». L’inflation a touché tous les secteurs de la vie plongeant ainsi une grande partie de la population dans le désarroi. Le samedi 21 octobre dernier, un Rassemblement contre la hausse des prix a été d’ailleurs organisé par un « Collectif sénégalais contre la hausse des prix » à la Place de la nation sise à Colobane. Selon les membres de ce collectif, depuis 2022, la capitale sénégalaise fait partie des villes les plus chères en Afrique de l’Ouest en raison, disent-ils, de la cherté du loyer, de l’électricité, des denrées alimentaires qui font selon eux face à une explosion des prix comme ceux du kilo d’oignon qui est passé de 500F en 2021 à 1 300 francs CFA en 2023.
Vers un regain du front social
Outre cette inflation des prix, l’autre réalité du terrain qui risque d’impacter négativement sur l’agenda de la présidentielle de l’actuel Premier ministre et candidat de la coalition au pouvoir, est le réchauffement de la tension sociale avec les menaces de grève qui pendent au nez du gouvernement. La dernière touche le secteur du ramassage des ordures où après 11 mois sans salaire, le collectif des concessionnaires du nettoiement menace d’aller en grève. Autre secteur sous menace de perturbation, c’est la justice avec le préavis de grève du Syndicat des Travailleurs de la Justice (SYTJUST). Dans un communiqué rendu public le 24 octobre dernier, les responsables de ce syndicat ont annoncé avoir déposé un préavis de grève le 19 octobre dernier pour disent-ils « mettre le Ministre de la Fonction publique devant ses responsabilités suite à son refus d’harmoniser sa position à celle du Garde des Sceaux, Ministre de la justice, qui a posé des actes pour corriger un sabotage de la réforme qui consacre le passage des greffiers à la hiérarchie A2 et le reclassement du personnel du Ministère de la justice dans le corps des assistants des greffes et parquets ». Ils accusent des pans proches du ministère incriminé : « en effet, des juristes de l’entourage du Ministre de la Fonction publique avaient dénaturé volontairement le projet de décret portant statut particulier du cadre des fonctionnaires de la justice après que celui-ci avait été examiné et adopté par le gouvernement, lors du Conseil des ministres du 25 juillet 2018 ».
Toujours, au sujet des évènements qui risquent d’alimenter la tension autour de la campagne de l’actuel Premier ministre et candidat de la coalition au pouvoir, il y a aussi la crise qui secoue le secteur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. En effet, malgré les dix-huit (18) mesures que le gouvernement avait annoncées pour une rentrée scolaire 2023-2024 réussie, la crise dans le secteur de l’éducation persiste. Aujourd’hui, elle est aggravée par le déficit d’enseignants dénoncé un peu partout notamment dans les régions. L’Enseignement supérieur n’est pas en reste surtout après cette décision de fermeture jusqu’à nouvel ordre de toutes les universités du pays prise par le gouvernement alors que l’étudiant sénégalais est déjà confronté au problème de chevauchement des années académiques.
« Barsa ou Barsakkh » ou l’échec des politiques de jeunes
A cela, il faut également ajouter le phénomène de l’émigration irrégulière avec son lot de drames humains évalué à des dizaines et des dizaines dejeunes disparus ou morts dans les profondeurs de l’Océan atlantique et la mer Méditerranéenne mais aussi sur le chemin du Nicaragua vers les États d’Amérique. Une équation qui remet en question toute la politique de l’emploi du régime en place.
Autre élément à risque qui pourrait s’inviter dans la campagne électorale de l’actuel Premier ministre, c’est également le débat sur le fonctionnement de la justice et la réédition des comptes. En effet, le traitement accordé par son gouvernement aux recommandations du rapport de la Cour suprême sur les fonds Covid-19 a créé chez beaucoup de Sénégalais un sentiment de frustration surtout avec l’intégration dans son équipe de campagne de la plupart des personnalités incriminées par ce fameux rapport de la Cour des comptes. En lieu et place des ministres, ordonnateurs des dépenses, ce sont plutôt les Directeurs de l’Administration générale et de l’Équipement (Dage) qui sont visés par les enquêtes ouvertes au niveau de la Division des investigations criminelles (Dic). A cela, s’ajoutent également les procédures judiciaires ouvertes contre le maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko et ses partisans. En effet, beaucoup de Sénégalais ne sont pas convaincus de la bonne foi du gouvernement dans ces affaires. Pour eux, toutes ces procédures relèvent d’une instrumentalisation de la justice dans le but de le rendre inéligible à la prochaine élection présidentielle. Résultat, malgré toutes les campagnes de dénigrement et les actes politico-administratifs et judiciaires initiés par le régime en place à l’encontre de leader de l’ex parti Pastef, celui-ci continue de bénéficier d’un capital de sympathie énorme notamment chez les jeunes.