Le Sénégal peut-il éviter la malédiction du gaz naturel ?
Depuis jeudi premier juin, une spirale de violence s’est emparée du pays de la Teranga, 17 morts, des centaines de blessés et plus de 500 arrestations. C’est la réaction à la condamnation de Sonko, le Président du Parti Pastef par le tribunal de Dakar dans un procès à l’allure manifeste d’un complot d’Etat maladroitement orchestré. Cette affaire a tenu en haleine le pays depuis 2021.
Pourquoi une affaire en apparence privée a pu précipiter le pays dans le chaos: la peur s’est installée et l’économie s’est arrêtée ! Une des raisons est la découverte d’un gisement important de gaz naturel en 2015 dont l’exploitation va démarrer en 2024 par BP et Kosmos. Kosmos a raflé la mise à Tullow Oil par l’entremise de Franck Timis et Aliou Sall, le frère du Président Macky Sall. C’est un deal sulfureux à dix milliards de dollars selon la BBC.
La conséquence politique est que Macky Sall a renoncé à toutes ses promesses de renforcement institutionnel du Sénégal, de réduire son premier mandat de 7 à 5 ans et de se limiter à deux mandats comme Buhari du Nigeria. Il veut garder la haute main sur le gaz du Sénégal et éviter toutes poursuites judiciaires au Sénégal et aux États Unis.
Pour cela, il a décidé de réduire l’opposition à sa plus simple expression et de dompter toutes les ambitions présidentielles de sa coalition BBY au pouvoir. Ainsi, il deviendrait de facto le seul homme politique du Sénégal pour diriger le pays et multiplier les mandats à l’infini, sans doute, en attendant que son fils Amadou qu’il initie aux affaires, se fasse la main. C’est le projet d’émirat gazier qu’il poursuit méthodiquement et sans état d’âme.
Avec Sonko, il est tombé sur un os dur à avaler. Son régime de prédateurs va-t-il sortir indemne de ce bras de fer avec la jeunesse en révolte contre le chômage, la vie chère, la corruption, la vie ostentatoire des chefs de BBY, la manipulation de la justice?
Le verdict injuste prononcé contre Sonko est l’élément déclencheur. Les Étudiants ont brûlé symboliquement la faculté de droit de l’Université de Dakar, pour dire qu’il n’y a ni droit, ni justice dans ce pays. Si rien n’est fait, c’est l’Etat républicain qui sera menacé. C’est cela la malédiction du gaz.
Mamadou Lamine Diallo