Début juillet, le nouveau président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, a fait part de son intention de négocier avec les Shebab. La nomination d’un chef jihadiste repenti au poste de ministre des Affaires religieuses s’inscrit en droite ligne de cette option.
L’ex-chef jihadiste Mukhtar Robow (photo), cofondateur et ancien porte-parole du groupe islamiste radical Shebab, a été nommé au poste de ministre des Affaires religieuses dans le nouveau gouvernement somalien dévoilé le mardi 2 août par le Premier ministre, Hamza Abdi Barre.
Avant de déposer les armes, ce vétéran de l’activisme jihadiste en Afghanistan, connu sous le nom d’Abou Mansour, a été le numéro deux et le porte-parole du groupe islamiste somalien qui mène depuis 15 ans une insurrection contre le gouvernement fédéral soutenu par la communauté internationale.
Inscrit sur la liste des terroristes mondiaux spécialement désignés (Specially Designated Global Terrorists) du département du Trésor américain – les personnes et organisations considérées comme des menaces pour la sécurité et la politique étrangère des Etats-Unis – il avait vu sa tête mise à prix pour 5 millions de dollars.
En 2013, Mukhtar Robow a rompu avec les Shebab après une lutte de pouvoir avec son supérieur, Ahmed Abdi Godane. Il s’était ensuite réfugié dans la région de Bakool (sud-ouest), après avoir publiquement renié le groupe islamiste radical.
En octobre 2018, le chef jihadiste repenti a annoncé sa candidature à la présidence de l’Etat fédéré du Sud-Ouest. Son slogan de campagne était alors « J’ai su créer les Shebab, je saurai comment les détruire ».
Ouvrir la porte au repentir
Arrêté alors qu’il battait campagne, Mukhtar Robow a été accusé par le gouvernement dirigé alors par le président Mohamed Abdullahi Mohamed, d’avoir « organisé une milice » et de n’avoir « jamais renoncé à ses idéologies extrémistes ». Il était depuis, en résidence surveillée dans la capitale Mogadiscio.
Selon les observateurs, la nomination de M. Robow au poste de ministre des Affaires religieuses s’inscrit dans le cadre de la volonté affichée par le nouveau président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, de négocier avec les Shebab.
Elu en mai après avoir été président de 2012 à 2017, Hassan Cheikh Mohamoud avait déclaré, début juillet dernier, que les approches passées pour vaincre les Shebab n’avaient pas fonctionné et que son gouvernement était ouvert à des alternatives, y compris des pourparlers avec le groupe islamiste au moment opportun.
« Nous ne sommes pas actuellement en position pour négocier avec les Shebab. Nous le ferons, au bon moment », avait-il dit à un groupe de réflexion, lors d’une visite en Turquie.
« Même maintenant, nous ouvrons la porte à tous ceux qui veulent dénoncer la violence, les idéologies extrémistes et rejoindre une vie normale en Somalie », a-t-il ajouté, indiquant que les Shebab ont développé un « mécanisme d’adaptation » à la riposte militaire et ne pouvaient pas être éliminés uniquement par la force.
Nommé le 15 juin, le Premier ministre, Hamza Abdi Barre, a dévoilé un gouvernement de 75 membres, pour « mettre en œuvre la grande vision du président et son programme d’une Somalie en paix avec elle-même et le monde ».