Trois semaines après le coup d’État qui a renversé Mohamed Bazoum et porté Abdourahamane Tiani à la tête de la junte, l’ancien président nigérien sort du silence. Entretien exclusif.
Il s’était muré dans le silence depuis le putsch du 26 juillet et la séquestration de celui qu’il avait choisi pour lui succéder en 2021, Mohamed Bazoum. Laissé libre de ses mouvements par la junte mais reclus dans sa résidence avec sa famille proche, à l’exception de son fils, Sani, ministre du Pétrole, placé en résidence surveillée à la Villa Diouf en compagnie de plusieurs anciens dignitaires, Mahamadou Issoufou, président du Niger pendant dix ans et artisan de la première
alternance démocratique dans l’histoire de ce pays, avait choisi de ne pas communiquer en dehors d’un simple tweet publié quatre jours après le coup d’État. Un mutisme source de nombreuses spéculations, voire d’accusations de connivence avec les putschistes, qu’il a choisi de rompre, ce 17 août, dans un bref entretien avec JA.
Jeune Afrique : Comment avez-vous accueilli le coup d’État ?
Mahamadou Issoufou :
Avec une grande surprise. Nous avons tous été surpris. Vous inscrivez-vous toujours dans une
démarche de médiation avec les militaires qui ont pris le pouvoir ? Oui. C’est très difficile, mais je garde l’espoir d’une sortie de crise pacifique et négociée.
Quel est votre objectif ?
Mon exigence n’a jamais varié. Je demande la libération du président Mohamed Bazoum et sa
restauration dans ses fonctions.
Pourquoi ne condamnez-vous pas explicitement le coup d’État ?
Ce que je viens de vous dire me semble clair à ce sujet.
Jusque dans l’entourage du président Bazoum, certains n’hésitent pas à vous accuser de manipuler les généraux, voire d’être le cerveau du putsch. Comment réagissez-vous ?
Très mal. Je me sens insulté, meurtri dans mon intelligence. Tout cela est archi-faux. Ceux qui
propagent ce type de rumeurs sont ceux-là même qui, dès le premier jour, ont cherché à nous diviser, Bazoum et moi. Mais notre amitié a toujours été plus forte que cela. Et puis, posez-vous la question : qu’aurais-je à gagner dans ce scénario ? Rien. Qu’aurais-je à perdre ? Tout.
Quels sont vos rapports actuels avec Mohamed Bazoum ?
Nous échangeons chaque jour, tirez-en les conclusions. Il a pourtant été dit et répété que vous lui aviez imposé le maintien du général Abdourahamane Tiani, aujourd’hui chef du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), à la tête de la garde présidentielle…
Faux. Je n’ai jamais demandé cela, encore moins imposé. Pour la bonne raison que je me suis toujours interdit d’intervenir en faveur ou en défaveur de qui que ce soit.
Vous situez-vous sur la même longueur d’onde que la Cedeao ?
Oui. Comme elle, je privilégie la voie de la négociation.
Et l’usage de la force ?
C’est l’ultime recours.