Le rapport souligne qu’il faudrait ajouter jusqu’à 382 mines de cobalt, de cuivre, de lithium et de nickel aux 500 gisements en activité aujourd’hui pour éviter tout déséquilibre entre l’offre et la demande de ces minerais d’ici la fin de la décennie en cours.
Des pénuries temporaires de nombreux minéraux nécessaires à la transition vers une économie mondiale sobre en carbone comme le cobalt, le lithium et les éléments des terres rares devraient être enregistrées d’ici 2030, selon un rapport publié en juillet dernier par le cabinet de conseil McKinsey & Compagny.
Intitulé « The net-zero materials transition : Implications for global supply chains », le rapport souligne que trois facteurs stimuleront la demande mondiale de ces minéraux utilisés dans la fabrication des panneaux solaires, des éoliennes ou encore des batteries des véhicules électriques au cours des prochaines décennies. Il s’agit en premier lieu de la croissance de la population mondiale qui devrait passer de 7,8 milliards d’habitants en 2020 à 9,6 milliards en 2050, en raison notamment de la forte croissance démographique en Afrique subsaharienne (plus de 1 milliard d’âmes supplémentaires d’ici 2050) et de l’Inde (plus de 300 millions).
Les deux autres facteurs sont le développement des classes moyennes, qui devraient compter jusqu’à 6 milliards d’individus en 2050 contre 3,2 milliards de personnes aujourd’hui, et la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Cette transition boostera la croissance de la demande des minerais dits critiques de deux manières. Premièrement, les technologies à faible teneur en carbone sont souvent plus gourmandes en minerais que celles conventionnelles. Par exemple, une turbine éolienne offshore nécessite environ six fois plus de minerais qu’une centrale à gaz sur la base d’un mégawatt, tandis que les véhicules électriques à batteries sont en moyenne 15 à 20 % plus lourds que ceux à moteur à combustion interne.
Deuxièmement, les technologies à faible teneur en carbone nécessitent une nouvelle génération de minerais qui n’étaient jusque-là produits qu’en quantités limitées, comme le lithium et les terres rares.
Jusqu’à 382 nouvelles mines sont nécessaires
Le rapport indique également que les pénuries attendues de plusieurs minerais ne découleront pas de la rareté de ces matières premières, mais de la durée relativement longue du développement des mines. Il faut généralement cinq à quinze ans — en fonction du minerai, des caractéristiques du projet et de l’environnement réglementaire — pour développer un nouveau gisement (de l’exploration à l’exploitation minière).
Pendant cette durée, des pénuries temporaires de matériaux pourraient se produire si la croissance de la demande dépasse les prévisions initiales de l’industrie. Ces pénuries peuvent être légères telles que celle qui devrait toucher le nickel, dont la production primaire et secondaire (recyclage) couvrira 80 à 90% seulement de la demande, ou sévères comme celle qui concernerait le dysprosium. L’offre globale de ce métal du groupe des terres rares ne devrait couvrir qu’environ 30% de la demande.
Plus généralement, la plupart des minerais utilisés dans la fabrication des batteries électriques comme le lithium, le cobalt, le nickel, le manganèse et le graphite connaîtront des pénuries légères à modérées, malgré les efforts déployés par les industriels pour réduire l’intensité en cobalt et le passage partiel des batteries nickel-manganèse-cobalt (NMC) aux batteries lithium-fer-phosphate (LFP).
Les autres minerais, dont l’offre devrait être déficitaire d’ici la fin de la décennie en cours, sont le cuivre (câblage électrique), l’iridium (électrolyseurs à hydrogène), l’étain (semi-conducteurs), le terbium (catalyse et métallurgie) ainsi que le néodyme et le praséodyme (aimants permanents).
Selon les calculs de McKinsey & Compagny, il faudrait ajouter jusqu’à 382 mines de cobalt, de cuivre, de lithium et de nickel aux 500 gisements en activité aujourd’hui pour éviter tout déséquilibre entre l’offre et la demande de ces minerais d’ici 2030.
La concentration géographique de l’offre persistera
Le rapport note d’autre part que la forte concentration géographique de l’offre de plusieurs minerais critiques devrait se poursuivre durant les prochaines décennies. Ainsi, la Chine continuera à contrôler le marché en terres rares alors que la RD Congo accaparera jusqu’à 75% de la production mondiale de cobalt. En ce qui concerne le nickel, l’Indonésie devrait porter sa part dans la production mondiale de 33 % en 2021 à 58 % en 2030.
Pour assurer un équilibre entre l’offre et la demande des minerais nécessaires à la transition vers une économie mondiale sobre en carbone, McKinsey & Compagny recommande des actions harmonisées sur les fronts de l’offre, de la demande et de l’innovation.
En ce qui concerne l’offre, l’intérêt devrait notamment se porter sur la mise à l’échelle des projets miniers déjà annoncés, tout en intensifiant l’exploration pour garantir une augmentation de la production au-delà de 2030. Sur ce plan, les investissements dans l’exploitation minière, le raffinage et le traitement des minerais devront augmenter significativement pour s’établir à environ 300 à 400 milliards de dollars par an d’ici la fin de la décennie, alors que la main d’œuvre active dans le secteur est appelée à passer de 300 000 à 600 000 professionnels spécialisés.
Des capacités de 200 à 500 gigawatts supplémentaires d’énergie (idéalement à faible teneur en carbone) devront aussi être installées d’ici 2030 pour alimenter les divers projets miniers.
Pour ce qui est de la demande, les industries en aval gagneraient à réorienter leur demande vers des technologies éprouvées moins gourmandes en minéraux critiques ou qui nécessitent des matériaux différents pour lesquels l’offre est moins limitée.
Sur le front de l’innovation, les investissements dans les technologies de pointe devraient être consolidés pour explorer des options de substitution des minerais les plus touchés par des pénuries et améliorer les pratiques de recyclage.