Le chômage au Tchad, devenu chronique, tient une majorité des jeunes en tenaille. Si les regards de certains, sont tournés vers l’intégration à la Fonction publique avec des manifestations quasi quotidiennes, d’autres diplômés sans emploi qui ne veulent plus dépendre de leurs parents, se créent des activités rémunératrices de revenu, telles que la vente du sable, la fabrication et la commercialisation des briques cuites…
Fatigué d’être à la charge de ses parents, qui, pour peu, l’insultent ou lui crient dessus en lui rappelant son état de consommateur improductif, Remadji Michaël, licencié en Ressources humaines, a décidé de se lancer dans la vente du sable sur les berges du fleuve Chari à N’Djaména. D’abord, il a demandé à sa mère de lui trouver un porte-tout pour pouvoir se lancer dans son activité. Etonnée, sa mère lui demande s’il a étudié pour venir vendre du sable. Droit dans ses objectifs, il a fini par convaincre sa mère qui lui a offert un porte-tout neuf.
Après d’une année d’intenses activités sur les berges du fleuve Chari, notamment dans le quartier Hilé Bornon, en face du centre culturel Don Bosco, dans le 7ème arrondissement de la capitale, aujourd’hui, Remadji Michaël, assure sa survie grâce à cette activité. “Au début, c’était difficile. Ça me gênait beaucoup de transporter le sable du fleuve pour stocker au bord du goudron en quantité avant de transporter à nouveau dans les quartiers pour vendre. Et il faut se promener avec avant de trouver un client et ce, avec tout le regard des jeunes filles du quartier. Mais j’ai su surmonter cela et je me sens à l’aise aujourd’hui“, raconte-t-il, ses débuts dans le transport et la vente de sable.
Remadji Michaël, embauche à ce jour, plus d’une dizaine de jeunes dont certains louent ses portes-tout et d’autres, l’aident à ramasser du sable pour aller livrer aux clients. “Une année après m’être lancé sérieusement, j’ai acquis huit portes-tout que je fais louer aux jeunes volontaires qui veulent vendre du sable pour se prendre en charge. Certains préfèrent venir m’aider à sortir le sable du fleuve pour stocker au bord du goudron pour 200 FCFA le transport pour un porte-tout”, explique le jeune Remadji. Par jour, informe-t-il, il arrive à livrer entre 15 et 20 portes-tout de sable qui lui fait un minimum de 25 000 FCFA par jour. “Il y a les périodes où le prix monte jusqu’à 2 000 FCFA et des périodes où le prix du porte-tout est à 1 250 FCFA”, complète-t-il tout souriant. Pour lui, ce business lui génère mieux de revenus que s’il était employé d’une entreprise. “Mes parents, malgré qu’ils n’aiment pas cette activité au départ, sont aujourd’hui fier de mois parce que je fais une économie de presque 500 mille francs CFA le mois. De quoi être fier !”, s’exclame Remadji Michaël.
Les outils de travail de Remadji Michaël, comme les nombreux autres jeunes diplômés sans emploi qui se sont lancés dans la vente du sable ces derniers temps, sont des pelles, des pioches, des bêches, des emballages de sac de ciment. Pour eux, en attendant de trouver un travail de leurs domaines d’études, il est préférable d’avoir une activité qui permet de se prendre en charge que de dépendre exclusivement des parents ou des tuteurs qui, eux aussi tirent le diable par la queue à cause du nombre de personnes à leur charge.
“Au quartier, on se moquait de Michaël mais au fil du temps, on a compris qu’il s’en sort très bien que nous d’autres qui bagarrons le repas avec nos plus petits cadets. Il est toujours bien habillé après son travail, ne demande plus les téléphones aux autres pour appeler ou écrire des sms. Cela nous a poussé à faire comme lui et nous sommes aujourd’hui indépendants”, se rappelle Jean Masdé, un autre jeune qui s’est lancé dans la vente du sable. Tous ou presque, livrent aujourd’hui du sable en quantité sur des différents chantiers, et se sont fait de gros clients.
“Tout le monde aspire à un bon travail avec une bonne rémunération. Malheureusement que les conditions d’accès à un travail décent sont trop peu de nos jours avec un nombre qui grimpe au jour le jour des diplômés d’où la nécessité de se lancer dans des business, des activités qui rapportent, peu soit-il, pour assurer sa pitance quotidienne. On ne peut tout attendre de l’Etat ou des entreprises privées. Il faut souvent oser pour parvenir à avoir quelque chose”, appelle Remadji Michaël, les autres jeunes à l’auto-emploi. Car, conclut-il, il n’y a pas de sot métier mais de sottes personnes qui ont peur d’être la risée de la société pour ce qui leur donne à manger.