En réinstaurant le poste de Premier ministre, le chef de l’Etat met la pression sur son candidat à la Ville de Dakar. En cas de victoire, Abdoulaye Diouf Sarr aura étoffé son Cv. Mais une défaite rebattra les cartes et Macky Sall cherchera d’autres profils pour l’emploi.
Par Le Quotidien – Coucou, revoilà le Pm ! Le Président Macky Sall l’avait supprimé dans un contexte post-Présidentielle où sortaient les premiers noms d’une liste de potentiels successeurs alors que le maître du Palais n’en voulait pas. Ne voulait pas de ce poison qui rendrait toxique son (dernier ?) quinquennat. A l’époque, la crainte d’une éventuelle bataille Boun Dionne, Amadou Ba, Aly Ngouille Ndiaye, trois noms sortis du lot pour leur popularité ou leur influence, aurait inspiré le Président Sall de faire disparaître la fonction de Pm. Provisoirement. Mais le chef a choisi de brouiller les cartes.
D’abord le fait de ne laisser aucun élément suggérant un dauphinat. Mais cette stratégie du brouillage des pistes ou de l’embrouillement des analystes a fini par produire l’effet contraire. Si Macky Sall n’a pas donné à voir son futur successeur au sein de son parti, il a justement, et logiquement, laissé planer son éventuelle candidature en 2024.
Son «ni oui ni non» sur sa candidature pour un 3ème mandat a remis en cause toutes les certitudes, toutes ces assurances. Ce «ninisme» mitterrandien, interprété comme le début de wax waxeet (reniement), a envenimé la polémique, animer la chronique, suscité les pires scénarios. Puisque les Sory Kaba, Moustapha Diakhaté, Me Moussa Diop ont fait les frais d’un débat, interdit, sur le 3ème mandat. Qui plus est tous étaient sur la même ligne : contre le 3ème mandat. Mais le poste étant éminemment politique. La nomination des secrétaires d’Etat et d’un super ministre d’Etat, Secrétaire général de la présidence de la République, à la puissance Jean Collin, n’a jamais pu donner les résultats escomptés. Ni avec Boun Abdallah Dionne ni avec Oumar Samba Ba aujourd’hui. Au contraire, la discrétion était imposée pour le maître du Palais qui avait tout au contrôle.
Et il était clair que cette suppression était davantage une stratégie d’étouffement des ambitions qu’une véritable trouvaille technique pour matérialiser le fast-track bien vendu par le chef de l’Etat lors de sa cérémonie d’investiture à l’issue de sa réélection. Précisément, il s’agissait, comme le justifiait l’exposé des motifs de la loi portant suppression du poste de Pm, d’imprimer plus de «célérité, d’efficacité et d’efficience» à l’action gouvernementale et dans «un temps plus court». Cela n’avait convaincu que les candides.
Challenge pour les «Premier-ministrables» de l’Apr
Le Pm est donc de retour. Mais pour qui ? Pourquoi ? Pour quand ? Le retour-surprise du poste de Pm intervient dans un contexte de forte effervescence électorale avec les Locales du 23 janvier 2022. Le timing n’est pas un hasard, surtout de la part de Macky Sall, l’ingénieur qui a appris son «ingéniosité» politique de Wade. Le chef de l’Etat semble mettre la pression sur son camp qui est condamné à gagner les grandes villes. Et surtout la bataille de Dakar, baromètre de ce que seront les Législatives de juillet 2022. Sauf report.
Le candidat de Benno bokk yaakaar, préféré à son potentiel adversaire apériste, Amadou Ba, peut être concerné par ce qui ressemble à un appât lancé par Macky Sall qui veut pêcher un gros poisson de la taille d’un dauphin. Si Abdoulaye Diouf Sarr parvient à battre le candidat de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw), Barthélemy Dias, il aura prouvé à Macky Sall qu’il ne s’est pas trompé sur le choix qu’il a porté sur sa personne. Mais surtout il pourra confirmer sa légitimité de faire partie de la short-liste des «Premier-ministrables». Si, en revanche, il perd, ce sera une ambition non pas forclose, mais un frein au rêve de rentrer dans l’histoire en étant le premier Premier ministre de la Restauration, un Habib Thiam en 1991 ou un Abdou Diouf en 1970. Et mieux, le cas échéant, Amadou Ba pourrait en bénéficier. A moins que Macky, qui a le don de surprendre son monde-comme avec la suppression et le retour du poste de Pm-, déjoue encore les pronostics et mise sur un autre cheval de l’Apr ou d’ailleurs. Dans tous les cas, la pression est sur les épaules du ministre de la Santé. Même si le pouvoir est souvent si près si loin.