Alors que les grandes vacances sont parties, comme d’ordinaire, à faire des plages les lieux de prédilection des Sénégalais, toutes couches confondues, les tares et dommages collatéraux des bordures de mer, surtout celles situées entre Malika et Diamalaye, ont fini de compliquer le passe-temps favori des férus de la baignade en mer. Pour cause, les plages entre Malika et Diamalaye sont non seulement interdites de baignade, mais elles ont déjà enregistré plusieurs cas de noyades. A cela, s’ajoutent les eaux usées non traitées qui se déversent dans la mer, le manque d’éclairage public, l’insalubrité et des problèmes d’insécurité. Immersion dans les lieux !
Pas un seul panneau de signalisation ! Pourtant, la plage de Malika jusqu’à Diamalaye voire Yoff est réputée très dangereuse. En fait, c’est toute la grande côte (le littoral de Dakar à Saint-Louis) qui représente un sérieux danger pour les férus de la baignade en mer. Nous sommes au rond-point de Malika, à l’entrée de la localité, en ce jour de mardi, à quelques encablures de la Tabaski.
Sur la plage, des abris de fortune sont érigés pour permettre aux visiteurs de se restaurer ou se mettre à l’abri des rayons solaires très ardents en cette période hivernale. Seulement, selon Daouda Ndiaye le gérant du restaurant sis sur la plage, par ailleurs artiste musicien, la mairie de Malika « « nous a demandé d’évacuer les lieux. Arguant que nous ne bénéficions pas d’autorisation. Personnellement j’ai investi plus de deux millions Fcfa. Comment on peut me faire quitter sans préalable ? C’est une aberration ! Nous sommes très utiles à la population de Malika. J’emploie aujourd’hui six personnes malgré la précarité des emplois qu’ils occupent. Elles arrivent à régler leur petit besoin. En plus, nous participons à l’entretien et à la propreté de la plage. En organisant des opérations set sétal avec les populations. Contrairement aux autorités communales, nous fonctionnons par nos propres moyens sans l’aide de qui que ce soit. » Pis, dira-t-il, le fait de nous intimer l’ordre de quitter les lieux, « sans nous présenter le moindre papier est un abus. La plage est bien aménagée. Les gens viennent manger et boire dans nos restaurants. Nous contribuons au développement du pays», a martelé le sieur surnommé aussi dit « Baye Fall ». Côté sécurité, la police veille au grain cependant pour faire face aux malfaiteurs. Conséquence : les cas d’agression sont rares avec les contrôles de routine de la police, témoigne un vendeur de café. Constaté de visu, un véhicule de la police stationne sous le pont.
A quelques mètres là, en se dirigeant vers Yoff, on remarque à droite plusieurs personnes qui mènent des activités économiques. La majorité est constituée de petites filles. La vente des sachets d’eau, du poisson braisé, le « mad » entre autres est l’activité principale. Cependant, l’hygiène des lieux, constitue un sérieux problème. Les sachets en plastique jonchent en effet le sol. Ce spectacle est presque récurrent sur la plage. Il n’existe pas de toilette malgré tout ce beau monde que draine la plage. « Les gens se soulagent partout et même dans la mer. Ce n’est pas joli à voir. Aujourd’hui, nous devons dépasser ces genres de comportement d’une autre époque. Ceux qui fréquentent ces lieux ne viennent pas uniquement pour se laver en mer. Les uns sont là pour se détendre. Et d’autres pour faire du sport. Donc, il faut créer un cadre environnemental où les personnes peuvent s’épanouir convenablement », fait remarquer une fille convalescente. « A défaut de pouvoir me payer les services d’un kinésithérapeute, je viens faire mes exercices physiques sur du sable marin. » a-t-elle déclaré. Le manque d’éclairage public embarrasse par ailleurs les marchands alors que la plage reçoit du monde jusqu’à 20 heures. « Les autorités communales feignent de ne rien savoir. L’électrification de cette place est une urgence pour permettre aux gens d’être en sécurité».
La baignade en mer, un danger permanent
Les week-ends, l’affluence est au rendez-vous. Le littoral est envahi par des jeunes. Ils viennent de Keur Massar, de la cité Apix Niacoulrab entre autres. Ils se baignent et jouent au foot. Le danger au niveau de cette plage est lié à la présence de bancs de sable et de tourbillons. Ceux qui se lavent avancent sans réaliser qu’ils sont en danger. Aussi, les gens ne prennent pas de précaution avant de se laver. Certains se sont noyés à cause de crampes au niveau des jambes, révèle-t-on. Les enfants insouciants se livrent à des jeux dangereux et avancent dans la mer sans se préoccuper de la distance qui les sépare du rivage. « Ils sont sur du sable mouvant. Ces vagues qui déferlent emportent le sable. A la moindre incartade, ils peuvent tomber dans un tourbillon. C’est pourquoi, les enfants doivent éviter de s’éloigner de la côte. Nous avons mis en place un dispositif pour dissuader les plus têtus à aller très loin. En délimitant l’aire pour parer à toute éventualité. En outre, un maître-nageur est à leur côté pour intervenir le plus rapidement en cas de sinistre», explique le responsable des maîtres-nageurs Talla Sarr.
Malgré tout, chaque année, pendant la canicule, les victimes par noyade sont nombreuses. L’année dernière, la situation a été cependant moins alarmante, à en croire les membres de la brigade de surveillance. Le visiteur qui débarque, au regard de l’affluence, ne peut imaginer que ces plages ne sont pas autorisées. « La mesure d’interdiction de baignade sur ces plages est absolue. Mais les gens qui fréquentent ces lieux s’entêtent à braver l’interdit. Nous avons eu 16 cas de noyades. Mais ils ont tous été sauvés. Les sapeurs-pompiers et la police sont informés de la situation», révèle le responsable de la brigade de surveillance de Malika, maitre-nageur, Mamadou Talla Sarr. Les grandes vacances, les après-midi comme pendant le week-end, la fréquentation des plages est considérable, selon Sarr. Confrontés aux difficultés de matériel de secours, le maitre-nageur estime qu’l faut encore des efforts au plan financier pour l’achat du matériel. Pis, la situation risque de se compliquer davantage à cause des intempéries, ave la mer qui devient instable pendant la saison des pluies. « Nous avons besoin des planches bougie ( qui servent à ceinturer la victime) et des filins (une corde de 400 mètres qui permet de retirer des eaux en cas de noyade) », fait savoir le maître-nageur. Et de poursuivre : « Le sauveteur lui-même doit être équipé en Jet Sky quand il plonge en profondeur. Il respire avec difficulté…Compte tenu de l‘urgence, 20 personnes sont allées en formation à l’école des dauphins de Ngor, pour une durée d’un mois et quinze jours. Au terme de cette formation, un diplôme de maitre-nageur leur est décerné ». Qui plus est, dira-t-il, « En ce qui concerne les interventions rapides, nous avons besoin d’un équipement adéquat: des quart-motos, des palmes masque tuba (Pmt). Car personne ne doit intervenir en mer sans un minimum de précaution ».
Déjà 7 morts à Malibu
A la plage de Malibu, à Guédiawaye, à notre passage dans la matinée, Il y avait peu d’affluence. Iba Ndiaye « rien arrêtera les gens à se baigner malgré toutes ces personnes qui périssent par noyade. On a dénombré 7 morts sur nos côtes. C’est excessif, il faut trouver des solutions à cette situation. La mer continue à tuer. » Les maitres-nageurs étaient absents. Un individu adepte de la pêche en ligne, rencontré sur les lieux, explique sur la grosse fréquentation des plages et sa consécutive. « Avec la canicule et la promiscuité, les familles réduites à l’étroit sont obligées d’aller à la plage pour humer de l’air frais et se rafraîchir. En fait, elles sont contraintes à fréquenter les plages. Les enfants ne sont plus sous l’autorité parentale. J‘ai rencontré, plusieurs fois après des accidents, des parents qui recherchaient leurs enfants. Ce n’est pas normal que des gamins quittent la maison sans avertir leurs parents. La mer a fait beaucoup de victimes».
Le diktat des eaux usées
Le comble pour les plages se retrouve à Cambérène et Diamalaye, des bordures de mer qui sont en proie aux eaux usées. C’est une odeur nauséabonde qui accueille le visiteur. Pourtant, au Sénégal, il existe une norme de rejet des eaux usées. Appelée la norme NS-05-061, elle est incorporée dans le code de l’environnement. Ousmane Diaw étudiant à l’institut des sciences de l’environnement (Ise) souligne : « toute eau usée avant d’être rejetée devrait être traitée. Ce qui se passe à Diamalaye est un scandale. C’est tout le réseau qui déverse ses eaux usées non traitées en mer. Elles sont dangereuses pour l’écosystème et la santé des populations». Or, selon lui, le Sénégal devrait normalement adopter une norme de prétraitement des eaux, en appliquant de manière rigoureuse les dispositions du Code de l’environnement pour enrayer la menace qui pèse sur l’environnement. Conséquence : les férus de la baignade en mer et autres aficionados des plages sont contraints entre Diamalaye et Cambérène à jouir des bienfaits de la mer à leur corps défendant