La plage de l’hydrobase est la plus fréquentée à Saint-Louis. Elle accueille plus de 500 personnes par jour et beaucoup plus les mercredis et les week-ends. Les surveillants de baignade affectés à cette plage font face à beaucoup de difficultés, notamment l’insécurité et l’insalubrité.
Un jeune couple se promène bras dessus, bras dessous sur la plage de l’hydrobase à Saint-Louis. La fille tient ses chaussures à la main. Ses cheveux tressés en nattes, elle est habillée d’une petite robe rouge ample et légère. Un large sourire illumine son visage après quelques mots chuchotés à son oreille par le garçon. Ils s’arrêtent devant une table pour acheter du poisson braisé. Il est 17h à la plage de l’hydrobase de Saint-Louis. Pourtant le soleil jette toujours ses rayons qui embellissent la couleur bleue de la mer. Les vagues viennent parfois avec violence caresser les pieds de ceux qui sont sur la rive. Les grandes vacances ont démarré à Saint-Louis et la plage la plus fréquentée ici refuse encore du monde. Il y a des gens de presque tous les âges. Des enfants, des joueurs de foot, des baigneurs. Ils sont tous venus pour se détendre et fuir la chaleur étouffante de Saint-Louis ces derniers jours.
Ndèye Sadio Seck est venue avec des membres de sa famille. La plage de l’hydrobase est leur endroit privilégié pendant les vacances. Même le nouveau-né de la famille est présent. « Il fait chaud et c’est le temps des vacances. Alors on profite de la plage avec mes sœurs et nos enfants », explique-t-elle.
Un peu plus loin, un groupe de jeunes joue au foot. Ils sont venus de Gandiol. Mohamed est l’un d’eux. Les pieds nus, teint clair et élancé, il vient les mercredis après-midi et les week-ends pour des retrouvailles avec ses amis.
Une plage loin d’être propre
Si de loin la plage de l’hydrobase offre une belle vue, la réalité est tout autre quand on s’approche de plus près. La plage est sale ! Il y a des déchets, beaucoup de déchets. Des déchets plastiques comme des sachets et bouteilles, des gobelets ayant servi à boire du café, des bouts de tissu, des chaussures abandonnées et même des couches de bébé. Si en 2018 la plage avait bénéficié d’une vaste opération de nettoyage conduite par les hôteliers du coin, ces jours de propreté sont devenus des souvenirs lointains pour ceux qui fréquentent la plage. Cette insalubrité, selon Déthié Sène, chef de poste de surveillance de la baignade à l’hydrobase, est due à plusieurs facteurs. « Les gens, en venant à la plage, apportent de la nourriture. En partant, ils laissent tous leurs déchets sur place. La plage n’a pas de service de nettoyage et le plus compliqué est que tous les déchets qui viennent de Guet Ndar, Santiaba et Gokhou Mbacc sont rejetés ici. Voilà pourquoi il est difficile de rendre la plage propre », précise-t-il. Une situation qui ne décourage pas les baigneurs. Ils partagent sans soucis la rive avec les déchets. Tous les jours, ce sont plus de 500 personnes qui convergent vers la plage de l’hydrobase. Un nombre qui triple les mercredis et les week-ends. Difficile de garantir la sécurité dans ces conditions. La commune y a installé un poste de surveillance. Il a un effectif de 10 volontaires, bien peu pour contenir tout ce beau monde. « Nous sommes 30 surveillants de baignade pour 12 plages à Saint-Louis. l’hydrobase, nous sommes 10. Vous voyez que c’est bien peu avec tout ce qu’il y a comme personnes ici », indique M. Séne, le chef de poste.
Ces surveillants sont formés par la Fédération nationale de natation. Ils ont appris comment appliquer les premiers soins à une victime de noyade, comment réagir en cas de perte de connaissance, comment aider la victime à régurgiter l’eau de mer avalée ou encore comment communiquer avec les baigneurs. Déthié Sène renseigne qu’ils ont tous un diplôme d’État et que malgré un effectif réduit, ils n’ont jamais eu, depuis 2003, des cas de morts noyés. En tout cas, pas aux heures de baignade autorisées, entre 13h et 19h. Si cela a été réussi, c’est grâce à une méthode de surveillance bien élaborée. « Nous faisons en sorte que les gens n’aillent pas au-delà de 3 m pour se baigner. Jusqu’à 3 m, il n’y a pas de risque de noyade, mais au-delà, il y a des trous qui peuvent constituer un réel danger quand on se baigne. À 19h, nous nous assurons que tout le monde sorte de l’eau avant qu’on ne parte », déclare le maitre des lieux.
Des filles à la merci des prédateurs sexuels
La plage de l’hydrobase s’étend sur 6 km mais la baignade n’est autorisée que sur les deux, allant de l’hôtel Dior à Diam rek. M. Sène informe que leurs plus grands soucis sont les malfrats et prédateurs sexuels. Ils font croire aux filles qu’ils sont des maîtres-nageurs et les amène à plus de 3 m pour essayer d’abuser d’elles et souvent cela finit mal parce qu’ils les abandonnent dans l’eau quand il y a risque de noyade. « Des personnes comme ça, il y en beaucoup à la plage », renseigne-t-il. Celui-ci indique qu’ils ont, à plusieurs reprises, alerté les autorités. Mais rien n’est fait. Les surveillants de baignade sont pourtant faciles à remarquer à la plage de l’hydrobase. Ils sont en tenues de couleur vert, short et t-shirt avec un logo rond aux couleurs rouge et bleu, et derrière leurs t-shirt il est écrit en gros caractères : « Surveillant de baignade ». Ils travaillent de manière conjointe avec les sapeurs-pompiers présents sur place.
Obligés de surveiller la baignade et la sécurité en dehors de l’eau en même temps, ces surveillants de plage réclament une brigade de surveillance, différente, selon eux, du poste de surveillance de la baignade. « La plage devrait être sécurisée par la gendarmerie qui doit veiller à ce qu’il n’y ait pas de vols, d’agressions sexuelles ou même des gens qui jouent au foot ici », estime Déthié Sène. Ces surveillants de baignade n’ont que des contrats saisonniers. Ils voudraient, cependant, être engagés de manière permanente. En effet, selon le chef de poste, la plage reçoit du monde 12 mois sur 12. Pour cette raison, la surveillance devrait être accentuée. En plus de cela, Déthié Sène et son équipe voudraient une augmentation de leur allocation mensuelle.
Contrairement aux surveillants de baignade, les vendeurs trouvent leur bonheur dans cette affluence. Leurs affaires marchent bien. Ils vendent du poisson grillé, des fruits de mer, de la mangue… Parmi eux, un vendeur particulier répondant au nom de Mamadou Niass alias « Niass Wave ». Il est étudiant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’université étant fermée à cause des dernières manifestations de juin 2023, il en profite pour faire son petit commerce de mini pizza, cakes et beignets au chocolat. « Niass Wave », âgé de 23 ans, fait un bon chiffre d’affaires à l’hydrobase. « Le soir, je rentre avec 10 000 ou 15 000 FCfa. Les mercredis et le week-end, je peux avoir jusqu’à 30 000 FCf a », révèle-t-il. Jusqu’au coucher du soleil, c’est la bonne ambiance à la plage de l’hydrobase de Saint-Louis.