Les liens de parenté très étroits entre les guides spirituels du Mouridisme et de la Tidjaniya dans notre pays sont connus. Mais rares sont ceux qui savent qu’ils sont tous des descendants de Mame Maharame Mbacké, arrière-grand-père du fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, et du premier khalife des Tidianes, El Hadj Malick Sy. Sans compter que Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh porte le sang de Mame Maharame Mbacké, tant du côté maternel que paternel.
Un jour, Serigne Maodo Sy Dabakh se rendait chez le Khalife général des Mourides, feu Serigne Sidy Moctar Mbacké, en vue de raffermir les liens entre les communautés mouride et tidiane, avec la bénédiction du Khalife général des Tidianes, feu Serigne Mansour Sy Borom Daraji. Il disait marcher sur les traces du vénéré Serigne Abdoul Aziz Sy, qui s’était évertué toute sa vie durant à chasser les démons de la division. Cette démarche noble des guides religieux des confréries tidiane et mouride semble s’inscrire, aux yeux de quelques observateurs avertis, dans le cours normal des choses. Et pour cause, ils sont tous des petits-fils du même homme, le vénéré Mame Maharame Mbacké. Ses trois fils ont enfanté les guides des deux confréries religieuses les plus importantes du pays. Tandis que sa fille est l’arrière-grand-mère de Serigne Hady Touré, guide spirituel de renom, chantre du Prophète Mohamed (Psl) et de son maître Cheikh Ahmed Tidjani. Selon les écrits, le vénéré Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh a fait ses humanités auprès du saint homme qui a su perpétuer l’héritage spirituel de Maodo Malick Sy.
Sokhna Mame Diarra Bousso et Mame Mor Anta Sali Mbacké, issus de la même branche
En effet, l’un des fils de Mame Maharame Mbacké, Mame Balla Aïcha Mbacké, est le père de Mame Mor Anta Sali Mbacké, qui est le père du fondateur du Mouridisme, Serigne Touba. Il faut souligner aussi que la vénérée Sokhna Diarra Bousso est une descendante de cette lignée. Quoiqu’ayant des origines chérifiennes, la sainte femme est la fille de Sokhna Asta Walo Mbacké, descendante de Mame Maharame Mbacké.
Mame Maharame Mbacké, présenté comme un érudit, a su inscrire son nom dans la postérité de par une descendance de vertu, avec à la base une solide éducation coranique et une profonde maîtrise du soufisme. La ville religieuse de Tivaouane, capitale de la Tidjaniya dans notre pays, lui doit aussi une fière chandelle. Le vénéré Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh est le descendant de ses deux autres fils : Thierno Farimata Mbacké et Ahmad Farimata Mbacké. Thierno Farimata Mbacké est le père de Mame Khary Mbacké, mère de Ngagne Niang, père de Safiatou Niang, qui est la maman de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, né de son union avec El Hadj Malick Sy, qui a grandement contribué à la propagation de la confrérie tidiane.
De l’autre côté, l’ascendant direct de Abdoul Aziz Sy Dabaakh est le fils de Mame Fawad Wélé et de Ousmane Sy, lequel est le fils de Demba Bouna Sy et de Maty Mbacké. Celle-ci, qui est présentée comme un modèle de piété, est la fille de Ahmad Farimata, fils de Mame Maharame Mbacké.
Marabout et éminent juriste
Mame Maharame Mbacké, qui a ainsi laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la vie religieuse du pays, ne semble pas très connu des générations actuelles. Mais une partie de sa vie a été immortalisée par quelques écrits. Dans un ouvrage pointu intitulé «Touba, la capitale des Mourides», fruit de longues recherches scientifiques menées avec la collaboration de l’Ird Paris et Dakar, d’Enda et de Khartala (Paris), l’auteur Cheikh Guèye lève un coin de voile sur cet homme multidimensionnel. Un homme d’exception !
Né en 1703, Mame Maharame Mbacké, qui a vécu 99 ans, a su marquer à sa manière le 18ème siècle. Il a fait évoluer sa descendance dans un environnement marqué par la piété et l’adoration divine. Il a su leur inculquer un savoir islamique. Le saint homme s’est aussi fait distinguer par sa finesse d’esprit et sa sagesse hors pair. Cheikh Guèye, dans son ouvrage «Touba la capitale des Mourides», lui attribue la paternité de Mbacké, la ville mère de la confrérie mouride. Et d’ajouter que «c’est en 1770 que Mame Maharame Mbacké, arrière-grand-père de Cheikh Ahmadou Bamba, arrive au Cayor en provenance du Djolof. Eminent jurisconsulte, spécialisé dans les affaires de succession, attaché à plusieurs cours (Cayor, Baol, Saloum), il jouissait d’un prestige certain». Dans le contexte du 18ème siècle finissant, les figures religieuses qui ont émergé dans le pays wolof avaient surtout acquis leur pouvoir par la guerre, occasionnant des rivalités internes. Ainsi, la tradition orale décrit Mame Maharame Mbacké comme «un fin lettré musulman, brillant surtout par son indépendance d’esprit». L’auteur ajoute : «Mais son succès est sans doute également lié à la sensibilité islamique de certains souverains de l’époque qui favorisaient déjà, depuis plusieurs années, les marabouts attachés à leurs cours. C’est sans conteste le prestige et l’utilité de Mame Maharame Mbacké qui ont poussé le Damel Amari Ngoné à lui accorder une concession foncière.»
Honoré par le Damel Amari Ngoné
En effet, selon l’ouvrage, en 1795, après l’assassinat de Serigne Malamine Sarr, un collègue, c’est Mame Maharame Mbacké qui a réussi à convaincre le Damel de libérer les marabouts qui avaient décidé de venger leur collègue. Il a été par la suite honoré par le Damel, pour son acte de bravoure. «Il lui a offert la concession où Mbacké a été construit. Elle était un vaste espace. La région était surtout constituée de pâturages occupés de manière diffuse par les éleveurs peuls transhumants. Quand la famille de Mame Maharame Mbacké s’installe, une école est ouverte et une exploitation agricole initiée. L’école, tenue par la famille et d’autres disciples de Mame Maharame, prospère assez vite et devient un village, en peu de temps, doublé de l’exploitation agricole du marabout.
Progressivement Mbacké s’affirme dans le réseau. C’est en 1802 que Mame Maharame Mbacké meurt, son successeur, Mame Balla, grand-père de Cheikh Ahmadou Bamba, augmente le prestige de l’école, en y faisant venir des maîtres réputés et accueillent des étudiants de divers horizons.»
Mame Maharame Mbacké a offert aux musulmans une descendance de valeur qui a su décliner un itinéraire spirituel qui mène à la Vérité…