Gel des avoirs au sein de la BCEAO, fermetures des frontières avec les États membres, suspension des transactions, le Mali a donc été lourdement sanctionné dimanche par la Cédéao et l’UEMOA. En cause : la volonté de la junte de se maintenir au pouvoir pendant encore quatre ans. Elle qui s’était pourtant engagée en septembre 2020 à organiser des élections en février 2022. Les autorités maliennes ont dénoncé ces sanctions. En réponse, elles appellent ce vendredi 14 janvier à une journée de manifestations dans tout le pays.PUBLICITÉ
La junte militaire et ses soutiens veulent faire de ce rendez-vous une démonstration de force. « Depuis le 9 (janvier), nous sommes en train de mobiliser les gens à tous les niveaux, explique Bakora Konaté, le secrétaire général du collectif national des acteurs de marché du Mali. Nous avons envoyé des messages pour que tout le monde se mobilise sur toute l’étendue du territoire malien, des grandes villes jusqu’aux hameaux. C’est pour manifester la volonté du peuple malien, le soutien sans faille et inconditionnel du peuple malien aux autorités de la transition, qui sont en train d’œuvrer pour que la paix revienne sur toute l’étendue du territoire malien, précise-t-il avant d’ajouter : Trop c’est trop ! Nous voulons dire à la Cédéao que nous ne sommes pas d’accord avec elle. »
Pour Bakora Konaté comme pour les représentants de la junte, ces sanctions sont injustifiées. Le pays, expliquent-ils, a besoin de réformes importantes notamment en matière de sécurité avant de pouvoir organiser des élections. Le ressentiment à l’égard de la Cédéao est d’autant plus fort que les autorités de transition et leurs soutiens accusent l’organisation sous régionale d’être à la solde des puissances occidentales comme la France. « Pour moi, cela constitue en soi, certainement, un complot mûrement réfléchi à l’endroit de notre pays, expliquait mardi sur nos antennes Jeamille Bittar, le porte-parole du mouvement M5-RFP. Je me souviens encore que la ministre française de la Défense avait déclaré que la France utilisera tous les moyens, y compris l’aide de la Cédéao. »
« C’est pratiquement toutes les couches qui se retrouvent »
La junte appelle ainsi la population « à défendre la patrie ». Des citoyens et des associations qui n’étaient jusque-là pas forcément favorables aux militaires devraient ainsi descendre dans la rue ce vendredi. « Tout le monde s’est retrouvé et finalement, c’est devenu une question de patriotisme, décrypte Hamadoun Bah, le secrétaire général du syndicat des banques. Au niveau des syndicats, c’est l’ensemble des centrales syndicales et des syndicats y compris la synergie des enseignants qui avaient déposé des préavis de grève. C’est pratiquement toutes les couches qui se retrouvent, même celles qui s’affrontaient avant. »
« L’union nationale est nécessaire », estimait mercredi sur RFI Tiéman Hubert Coulibaly, le président du parti UDD et membre du cadre des partis politiques pour une transition réussie. Mais aux yeux de cet ancien ministre, pour parvenir à une telle unité, « il faut commencer déjà à bannir certaines postures qui consistent à stigmatiser une partie de la classe politique, à la menacer. » Pour lui, de toute façon, la responsabilité de cette situation incombe avant tout à la junte. « Le peuple malien, aujourd’hui, dans sa situation, ne mérite pas d’être sous ces sanctions-là, explique-t-il. Mais les autorités de la transition en portent l’entière responsabilité, de la même manière qu’elles portent la responsabilité de trouver les voies et les moyens pour en sortir le plus rapidement possible. »
Quelles voies et quels moyens alors pour sortir de cette situation ? L’Algérie a appelé à une transition de 12 à 16 mois. Le pays est visiblement prêt à s’investir dans ce dossier. « Alger a tout à gagner à se positionner en tant que médiateur dans ce dossier, juge Raouf Farrah, analyste principal à l’ONG Global Initiative. Je pense que la junte à un moment donné ne pourra pas se passer de cette option là si un jour le rapport de forces devient trop difficile à gérer. Elle recourra à Alger pour un tel processus. Mais ce n’est pas garanti. »
Quoiqu’il en soit ces manifestations devraient déjà être scruté à la loupe par les chefs d’État de la région. D’autant qu’elles sont soutenues par des associations de la société civile, des partis politiques ou des personnalités d’autres pays du continent comme les chanteurs Youssoufa et Alpha Blondy ou encore le Balai citoyen du Burkina Faso et le mouvement sénégalais Y’en a marre.
RFI