Alors qu’elle continue encore de susciter la consternation auprès de tous les Sénégalais, l’affaire de la mal gouvernance des fonds Force Covid-19 ne semble jusqu’à présent déboucher sur aucune sanction ou mesure administrative. Ce, même si le parquet s’est saisi de l’affaire et a diligenté des enquêtes au niveau de la Division des investigations criminelles !
Dans son livre intitulé « Sur les vagues de la covid-19 » paru dernièrement, l’ancien directeur du Centre d’opérations d’urgence sanitaire (COUS), Dr Abdoulaye Bousso a rajouté une couche noire dans la gestion des fonds Forces Covid-19. Lui qui a été au cœur de la riposte, a évoqué dans son ouvrage un achat de pyjamas qui, selon lui, « sont encore en souffrance dans des magasins ». Révélé par la Cour des comptes, le scandale lié à la gestion des fonds Force Covid-19 avait laissé bouche bée les Sénégalais. Dans son rapport portant sur les dépenses faites en 2020 et 2021 sur le « Fonds de riposte contre les effets du Covid-19 » d’un montant de plus de 740 milliards de FCFA rendu public au mois de décembre dernier, la Cour des comptes dénonce des irrégularités dans la gestion de ces fonds. Elle dit constater une surfacturation sur le prix du riz acheté et des gels hydro alcooliques, un défaut de « pièces justificatives » de dépenses et d’attribution de marché, des dépenses sans lien avec le covid etc. C’est ainsi que la Cour des comptes a demandé l’ouverture d’une information judiciaire contre les responsables incriminés.
La polémique qui a enflé après la révélation du scandale, n’a pas, en effet, laissé indifférent le Président de la République. Macky Sall a réagi en « demandant au Premier ministre d’examiner avec attention les informations publiées, les recommandations formulées et de prendre sans délais les mesures adéquates afin d’éclairer l’opinion sur les éléments contenus dans ledit rapport en vue des suites à donner », en Conseil des ministres. Sur ce, le ministre des Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Ba a fait face à la presse en assurant que le gouvernement donnera suite aux recommandations de la Cour des comptes tout en précisant que le « montant total des manquements par le rapport s’élève à 6 milliards 686 millions, 784 mille 410 francs CFA, soit 0,7 pour cent des 1000 milliards injectés dans le Programme de résilience économique et sociale (PRESS), exécuté en dépenses décaissables par le Trésor (628 milliards) et non décaissables (372 milliards) ».
En dépit de ces assurances du gouvernement, la société civile, la classe politique et les populations maintiennent la pression pour éviter que ce énième rapport se retrouve sous le coude du Président de la République et pour que justice soit faite dans cette affaire. La société civile organise ainsi une marche à la Place de la Nation. Deux députés en l’occurrence Guy Marius Sagna et l’ex Pm Aminata Touré (déchue de son poste de député après) déposent une proposition de résolution de mise en accusation de dix ministres. Le collectif « Sunu milliards dou ress » né après la révélation du scandale dépose une plainte sur la table du Procureur.
Après la mobilisation, la justice a annoncé avoir ordonné l’ouverture d’enquêtes sur des cas présumés de « corruption et d’abus de fonction » dans la gestion du Fonds de riposte contre les effets du Covid-19. L’affaire sera suivie par la Division des investigations criminelles de la police judiciaire, a fait savoir le procureur de la République Amady Diouf, dans un communiqué. Face à la presse le 23 mars dernier, le procureur général Ibrahima Bakhoum a soutenu que l’enquête suit son cours et que des auditions ont été faites dans la « perspective de mettre en lumière » l’utilisation des fonds.
Toutefois, aujourd’hui, les Sénégalais restent toujours sur leur faim sur la vérité concernant le scandale dans la gestion des fonds Force Covid-19. Ils sont toujours dans l’expectative de la justice qui sembler faire montre de beaucoup plus de promptitude dans des affaires politiques ou privées. Jusqu’à présent, l’affaire ne semble déboucher sur aucune sanction ou mesure administrative. Le rapport de la Cour des comptes risquerait-il de connaitre le même sort que des rapports d’autres corps de contrôle ? On attend de voir.