Elles souffrent de diabète, d’hypertension, de pathologies cardio-vasculaires… mais très éprouvés en période de chaleur. Pour les personnes âgées, l’été est le temps des inquiétudes, du stress au quotidien. Reportage.
Mine déconfite, ses yeux sont presque en pleurs, rougis. Bocar Sall, nom d’emprunt, baisse la tête et perce le sol du regard au niveau du Centre médico-social de l’Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) de Bel Air. Il est 10h, dans une salle d’attente d’une dizaine de personnes, le patriarche de 72 ans, à la chevelure blanche, n’a pas dormi la nuit à cause de vertiges causés par un maudit diabète qui pollue son existence depuis 2022. Traits de vieillesse trempés sur le front, il pleurniche : « En période de chaleur, je suis très fatigué. J’ai souvent des crises liées à mon sucre. Ce temps est un double cauchemar pour moi.» M. Sall, ex-chauffeur à la Sotrac ne peut contenir sa colère. « Il est presque 11h et je ne peux pas voir un médecin alors que je suis là depuis 8 heures du matin », déplore-t-il, croulant sous le poids de l’âge.
Au moment où la température dépasse régulièrement les 30 degrés Celsius, les personnes âgées souffrent le martyr. Au Centre médico-social de l’Ipres de Bel Air, l’atmosphère diffuse une ambiance de tristesse. D’un côté, les personnes vivant avec un handicap trainent péniblement leur silhouette à l’aide de béquilles ou de fauteuil roulant au moment où d’autres, masqués pour la plupart, attendent, figures étreintes par une souffrance qui témoigne un mal être. « Je bois peu en période de chaleur parce que je n’ai pas soif. Mais, cela me porte préjudice parce que j’ai souvent des migraines. La hausse de la température est un malheur pour moi », explique Seynabou Sall, d’une voix en trémolos. À 59 ans, l’ex-travailleuse, dans une conserverie, au Port autonome de Dakar, papote avec les autres malades à même le sol. Troquée dans son boubou de type voile, elle essaie tant bien que mal de masquer ses peines.
Seynabou Sall souffre d’hypertension, de diabète et de nerf sciatique. «Mon ventilateur ne marche plus alors que j’ai besoin de fraîcheur. Mais, je n’ai pas de moyens de me payer un nouveau ventilateur», dit Mme Sall, veuve d’un ancien gendarme. Dans ce centre aux soins gratuits, ouvert depuis 2019 et fréquenté par 500 malades, selon les statistiques de la structure sanitaire, la période de chaleur est vécue avec angoisse. « J’ai souvent des douleurs musculaires en cas de forte chaleur», abonde Mame Sira, venue de Kédougou et accompagnée de son mari. L’ex-couturière, qui souffre de maladie cardiaque, doit faire une échographie du cœur mais, certains établissements hospitaliers rechignent parfois à prendre les cartes de l’Ipres. « On me demande 30 000 francs, je n’ai pas cette somme. Je n’ai qu’une pension, sans oublier le coût de la vie. Je suis fatiguée », se lasse-t-elle. Si le soleil brille avec éclat pour darder ses chauds rayons, la vie des personnes âgées, en revanche, n’est pas rose.
Babacar Guèye DIOP
DR
SEYDINA LIMAMOUL MAHDI DIAGNE, MÉDECIN-CHEF DU CENTRE MÉDICO-SOCIAL DE L’IPRES
« Les personnes âgées sont plus exposées à la chaleur»
Dr Seydina Limamoul Mahdi Diagne donne des conseils aux personnes âgées pour prévenir les risques en cette période de hausse des températures. Le chef du Centre médico-social de l’Ipres de Bel Air explique comment cette couche sociale est vulnérable à la chaleur.
Les personnes âgées, comme les enfants, ont une perception différente de la chaleur. C’est l’avis de Dr Seydina Limamoul Mahdi Diagne, médecin-chef du centre médico-social de l’Ipres. Dans son bureau, situé à Bel Air, la blouse blanche consulte les patients en ce lundi 10 juillet 2023. «En période de chaleur, les personnes âgées sont plus exposées à faire des complications», diagnostique-t-il. D’après le médecin, il y a une régulation qu’on appelle la thermorégulation, c’est-à-dire la manière dont le corps régule la température interne par rapport à la température externe. « Il peut y avoir des modifications avec le vieillissement. Cela peut impacter sur les maladies chroniques », explique Dr Diagne. Si la perception est altérée avec le vieillissement, l’exposition indirectement peut être plus prolongée que d’habitude. «Une personne âgée, qui s’expose à la chaleur, peut voir son état de santé altéré s’il souffre déjà d’une maladie chronique. Mais, même s’il n’a pas de maladie chronique, la personne âgée peut se retrouver dans un état de fatigue qui peut baisser sa force», souligne-t-il. Il peut aussi y avoir une déshydratation qui peut avoir des conséquences sur le corps, alerte-t-il. « L’excès de chaleur prolongée, au-delà de 72h, appelée en général canicule, peut entraîner une déshydratation », signale Dr Diagne.
Pour prévenir de tels cas, il faut éviter l’exposition au soleil. « Dans la maison, il faut éviter que l’environnement soit confiné. L’isolement de la maison, par rapport à l’extérieur, compte aussi beaucoup pour diminuer la chaleur. Il faut ouvrir les fenêtres quand la température de l’extérieur est plus basse qu’à l’intérieur pour rafraîchir la maison. Quand il y a une zone d’exposition qui risque d’amener le soleil à la maison, il faut la fermer », conseille-t-il. Pour dégager la chaleur du corps, Dr Diagne recommande de s’habiller léger, c’est-à-dire en coton. De plus, il indique que la ventilation peut aider à assécher la peau pour que les pores puissent libérer la chaleur. « Souvent, en période de chaleur, les personnes âgées n’ont pas soif mais elles doivent boire beaucoup d’eau. Il faut éviter quand le soleil est au zénith, d’aller faire des courses. C’est dangereux pour les personnes âgées », conclut-il.