L’application effective de la loi n°2020-05 criminalisant le viol et la pédophilie est entravée par plusieurs pratiques. De l’enquête préliminaire au jugement, le juge d’instruction et formateur au Centre de formation judicaire (Cfj), Makha Barry, liste des faits qui ne concourent pas à une bonne application des textes. Il prenait part hier, mardi 18 juillet 2023, à une rencontre sur le traitement médiatique des cas de violences sexuelles, organisée par l’Association des juristes sénégalaises (Ajs).
La loi n°2020-05 criminalisant le viol et la pédophilie est bloquée dans sa mise en œuvre, au point de n’être très dissuasive. Juge d’instruction et formateur au Centre de formation judiciaire (Cfj), Makha Barry, pointe du doigt plusieurs problèmes qui entravent l’application de ce texte sanctionnant lourdement le viol et la pédophilie. Pour lui, «la principale difficulté est d’établir s’il y avait consentement ou non».
Les errements dans la chaine pénale sont aussi des pratiques qui ne garantissent pas l’établissement des faits, par le juge. Pour Makha Barry, «le viol demande des techniques spéciales d’enquêtes qui ne sont malheureusement pas maitrisée par des officiers de police judiciaire». Makha Barry trouve que, «si l’on veut appliquer les techniques classiques d’interrogatoire, l’enquête passe à côté de son objectif».
Dans la liste des manquements, le juge déplore aussi l’absence de dispositif pour accueillir les victimes (présumées) de viols dans les Commissariats et Gendarmeries. L’attitude de l’enquêteur ne promeut pas aussi la mise à l’aise des victimes, surtout des mineures. Pis, les protocoles d’interviews sont parfois inexistants ; d’où la pauvreté des procès-verbaux d’interrogation. Ils ne concourent pas ainsi à étayer les faits, à la manifestation de la vérité.
Les magistrats ont aussi des difficultés à interpréter les certificats médicaux. La difficulté à assoir la contrainte et la menace constituent également des problèmes pour l’application de la loi. Parfois, les juges sont confrontés à des histoires montées de toute pièce, qui ne peuvent motiver une décision de condamnation. Dans les dossiers remis aux juges, les enquêteurs ont tendance à poser des questions qui ne peuvent rien apporter au dossier.
Comme à l’enquête primaire, l’instruction comporte aussi des manquements qui ne participent pas à faciliter l’application de la loi. Les cabinets d’instruction sont surchargés. «Des affaires qui devraient se limiter au flagrant délit sont amenées en audience criminelle», déplore-t-il. Par manque de temps, le juge ne développe pas de bonnes enquêtes. Il se contente de reprendre la version de l’enquête primaire.
Les difficultés énumérées obligent le juge à demander une formation spécifique pour les agents enquêteurs. Il demande aussi que les victimes puissent bénéficier d’un avocat au moment de l’enquête ainsi que dans toute la procédure.