Le décor des marchés reste un véritable problème au Sénégal. La majeure partie des Sénégalais consomme des produits venant de ces lieux de commerce. Cependant, beaucoup émettent de sérieux doutes sur les règles d’hygiène et de salubrité. Une visite aux marchés Castor et Tilène, à Dakar, a permis de s’enquérir de la situation réelle.
Fréquentés à longueur de journée par les Sénégalais, les marchés offrent un environnement qui laisse à désirer. Les aliments sont souvent exposés en plein air dans une odeur nauséabonde et impure. Les marchés semblent petits et étroits pour contenir le monde de commerçants qui exerce sur les lieux. Difficiles alors pour les clients qui fréquentent le marché de se frayer un chemin. Des étales sont exposées à l’intérieur et sur le pourtour du marché. S’occuper d’une bonne hygiène des aliments est le cadet des soucis des vendeurs. Exposés à même le sol, à l’aide de cartons, de tissus ou de sacs de riz, les légumes et autres denrées ne cessent d’encaisser passivement la poussière soulevée par les pas des usagers. Dans certains endroits, des eaux polluées rougeâtres ou noires campent le décor et titillent les narines. Des amas de déchets, d’une distance à une autre, cohabitent avec les marchands, le tout dans un univers envahi par une clientèle habituée à ce milieu impropre.
Fréquence des eaux usées
Le marché de Castor est l’un des lieux de commerce les plus fréquentés de Dakar, il constitue un espace cosmopolite du fait de nombreux ressortissants de la sous-région qui tiennent leurs commerces. Il ne cesse d’être pris d’assaut par les Dakarois et en particulier les femmes. Paniers, saut ou sachets en plastique, tout est bon pour s’approvisionner en denrées. Le marché s’agrandit de jour en jour au point d’agresser les maisons environnantes. Sur une route délimitant le marché où les commerçants ont fini par dicter leurs lois, les eaux usées circulent incessamment au point de prendre contact avec les étals des marchands. Des digues de sable sont montées pour empêcher l’envahissement de certains commerces installés sur la route. Kiné Sall, habillée d’une robe traditionnelle décorée de fleurettes, est assise sur une caisse, arborant un masque sur les narines et la bouche. La commerçante est gênée par la mauvaise odeur des eaux, mais elle n’a pas d’autre choix que d’entretenir son commerce. « C’est vrai que nous respirons mal à cause de cette odeur nauséabonde, mais nous n’avons pas d’autres lieux pour mener notre activité », déclare-t-elle. Mme Sall reconnaît que la santé des commerçants est réellement menacée du fait de l’envahissement des eaux.
Ousmane Dramé, vendeur de légumes, bonnet Cabral bien ajusté sur la tête, sa sacoche autour des reins expose ses produits sur le chemin emprunté par les eaux. « J’ai un énorme problème pour m’installer, c’est pourquoi je pose des caisses en caoutchouc pour prendre de la hauteur », fait-il-savoir. Arame Thiam, vendeuse, pagne bien ceinturé autour à la poitrine, arrange ses tas de navets et de carottes. Elle supporte difficilement cette situation qui affecte lourdement son activité commerciale. « Certains clients ne badinent pas avec l’hygiène, s’ils remarquent cet environnement, ils préfèreraient acheter ailleurs », argumente-t-elle. Arame souhaite que les autorités prennent de fortes décisions pour enrayer définitivement cette situation.
Marie-Hélène Carvalho, teint noir, avec sa perruque petite-tête, est une cliente habituée du marché Castor. Elle affirme tremper tous les légumes à l’eau de javel avant toute cuisson. Selon la jeune dame, c’est difficile d’acquérir des aliments avec toutes les normes d’hygiène dans les marchés sénégalais, néanmoins, elle s’assure de leur propreté avant toute consommation. Madame Ndèye Awa Bâ fait le marché fréquemment au marché Castor. « Presque tous les marchés de la capitale se présentent de cette façon, c’est pourquoi beaucoup de gens préfèrent les supermarchés parce qu’ils ont beaucoup plus d’hygiène et de propreté », martèle-t-elle. Elle soutient que les autorités doivent réfléchir à organiser et à assainir le secteur pour beaucoup plus d’attractivité.
L’insalubrité dans les marchés ne gêne pas seulement les clients, mais également les riverains qui souffrent des dégâts collatéraux des activités menées par les commerçants. Trouvée en train de balayer la devanture de sa maison, Khady Traoré est une riveraine qui reçoit les déchets transportés par le vent. « C’est vraiment déplorable, je suis obligée de nettoyer tout le temps à cause de la saleté », se désole-t-elle. Ndiaga Samb, habite aussi à Castor, il dénonce l’occupation anarchique et les amas de déchets laissés par les marchands devant leurs demeures. « Même pour évacuer un malade ou un disparu, tu as d’énormes problèmes, à partir de 4 h du matin, les bruits des camions et des marchands perturbent tout notre sommeil », soutient-il avec amertume.
Des toiles d’araignée flottants
Cap sur l’avenue Blaise Diagne, au cœur de la Médina de Dakar, se trouve le marché Tilène, autre lieu d’attraction et de convergence de bon nombre de ménagères. C’est le même constat des étals à perte de vue. Des murs très entachés et souillés, souvent gagnés par la vétusté, des toiles d’araignée flottant de part et d’autre surplombant les aliments. L’odeur forte des poissons taquine les narines. Sans couverture ni conservation, les poissons reçoivent les rayons du soleil. Les fuites d’eau issues de la glace utilisée pour la conservation de la viande donnent une couleur rouge sang. Des flaques d’eau puantes venant de la fonte des blocs de glace utilisés par les poissonniers qui débarquent leurs produits. Des intestins de poissons et des écailles sont envahis par les mouches.
Moustapha Mbaye, vendeur de poisson, ne semble pas gêné par cet environnement. « Fichez-nous la paix, tous les lieux de commerce de produits halieutiques sont pareils, vous n’êtes pas plus propre que les marchands », lance-t-il avec un visage renfrogné. Khadim Mbaye, son voisin, semble plus lucide. « J’avoue que le marché ne respecte pas toutes les normes d’hygiène requises, mais il y a une nette amélioration parce que la municipalité déploie des moyens pour le nettoyer. Ce sont les marchands qui doivent être plus organisés pour participer à l’effort de nettoyage », explique-t-il. Andréa Nzaba est une expatriée, elle vient souvent faire le marché. « Je pense qu’il y a une amélioration par rapport à l’hivernage, où il y avait de l’eau stagnante mélangée aux eaux usées presque partout », soutient-elle. Elle se réjouit, cependant, des efforts fournis par la municipalité.
En espérant une nette amélioration du cadre de vie dans les marchés, les acteurs et gestionnaires sont interpellés pour un espace beaucoup plus sain et attrayant de ces lieux de commerce.