C’est sans doute une étiquette difficile à décoller de la peau du Sénégalais. Il est notoirement admis qu’il a une aversion de la démission. Le fait de quitter son poste suite à un impair ou un conflit d’intérêt ou même une mésentente avec sa hiérarchie n’entre pas dans ses schémas de pensée.
Il arrive pourtant des surprises dans la vie, qui démontrent que petit à petit, les choses bougent et le Sénégalais commence à intégrer des comportements d’un genre nouveau pour lui. Ahmed Aïdara, interdit d’antenne par le Cnra du fait de ses «revues de presse» politiquement orientées, vient de déposer sa démission sur le bureau du Pdg de D-Média. Cela s’ajoute aux récentes démissions de Mamadou Ibra Kane, le président du Cdps et de Serigne Assane Mbacké, allié de l’ancien président Abdoulaye Wade au sein du Pds.
Ces trois personnes n’avaient sans doute pas des postes financièrement lucratifs, pourtant leurs démissions, bien que différentes dans leurs natures, sont symboliques d’une nouvelle tendance mentale.
Ahmed Aïdara renonce à une position qui donnait de la visibilité à son action en tant que maire élu de Guediawaye. On pourrait même dire qu’il est plus connu par son travail à la radio et la télé de Bougane Guèye que par son travail sur le champ politique. On peut penser que ce départ est une grosse perte pour lui qui y perd en visibilité. Mamadou Ibra Kane, condamné en justice pour injures publiques, a voulu se décharger d’une prestigieuse fonction élective. Mais ses collègues patrons de presse ont refusé sa démission. Quant au politicien Assane Mbacké, insatisfait de son rôle au sein de son parti, il, a décidé de rompre un long compagnonnage politique.
En politique, les démissions sont loin d’être une nouveauté. Elles sont, en général, une tactique pour mieux se positionner dans l’échiquier politique. Tout comme elles peuvent être la solution pour se départir d’un conflit.
Macky Sall a vécu une situation similaire en 2008. A la tête de l’Assemblée nationale, il a été un moment obligé de démissionner. A cette époque, le Sénégal venait d’accueillir le sommet de l’Oci. Il avait demandé l’audit du ministre en charge de l’organisation de l’événement. Le ministre en question était le fils du président de la République d’alors. Ce qui était considéré comme un affront lui a coûté son fauteuil au perchoir de l’Hémicycle. Loin de déchoir sur l’échelle politique, Macky Sall a su rebondir en créant son parti politique. Aujourd’hui, il a pu succéder au président de la République qui avait tout fait pour le tuer politiquement. C’est dire que démission ne rime pas avec enterrement.
Les exemples de démission de cette envergure ne font pas florès au Sénégal, mais il en existe. Le juge Dème, Thierno Alassane Sall, ancien ministre de l’énergie sont à mettre dans cette catégorie, même si pour TAS, les versions diffèrent entre la démission et le limogeage. Ces personnages ont quitté leur poste pour se reconvertir en politique. Les objectifs professionnels changent du coup et deviennent des objectifs politiques.
Il faut tout de même rappeler que nombre de personnalités juchées au sommet de l’Etat ont été éclaboussées par des scandales financiers et autres, mais, n’ont jamais pensé à déposer leur démission. Ces gens continuent d’exercer leurs fonctions sans états d’âme. Certains y ont même gagné des promotions dans la sphère étatique. Il n’est même pas besoin de citer des noms.
Mais sans doute que petit à petit, les esprits évoluent et les Sénégalais changent de perceptions en encourageant à des départs dans la dignité.