Le Collectif pour la défense des terres de nos aïeux «Samm suñuy suufi maam», qui entend «défendre, au prix de notre vie, les terres de nos aïeux», rappelant que «la boulimie foncière qui s’est emparée des délinquants en col blanc finira par embraser tout le pays», tient à informer le chef de l’Etat et à l’inviter à «diligenter, dans les plus brefs délais, une enquête de l’Ige pour prendre l’exacte mesure de la catastrophe, à situer les responsabilités et à sanctionner tous les auteurs de ces actes délictuels qui le desservent dans un contexte lourd de toutes les incertitudes». De pauvres agriculteurs qui dénoncent l’accaparement de milliers d’hectares de leurs ancêtres par des promoteurs immobiliers qui veulent en faire un pôle urbain.
Il y a une peur du lendemain. Latente pendant un mois, la grosse colère est en train d’exploser dans la Zone des Niayes. Le Collectif pour la défense des terres de nos aïeux «Samm suñuy suufi maam», qui regroupe les villages de Déni Guedj Nord, Déni Guedj Sud, Kaniack, Gorom, dans la commune de Bambylor, Bayakh, Bayakh Sylla, Beer Thialane, Ndiar, Ndame Lô, Santhie, Wakhal, Diender, Thor, Mbidieum, Thieudème, dans la commune de Diender, Mbawane, Keur Assane Ndoye, dans la commune de Cayar, a décidé de faire face à la spoliation foncière dans la zone. Or, la Direction générale de l’urbanisme et de l’architecture (Dgua), initiatrice du Pôle urbain de Déni Birame Ndao, pressenti sur 1711 ha, faisant l’objet du Tf 14337/R, devait apporter des réponses concrètes aux problèmes d’urbanisation de Dakar. Avec comme ambition de trouver des solutions au déficit en logement, à la faible disponibilité en foncier industriel, au développement des infrastructures de recherche et de formation et à la promotion d’une économie agro-pastorale locale forte, pour atteindre l’émergence. A ce projet, s’est greffé un programme d’extension du Pôle urbain de Diamniadio et du Lac Rose (Dgpu). Un projet portant Tf n°8181/TH, étalé sur une superficie de 7000 ha. A travers ces pôles, l’Etat du Sénégal, dit-on, envisageait l’ouverture d’une nouvelle approche de l’aménagement avec le développement de grands projets urbains.
Au bout du compte, «ces projets, conçus sur un plan qui intégrait l’habitat rural, un plan directeur d’extension des villages polarisés, des espaces verts, des aires de production agricoles mixtes, des aménagements touristiques et des plans de sauvegarde de la biodiversité aquatique et des dunes, se résumeront en une vaste opération de spoliation foncière sans précèdent dans l’histoire du Sénégal», dénonce le Collectif pour la défense des terres de nos aïeux «Samm suñuy suufi maam». Qui remarque qu’«en effet, alors que les citoyens attendaient de l’Etat une mise en œuvre diligente des conclusions de l’éminent professeur Moustapha Sourang sur le projet de réforme de loi sur le Domaine national, qui permettraient aux femmes de surmonter toutes les discrimination à leur égard par rapport au foncier, et aux hommes d’avoir un instrument leur permettant d’accéder aux financements bancaires, l’entreprise servira exclusivement à des caciques du pouvoir et des fonctionnaires véreux de l’Urbanisme, du Cadastre et des Domaines».
Le collectif s’interroge : «Comment l’administration du foncier sénégalais a pu faire preuve de si peu d’intelligence au point d’ignorer que les communautés victimes de cette tentative d’escroquerie sont fortement attachées à leurs terres par l’histoire, les pratiques culturelles et qu’elles y ont consacré plusieurs décennies de sacrifice en aménagement et viabilisation afin de dompter une nature souvent hostile ?» Aussi de rappeler : «Ces terres abritent aussi le réseau dit «Forages de Beer Thialane», qui fait vivre directement et indirectement plus de vingt-mille (20 000) foyers qui n’ont que la terre pour vivre.»
Mamadou Diattara, porte-parole du jour du Collectif pour la défense des terres de nos aïeux «Samm suñuy suufi maam», estime par ailleurs que «si les projets avaient été transparents, ces gens auraient dû, ne serait-ce que par décence, y associer les communautés impactées pour s’accorder autour de compromis dynamiques qui préserveraient les intérêts des populations et la paix sociale». Selon lui, «la formule de ces délinquants est toute simple. Sous le prétexte de la création des pôles urbains, des fonctionnaires envoient des drones géolocaliser des sites, qui sont ensuite titrés au nom de l’Etat puis morcelés en lots attribués à des caciques du pouvoir, des opérateurs économiques peu recommandables et à de prétendus chefs religieux, sous forme de baux». Aussi de souligner : «Les bénéficiaires de ces baux n’en n’ont cure, ils n’ont nul autre projet sur le site que la spéculation foncière. Avec la complicité des établissements financiers, ces baux vont servir de cautions hypothécaires à des prêts qui ne seront jamais remboursés et, au bout du compte, des saisies conservatoires vont être décidées, qui mettront inévitablement aux prises populations et établissements financiers.»
L’autre aspect souligné par le Collectif pour la défense des terres de nos aïeux «Samm suñuy suufi maam» concerne «le risque d’anéantissement de villages entiers dont les habitants seront condamnés à l’errance et la destruction de millions d’espèces fruitières et forestières que plusieurs générations ont contribué à mettre sur pied au prix d’énormes sacrifices».
Aussi, le collectif, qui supplie le chef de l’Etat de «veiller à conserver la vocation horticole de la Zone des Niayes telle qu’affirmée lors du Conseil des ministres spécial, tenu sous son égide, à ce sujet», appelle donc la communauté, dans sa diversité, à «se constituer en bouclier afin de s’opposer, par tous les moyens, à tout individu qui tenterait de s’approcher de nos terres, avec la complicité de la Direction du cadastre, de l’urbanisme et des domaines».
Il remarque que «rien de ce qui était prévu n’a été réalisé dans ces pôles, aucune infrastructure n’y a vu le jour. Ce n’est qu’un enrobé de contre-vérités et de montages frauduleux pour satisfaire des caciques du régime auxquels sont indûment attribuées des terres qui abritent des villages et des champs, propriétés inaliénables de citoyens qui aspirent à vivre en paix sur la terre de leurs aïeux».
Le collectif appelle la communauté à «se mobiliser en organisant des marches pacifiques de protestation, des campagnes de dénonciation auprès de toutes les autorités religieuses du pays, des représentations diplomatiques et des institutions spécialisées des Nations unies pour dénoncer ce réseau d’escrocs qui veut brûler ce pays, au moment où l’Etat parcourt le monde pour mendier des programmes de reboisement».