Il a refusé d’être entendu sur le fond de l’affaire et a dénié au Doyen des juges, toute légitimité pour le juger, car le trouvant partial dès sa nomination. C’est dire que le face-à-face de Ousmane Sonko avec Maham Oumar Diallo a suscité encore plus de questions qu’il n’a apporté d’éclairages.
Le face-à-face, qui avait tenu le pays en haleine pendant des jours, s’est finalement passé hier dans le calme. A la sortie de son audition avec le Doyen des juges, Ousmane Sonko a affiché sur Facebook que son «audition a pris fin et s’est très, très bien déroulée». Devant des journalistes, l’un des membres de son pool d’avocats, Me Bamba Cissé, a renchéri : «Le dossier est vide, notre client a répondu à toutes les questions et donné toutes les preuves à sa disposition. Nous attendons un non-lieu. Y’a rien qui puisse l’incriminer.»
L’optimisme et la sérénité que veulent véhiculer ces déclarations sembleraient laisser croire que le président du Pastef s’était brillamment défendu des accusations de viols multiples et de menaces de mort portées à son endroit par Mlle Adji Sarr, en répondant pied à pied à toutes les incriminations. Le fait que l’audition n’ait d’ailleurs pas traîné en longueur, a semblé corroborer la thèse d’un dossier rapidement bouclé. Néanmoins, d’autres personnes, très bien informées de ce qui s’est passé hier dans le bureau du juge Maham Oumar Diallo, racontent une histoire bien différente.
Selon ces personnes, Ousmane Sonko a adopté la stratégie du mutisme et de la défiance face au juge. Aux questions que ce dernier lui posait, le leader du Pastef a rétorqué qu’il n’allait pas lui répondre, parce qu’il le considérait comme «un juge aux ordres, désigné spécialement à ce poste pour connaître de cette affaire». Et par conséquent, lui Ousmane Sonko ne lui accordait aucune légitimité. Il a ajouté que tout le dossier d’accusation était faux, avec des éléments falsifiés, commandité par «le Palais». Et il n’a pas manqué d’ajouter que le juge d’instruction aussi bien que le procureur de la République devraient faire attention car le «pouvoir de Macky tirant à sa fin, le jour où» lui, Ousmane Sonko, arrivera aux affaires, il fera payer cette forfaiture à tous ceux «qui ont trempé dans ce complot» contre sa personne.
A la suite de cela, le Doyen des juges a fait savoir à Sonko que du sperme avait été prélevé sur la dame Adji Sarr lors de sa plainte, et il lui a demandé, pour faciliter l’administration de la Justice, s’il acceptait qu’il lui soit fait une prise de sang, aux fins d’une analyse d’Adn. Ce à quoi l’homme politique répondra avec force et à trois reprises : «Non, non et non !»
Après cet échange, il lui sera fait lecture du Pv d’audience, qu’il sera appelé à signer.
Ce qui montre que, loin de refléter la sérénité que le mis en cause et ses avocats voudraient faire véhiculer, l’échange dans le bureau du Doyen des juges laisse plutôt un sentiment de perplexité.
En effet, s’il n’était pas disposé à répondre aux questions du juge dont il a déclaré ne pas reconnaître la légitimité, pourquoi donc Ousmane Sonko a-t-il laissé véhiculer la théorie selon laquelle il était pressé d’être entendu ? D’ailleurs, il l’avait même dit à des journalistes qui assistent à l’un de ses monologues. Son pool de communicants était même allé jusqu’à dire ces derniers jours, qu’ils avaient «fait pression pour être entendu». On ne cherche pas à être entendu par un juge pour lui dire que l’on lui dénie tout pouvoir d’être jugé. Il lui aurait suffi de le faire face aux caméras de Jotna Tv, sa télé, ou sur Facebook, et il aurait épargné bien de sueurs froides à beaucoup de personnes.
Par ailleurs, quitte à ne pas vouloir répondre aux questions des magistrats, si, comme ses thuriféraires et lui le clament, toute cette affaire ne serait qu’une mascarade prête à s’effondrer au moindre souffle de vérité, pourquoi refuser avec force une analyse d’Adn ? Il n’y a pas, à ce jour, meilleure preuve pour démontrer que l’on est accusé faussement de viol, que de prouver que le sperme incriminé n’est pas le sien. Bien que, par ailleurs, il serait difficile d’expliquer, de la part d’un malade parti soi-disant se faire soigner le dos, comment son sperme aurait pu se retrouver dans le vagin d’une masseuse professionnelle !