A quelques jours du démarrage de la campagne pour les élections législatives, les prises de paroles récurrentes de « Benno Bokk Yaakaar » (Bby) et « Yewwi Askan Wi » (Yaw) éclipsent les autres coalitions.
Huit coalitions de partis politiques sont en lice pour briguer les suffrages des Sénégalais le 31 juillet prochain, date prévue pour les élections législatives. Il s’agit de « Bokk Gis Gis/Liggey », « Naataange Askan Wi », Alternative pour une Assemblée de rupture (Aar), « Bunt Bi », les Serviteurs-Mpr, « Wallu Sénégal », « Yewwi Askan Wi » (Yaw) et « Benno Bokk Yaakaar » (Bby). Cependant, force est de constater que ce sont les deux dernières coalitions citées qui mènent le combat médiatique. En cette période de précampagne, où la propagande est interdite, ces deux coalitions sont au-devant de la scène avec la tenue de plusieurs points de presse. Tout le contraire des autres coalitions dont la candidature a pourtant été validée pour les prochaines joutes électorales. Elles sont presque aphones. On ne les entend quasiment pas. Aussi, elles sont rarement sous les projecteurs et semblent être des téléspectatrices au spectacle que « Benno » et « Yaw » offrent aux citoyens devant choisir les futurs représentants du peuple.
Pour Serigne Thiam, Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), le fait que Yaw et Bby dominent la bataille médiatique n’est pas fortuit. « Ce sont les deux plus grandes coalitions politiques. Cela est lié aux dernières élections territoriales. Elles ont gagné le plus grand nombre de collectivités territoriales. En sus, sur l’aspect conflictuel, ce sont les deux coalitions qui s’affrontent le plus. Donc, c’est normal qu’elles mènent la bataille médiatique », a expliqué l’universitaire, indiquant qu’il sera difficile, voire impossible, pour les autres coalitions en lice de renverser la tendance.
Elles n’ont pas, de l’avis de notre interlocuteur, la possibilité de soulever un combat pour détourner la situation à leur faveur.L’analyste politique Mamadou Sy Albert partage l’argumentaire de Serigne Thiam selon lequel cette présence accrue des deux coalitions dans les médias résulte des résultats des élections territoriales du mois de février dernier. Mais, selon lui, elle est surtout encouragée par les législatives. « Yaw travaille pour une cohabitation à la prochaine législature et Bby veut donner au Chef de l’État une majorité confortable. Ainsi, les deux coalitions livrent une bataille de communication épique pour draguer les électeurs. Elles ont fait de l’ombre à leurs autres adversaires qui sont presque inexistantes », a relevé M. Sy.
Polarisation du jeu politique
Docteur en Sciences politiques, le journaliste Mohamed Alimou Bâ pense quant à lui qu’il y a une polarisation du jeu politique entre la majorité et une partie de l’opposition incarnée par les leaders de Yaw. Ceci, à ses yeux, empêche, aujourd’hui, d’avoir un troisième pôle. Mais, pour lui, cette occupation de l’espace médiatique par les deux coalitions au détriment de leurs autres adversaires ne crée pas un environnement sérieux pour s’entendre, pour se parler. Cette division politique favorise plutôt une méfiance entre les différentes parties prenantes. Pire, elle ne relève pas le niveau du débat. « Nous assistons à des invectives entre les différents protagonistes. Ce sont des attaques et des contrattaques. On ne propose rien du tout. On est dans une sorte de situation où les acteurs ne se parlent plus. Chacun joue au héros, montre ses muscles. C’est la dévitalisation du langage. C’est le clash entre les deux camps », a analysé M. Bâ tout en regrettant que les autres coalitions de partis en lice pour les élections législatives du 31 juillet soient inaudibles. « Elles veulent s’exprimer, mais elles n’ont pas leur place dans cette cacophonie communicationnelle », a-t-il ajouté.
Accusation mutuelle
Interpelé sur le sujet, Moussa Diakhaté, chargé de communication de « Bokk Gis Gis/Liggey », raille Yaw et Bby. Ce sont, a-t-il souligné, les deux coalitions à avoir fauté au point de voir leur participation aux élections hypothétiques. « Elles sont dans une communication de crise et d’accusation mutuelle. On est en situation de crise politique et ce sont ceux qui vivent les symptômes de cette crise qui crient », a déclaré M. Diakhaté. Il a ajouté que leur coalition est dans une posture responsable consistant à faire une précampagne de bouche à oreille avec leurs investis. Le chargé de communication a jugé anormal l’accaparement de l’espace médiatique par les deux coalitions et déploré le contenu des discours.
Cependant, le mandataire national de la coalition « Bunt Bi », El Hadji Ibrahima Mbow, a battu en brèche l’idée selon laquelle les autres coalitions sont éclipsées par « Yaw » et « Benno ». À l’en croire, leur coalition n’est pas silencieuse, d’autant plus qu’elle a organisé des conférences de presse et fait des communiqués pour se prononcer sur l’actualité. Seulement, a-t-il précisé, « dans la bagarre qui oppose Yaw et Bby, [ils pensent] que ce n’est ni utile ni pertinent de s’y mêler ». D’après M. Mbow, leur coalition attend que la campagne démarre pour dérouler leur programme. « Notre point fort, c’est de travailler avec les populations à l’intérieur du pays. Nous ne faisons pas d’exposition médiatique, nous ne sommes pas dans l’exhibition », a-t-il soutenu.