Bien qu’il ne contribue qu’à hauteur de 3,8% aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, le continent africain subit de plein fouet les effets délétères du dérèglement climatique sur la santé et sur l’économie.
75 milliards d’heures de travail ont été perdues en Afrique en 2021 en raison des vagues de chaleur, avec des pertes de revenus potentielles estimées à 4,2 % du produit intérieur brut (PIB) cumulé du continent, selon un rapport publié mercredi 26 octobre par la revue médicale britannique The Lancet en partenariat avec 51 institutions, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Intitulé « The Lancet Countdown on health and climate change », le rapport, qui analyse l’impact du dérèglement climatique sur la santé humaine à l’échelle mondiale à travers 43 indicateurs mis au point par une centaine d’experts, révèle également que les températures plus élevées enregistrées en Afrique durant l’année écoulée ont raccourci les saisons de croissance des cultures de 3,5 jours pour le maïs, de 1,6 jour pour le riz, de 3,3 jours pour le blé de printemps et de 4,8 jours pour le blé d’hiver par rapport à la moyenne annuelle de la période s’étalant entre 1981 et 2010.
Entre 2017 et 2021, les décès liés à la chaleur en Afrique ont augmenté de 115% par rapport à 2000-2004 contre une hausse moyenne de 68 % à l’échelle mondiale.
La température moyenne à la surface du globe est supérieure de 1,1 °C à la période préindustrielle, et les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Dans ce contexte, les populations vulnérables, telles que les personnes de plus de 65 ans et les enfants de moins de 1 an, sont de plus en plus longtemps soumises à des températures élevées.
Les répercussions sur la santé sont directes, notamment l’aggravation des maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, la détérioration du sommeil et de la santé mentale, ainsi que l’augmentation des morts à la suite de blessures.
98 millions de personnes supplémentaires en situation d’insécurité alimentaire
Publié à quelques jours du début de la conférence de l’ONU sur le climat (COP27), le rapport précise aussi que 470 milliards d’heures de travail ont été perdues sous l’effet des canicules durant l’année écoulée à l’échelle mondiale, soit une augmentation de 37 % par rapport à la moyenne annuelle de 1990 à 1999. Ces pertes d’heures de travail concernent surtout le secteur agricole (40 %) et les pays ayant un faible indice de développement humain (IDH).
Globalement, les événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations, canicules, ouragans, feux de forêt, etc.) ont causé des pertes économiques cumulées d’environ 253 milliards de dollars en 2021.
Le changement climatique contribue d’autre part à une plus forte propagation des maladies infectieuses. Entre 2012 et 2021, la période propice à la transmission du paludisme a augmenté de près d’un tiers (32,1 %) dans certaines régions des Amériques et de près de 14 % en Afrique, par rapport à la période 1951-1960. En Afrique, le risque de transmission de la dengue par des moustiques de type Aedes aegypti s’est accru de 6 % sur la période étudiée.
Par ailleurs, la montée des températures et les autres phénomènes météorologiques extrêmes induits par le changement climatique laissent aujourd’hui 98 millions de personnes supplémentaires en situation d’insécurité alimentaire modérée à sévère, par rapport à la période 1981-2010.
The Lancet note dans ce cadre que la plupart des pays du monde contribuent eux-mêmes à ces crises sanitaires et alimentaires en subventionnant les énergies fossiles : 69 des 86 gouvernements étudiés subventionnent la production et la consommation de combustibles fossiles, pour un total net de 400 milliards de dollars en 2019. Conséquence : l’intensité en carbone du système énergétique mondial (secteur qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre) a diminué de moins de 1 % par rapport à 1992 et au rythme actuel, une décarbonisation complète du système énergétique mondial prendrait 150 ans.
« Le monde se situe à un tournant. Nous devons changer. Sinon nos enfants seront confrontés à une accélération du changement climatique qui menacerait leur survie », prévient Anthony Costello, professeur et co-président de l’étude annuelle The Lancet Countdown, tout en réclamant des investissements massifs dans les énergies renouvelables, la résilience climatique et l’accélération de l’évolution vers des régimes alimentaires végétaux.