«Notre objectif principal est de présenter l’Islam de manière concise, pertinente et intelligible de tout ce que nous possédons, comme aptitude et force, malheureusement très limités ». Dans le cadre de la quatorzième édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’art) se tient du 19 mai au 21 juin 2022, autour de ce triptyque : « Créer, imaginer et inventer » que va se dérouler l’exposition officielle internationale, nous abordons un sujet par lequel l’homme avait toujours espoir de construire son bonheur, espoir qu’il laisse apparaître dans l’Art, dans la Littérature et dans Philosophie.
Exprimant ainsi, sa vision cosmogonique de ce monde, que nous devons chercher notre idéal. L’homme est bien le seul être sur terre à prendre conscience de sa souffrance, de sa frustration, de sa solitude et de sa mort. A travers l’Art, la Littérature et la Philosophie à exprimer ses émotions et sentiments ou à s’interroger du pourquoi il se trouve en ce monde et les raisons de la chute d’Adam et d’Eve. Et pourquoi subir tant de privations et de souffrances… Personne ne peut nier l’importance cruciale et la subtilité de ce type d’interrogations : la naissance des arts existentialistes en Orient, en Occident comme en Afrique, de la Littérature et de la Philosophie, en sont la preuve concrète.
L’art de manière générale constitue le support par excellence de la Culture et de la Civilisation. Les Arts sont un baromètre qui atteste, le niveau d’intelligence et de perspicacité de l’homme et son degré d’avancement, sur le plan culturel et civilisationnel.
L’Art en arabe signifie « « fan-ne », c’est-à-dire une œuvre accompli ce mot a une racine commune avec le mot en latin « ars » ou « artis » qui signifie « habileté, métier, connaissance technique, un travail parfait. En grec « téchni ou tekhnè » qui signifie : habileté, métier pratique, savoir-faire style, talent technique, virtuosité. Depuis le XVIIIe siècle, le terme a délaissé sa seule acception technique au profit d’un sens esthétique. Ce sens avait été retenu par de nombreux pays européens jusqu’à la seconde guerre mondiale. Mais depuis, son emploi s’est généralisé et l’on s’en sert pour tout ce qui est nouveau. Il est utilisé pour toute œuvre produite par l’homme conforme à des critères esthétiques.
L’art est un langage d’expression internationale. Depuis que l’homme s’est aperçu que le langage parlé et écrit ne pouvait exprimer parfaitement ses sentiments, il a inventé le langage artistique, à savoir: les Beaux-arts (plastique, architecture, gravure, peinture, sculpture), les arts décoratifs, Art abstrait, art figuratif, les arts visuels, la littérature, les arts de la scène, le cinéma, les arts médiatiques, la bande dessinée… comme le moyen par lequel il se détache de la nature.
Ainsi l’art, tout en restant chez les communautés un mode d’expression internationale des sentiments, possède des caractéristiques indigènes. C’est pourquoi en guise d’exemple, l’art africain serait différent de l’art hellène, français ou arabe ou chinois.
Mais l’intéressant c’est que la représentation des sentiments ayant incité à la création des œuvres d’art, est aussi différent en Orient, en Occident qu’en Afrique. Une différence comparable à celle existant entre l’homme et l’arbre.
En Orient en particulier chez les pays islamiques, la pensée, la religion et le mysticisme sont les bases de l’art et l’aspect figuratif n’est qu’une clé pour ouvrir la porte donnant accès au contenu doctrinal et religieux de l’œuvre artistique. Par contre en Occident, la réalité matérielle de la vie, la nature et l’ethnocentrisme forment visiblement les bases de l’art occidental, la pensée et le mysticisme, si elles étaient représentées n’y figuraient qu’à titre indicatif, et ne serviraient qu’à le relever .C’est pour cette même raison que Picasso et ses confrères n’ont pas voulu renoncer à la représentation de la nature et penser, un tant soit peu, à approfondir leurs œuvres.
En Afrique singulièrement, L’art africain qualifie généralement des objets artisanaux, à vocation utilitaire, qui ont été élaborés dans un souci d’utilité. L’œuvre d’art et l’objet sacré appartiennent au monde des significations et des symboles dans la mesure où l’homme trouve en eux une voie d’accès à la compréhension de sa condition qu’il soit matériel ou immatériel. N’est-ce pas la Civilisation n’est rien d’autre que l’état d’avancement des Conditions de vie, des Savoirs faire, des Normes de comportements ou des mœurs dites civilisées d’une société et l’amélioration vers un Idéal Universel.
La conviction, dont nous avons de l’antériorité des origines de l’humanité en Afrique atteste de manière irréfutable, la même antériorité qui va de pair avec l’Art, la Littérature et la Philosophie africains. L’Art africain, qui se trouve être la Source inspiratrice des autres arts, a réussi à façonner la culture du monde avec ses caractéristiques stylistiques particulières. Qu’ils soient Objets et autres formes d’art. Les objets, sculptures sur bois, mais aussi en métal ou avec du métal et autres matériaux, ainsi que la céramique et la vannerie, les textiles ou le cuir et les perles ne constituent qu’une partie des arts tels qu’ils sont ou ont été pratiqués traditionnellement en Afrique.
La pensée, la religion et le mysticisme ont donc en Orient les dénominateurs communs, l’essence même profonde de l’art. Celle-ci pousse l’œuvre artistique vers une certaine perfection transcendée. L’art des pays islamiques va plus loin encore.
L’islam a défini des lois pour tous les aspects de la vie matérielle et spirituelle, et n’a jamais eue de contradiction entre science et croyance ou antithétique. Les savants Musulmans ont apporté leur concours à la civilisation humaine, sans jamais se heurter à des obstacles « idéologiques ». Ainsi ils étaient les précurseurs dans beaucoup de domaines scientifiques tels que l’Algèbre, la chimie, les mathématiques, la médecine, la pharmacie, la géographie et l’art dont il s’est contenté de quelques allusions dans les versets du Saint Coran et les Hadiths authentiques. L’homme est créature de Dieu, Son vicaire sur terre. Celui-ci doit, en principe, s’occuper comme créateur de l’administration des affaires, la création artistique y comprise. Dieu dans la sourate « Les Croyants», Versets 12-13-14, dit : « Et sûrement que Nous avons créé l’homme par l’essence même de l’argile (d’une terre humide organique et inorganique) 12. « Puis Nous en fîmes une goutte de sperme dans un reposoir solide » .14 «Ensuite, Nous avons fait du sperme une adhérence; et de l’adhérence Nous avons créé un embryon; puis, de cet embryon Nous avons créé des os et Nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, Nous l’avons transformé en une tout autre création. Gloire à Allah le Meilleur des créateurs! Qu’il n’y a d’autre créateur que Lui ».
Pourquoi donc a t- Il parlé de créateurs au pluriel ? Nous estimons qu’Il l’a fait pour accorder quelque droit à Son vicaire sur terre. Le Glorieux Coran dit dans la sourate « La Table Servie », verset 49, au sujet du Prophète Jésus, fils de Marie (Bénédiction de Dieu soit sur Eux) : « Oui, pour vous, je pétris de glaise, une figure d’oiseau, puis je souffle dedans : Et par la permission de Dieu c’est un oiseau ». Et toujours dans la même sourate « La Table Servie », verset, 110, s’adressant à Jésus (Salut et Bénédictions de Dieu sur lui dit) : « Et Allah a dit : «Ô Jésus, fils de Marie, rappelle-toi Mon bienfait sur toi et sur ta mère quand Je te fortifiais du Saint-Esprit. Au berceau tu parlais aux gens, tout comme en ton âge mûr. Je t’enseignais le Livre, la Sagesse, la Thora et l’Evangile! Tu fabriquais de l’argile comme une forme d’oiseau par Ma permission; puis tu soufflais dedans. Alors par Ma permission, elle devenait oiseau.
Et tu guérissais par Ma permission, l’aveugle-né et le lépreux. Et par Ma permission, tu faisais revivre les morts. Je te protégeais contre les Enfants d’Israël pendant que tu leur apportais les preuves. Mais les mécréants d’ entre eux disent: «Ceci n’est que de la magie évidente».». Cette permission vaut aussi pour l’artiste qui, dans une certaine mesure est le vicaire de Dieu et se livre à la création divine est absolue et parfaite. Mais quant à l’homme, l’artiste lui-même créature de Dieu se livre à une création relative dont les éléments sont choisis parmi les choses créées par Dieu. Sa création est relative, son degré de perfection en sera nécessairement relatif, car la perfection absolue appartient à Dieu.
L’opinion selon laquelle l’art islamique est aniconique en raison d’interdits coraniques est extrêmement répandue, tant en Orient qu’en Occident est erronée, et elle demande à être nuancée.
Egalement en Islam, la création artistique relève d’une pensée divine .Quant l’artiste musulman livre à la création, il le fait par sa permission et par sa volonté. L’artiste selon la pensée islamique est l’instrument de la volonté de Dieu par lequel la création artistique à lieu. Dieu dit Lui-même s’adressant dans le Saint Coran au Noble Prophète Mohamad (Salut et bénédiction de Dieu sur lui et sur sa famille) dans la sourate « Les dépouilles » le verset 17 : « Et lorsque tu tirais ce n’est pas toi qui tirais mais c’est Dieu qui tirait ». Aussi ce n’est pas l’artiste qui accomplit l’acte de création, c’est Dieu qui crée. L’artiste n’est que l’instrument du Tout-Puissant.
Les Oulémas musulmans qui affirment que l’islam interdit la représentation des êtres vivants dans l’art, et ne tolèrent que l’Islam n’accepte que la calligraphie, la géométrie et l’arabesque qui constituent, selon eux ,les principales composantes, l’aniconisme, c’est-à-dire l’absence d’images, sont en flagrante contradiction aux textes coraniques.
Ce qui a poussé d’ailleurs, un bon nombre de Jurisconsultes Musulmans d’apposer leur opposition à cette position contraire aux enseignements du Coran Glorieux.
Alors qu’il s’est toujours développé en terre d’Islam un art d’une unité et d’une originalité remarquables, dont La place de la figuration, différente dans les domaines religieux et profane, qu’il s’agisse des textes, de l’art ou de l’architecture, varie également en fonction de facteurs historiques, géographiques ou culturels. L’unité du monde musulman, constituée très tôt autour d’une religion, l’islam, et d’une langue, l’arabe, ne doit pas faire oublier l’immense diversité des peuples réunis en son sein, en particulier les trois grandes composantes, arabe, persane et turque, qui ont gouverné tour à tour.
Ces peuples aux origines variées, sémitiques, indo-européennes ou ouralo-altaïques, ont entretenu des rapports à l’image forte différente, qui se sont traduits, au cours des siècles, par des productions artistiques parfois dissemblables.
Le premier texte en prose et le seul qui nous soit parvenu des tout premiers temps de l’islam est le Saint Coran, dont certains de ses versets qui font allusion à l’art et la sculpture. Les versets mentionnant les œuvres réalisées « avec la permission de Dieu » pour le Prophète Souleymane fils de David (Salut et Bénédictions de Dieu sur Eux) ainsi, nous apprenons que le Prophète Souleymane avait à sa disposition la technologie la plus avancée de son époque, et qu’il possédait un palais et un royaume fabuleux, et de nombreux autres détails sont aussi fournis.
Dans son palais se trouvaient des œuvres d’art étonnantes et d’autres objets de valeur, qui impressionnaient tous ceux qui les voyaient. L’entrée du palais était faite de cristal. Le Coran décrit ce palais et l’effet qu’il produisit sur la Reine de Saba:
« On lui dit: ‘Entre dans le Palais’. Puis, quand elle le vit, elle le prit pour de l’eau profonde et elle se découvrit les jambes. Alors il (Souleymane) dit: ‘Ceci est un palais pavé de cristal’. Elle dit: ‘Seigneur, je me suis fait du tort à moi-même: je me soumets avec Souleymane à Allah, Seigneur des Mondes » Sourate Les Abeilles, verset 44. Ces versets évoquent des statues, objets en trois dimensions ; de même, dans ceux relatant l’annonce faite à Marie et la carrière de Jésus (Saut et Bénédictions sur Eux). Ils fabriquaient pour lui ce qu’il voulait, sanctuaires, statues, plateaux comme des bassins et marmites bien ancrées est affirmé par ce verset coranique 13, de la Sourate Saba « Ô famille de David, travaillez avec gratitude! Et il y a très peu parmi Mes serviteurs qui sont reconnaissants ».Et pour le Prophète Saleh le verset coranique 149, de la Sourate Les Poètes: « Et vous creusez (sculpter) des maisons avec habilité ».
Et au Prophète Noé (Salut et bénédictions sur lui) dans ce verset coranique 37, de la Sourate Hoûd: « Et construis (sculpte) l’arche sous Nos yeux et d’après Notre révélation. Et ne M’interpelle plus au sujet des injustes, car ils vont être noyés».
Ces propos sont l’affirmation capitale de la théologie musulmane : celle de l’unicité divine et du pouvoir de Dieu, Seul Créateur, « Dieu le Créateur, le Novateur, le Formateur… » Le Formateur, c’est-à-dire celui qui donne la forme, Le Musawwir, mot qui désigne aussi, le Photographe, le Caméraman, le Sculpteur ou le Peintre. Plutôt que l’art, c’est la nudité ou l’adoration des images, des idoles, que Dieu interdit, car elles sont l’œuvre du Démon et ceux qui les adorent sont dans un égarement manifeste.
Les Hadiths qui avancent la thèse dont, certains, peu nombreux et parfois contradictoires, qui concernent les représentations figurées, dont plusieurs rappellent que « les Anges n’entrent pas dans une maison où il y a des images », certains autres l’épisode de la colère du Prophète devant les textiles à décor figuratif dans la maison de son épouse Aïcha (Bénédiction sur elle), et d’une manière générale, plus que les images, ce sont leurs auteurs , dont l’intention est animée par la promotion du polythéisme par la sculpture, la peinture, le dessein des statues comme idoles que blâme Muhammad, car ils se font imitateurs de Dieu, Seul Créateur capable d’insuffler la vie dans sa créature.
Aucun texte ne traite la question de façon dogmatique. Mais l’attitude du Prophète à la Ka’ba, lors de la reconquête de la Mecque et la persistance, jusqu’à la réforme monétaire de ‘Abd al-Malik (5eme Khalif omeyyade 646-705), de l’usage de monnaies byzantines et sassanides prouvent que les images n’étaient pas alors senties comme interdites. Si l’absence d’image dans les édifices religieux est presque toujours observée, il n’en va pas de même pour les édifices civils et les objets d’art. Les vestiges de décors architecturaux des « châteaux » d’époque omeyyades offrent un étonnant répertoire figuratif, hérité de l’Antiquité tardive méditerranéenne et sassanide, usant de la peinture sur enduit et de la sculpture sur pierre, sur stuc (parfois moulé) et sur bois, d’où la ronde bosse n’est pas absente.
La création, en son niveau bien relatif, créée la beauté approuvée par Dieu. Révéler la beauté auprès des hommes voilà la pensé primordiale d’une œuvre d’art islamique, relatif à l’esthétique, à la beauté et à l’harmonie, e ce qui est joli, beau, harmonieux. Le Prophète de Dieu Mohammad (Salut et bénédiction sur lui et sur sa famille) a dit dans un hadith : « Dieu est beau et aime la beauté, Il aime voir les effets de ses bienfaits sur ses créatures ».
Cheikh Chérif Mballo
Chercheur
Directeur du Centre Islamique d’Etudes, de Recherche et de Documentation
(CIRED)