Nouvelle année universitaire, nouvelles dispositions au campus social et pédagogique de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) qui a ouvert ses portes le dimanche 17 octobre. Les 85.000 étudiants régulièrement inscrits devront se soumettre aux nouvelles dispositions, sécuritaires comme sanitaires, mais aussi pour l’obtention des chambres. Les autorités du Coud et du Rectorat ont pris toutes les dispositions pour assainir l’espace universitaire et leurs permettre d’évoluer dans de meilleures conditions.
Le soleil darde ses rayons sur la ville. Il n’est que 10 heures, mais le mercure affiche presque 30 degrés. L’avenue Cheikh Anta Diop a retrouvé son animation quotidienne. Sur cet axe, la circulation est étrangement fluide. Pas d’embouteillages monstres comme à l’accoutumée. Les vacances terminées, les étudiants ont repris le chemin du campus qui commence à retrouver son ambiance. Par petits flux, ils se hâtent vers le campus social qui a ouvert ses portes le 17 octobre 2021. Certains trainent valises et sacs. Les scènes de retrouvailles, ponctuées de joie, sont fréquentes, tandis que chez les nouveaux, ce sont de grands moments d’angoisse.
Ici, le décor a bien changé. Ce qui frappe, à première vue, c’est l’harmonie des lieux qui rayonnent de mille couleurs. Graffitis, portraits de personnalités, jardins aménagés et décorations accueillent le visiteur et offrent un charme supplémentaire à cet espace qui a subi une cure de jouvence pour améliorer le quotidien des 85.000 étudiants.
À la grande porte du temple du savoir, les préposés à la sécurité veillent au grain. Il faut montrer patte blanche avant d’accéder au temple du savoir.
Nouveau dispositif de sécurité
À l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), un nouveau dispositif sécuritaire basé sur les identifiants numériques est mis, cette année, en place pour garantir plus de rigueur dans le contrôle des accès. Dans les différents points d’enrôlement situés dans les campus social et pédagogique, les étudiants se font enregistrer auprès des agents préposés à cette tâche. Pour l’année universitaire 2021-2022 qui vient de démarrer, la carte d’étudiant sera le précieux sésame pour pénétrer dans l’espace universitaire. Il fera l’objet d’un contrôle électronique.
À la grande porte, des agents de sécurité filtrent les entrées. Munis de smartphones dotés d’une application où sont stockées les données des étudiants enrôlés ou inscrits, ils passent la carte au scanner. Si l’étudiant est enrôlé, ses données s’affichent à l’écran. S’il ne l’est pas encore, la partie recherche permet d’avoir ses filiations. S’il ne figure pas dans la base de données, il ne franchit pas la porte. C’est la consigne appliquée depuis le samedi 16 octobre et les étudiants devront désormais se conformer à cette nouvelle règle.
L’initiative est salutaire, selon Agnès Diouf, étudiante en deuxième année d’anglais. « C’est une bonne mesure, surtout que le campus social était rempli de non-étudiants. Le système d’enrôlement est novateur. Dans les pavillons, on retrouvait du tout, des étudiants qui ont cartouché, d’autres qui ont reçu leurs diplômes depuis longtemps et ceux qui ne sont même pas des étudiants. Cela pose problème, surtout lors des manifestations. C’est une bonne mesure, mais ce n’est pas suffisant », indique-t-elle. Ce dispositif, note-t-elle, gagnerait à être amélioré, parce que, croit-elle savoir, « les non-étudiants feront tout pour contourner le système, or si l’on veut une paix durable dans l’espace universitaire, il faut commencer par le débarrasser de ces gens qui n’ont rien à y faire », souligne-t-elle.
Yaye Mbayang Ndong, étudiante en deuxième année de droit, est du même avis. « C’est une très bonne chose dans la mesure où cela va contribuer à renforcer la sécurité dans le campus social qui était problématique et diminuer les tensions », espère-t-elle.
Même s’il magnifie le nouveau dispositif de sécurité, Pape Pathé Ndiaye en Licence 3 de philosophie, estime, de son côté, qu’il reste davantage pour bannir définitivement l’insécurité du campus. Parce que, dit-il, l’espace universitaire est dédié aux étudiants et doit le rester. « La violence constitue une réalité qui continue de gangréner le milieu universitaire. Tant que les étudiants sont infiltrés par les non-étudiants, il sera difficile d’arriver à une sécurisation optimale », relève-t-il.
Des étudiants apprécient
Cette nouvelle mesure sécuritaire est appréciée à sa juste valeur par la communauté universitaire. Mohamed Lamine Fall, étudiant en Master 1 à la Faseg et premier vice-président de l’Amicale de ce département, tire son chapeau au Directeur du Coud et au Recteur. « C’est une réforme qui vient en son temps. Si l’on est conscient qu’avant d’entrer au campus on identifie d’abord l’étudiant, voit ensuite s’il est régulièrement inscrit, ne possède pas d’armes blanches, ça nous apaise nous qui sommes dans le campus social. Cela démontre que l’autorité, en collaboration avec les étudiants, y met du sien pour éradiquer le fléau qu’est la violence au campus », se félicite-t-il. Récemment, rappelle-t-il, l’espace universitaire, qui rassemble toutes les ethnies, a été le théâtre de beaucoup de violences. « Si un problème ethnique se développe ici, c’est un fléau qui pourra engendrer des conséquences sociales et nationales parce que l’université, c’est le Sénégal en miniature », avertit-il.
Coordonnateur de l’unité de sécurité du Coud, Baboucar Ciss est d’avis que ce nouveau système aura des impacts positifs. « Une fois enrôlé, l’étudiant est dans le système et l’identification se fait rapidement. Ce n’est pas très compliqué. À chaque porte, nous avons mis un dispositif avec six agents par couloir pour assurer le contrôle et pour l’instant, tout se passe bien », indique M. Ciss qui salue la bonne collaboration des étudiants qui leur facilitent la tâche; même si, fait-il savoir, il y a des têtes brûlées. Cette année, renseigne-t-il, plus de 600 agents ont été mobilisés pour le contrôle et la surveillance des pavillons. Tous ces efforts visent à limiter l’accès et à mieux apaiser l’espace universitaire.
Les étudiants sont aussi soumis au détecteur de métaux. Ils sont contrôlés pour freiner l’introduction d’armes blanches dans le campus social.
Avec ce nouveau système, les étudiants régulièrement inscrits seront soumis à ce contrôle. Mais ils ne sont pas les seuls à être concernés par cette mesure. Les travailleurs aussi devront exhiber leurs cartes professionnelles magnétisées. Des badges sont prévus pour les visiteurs qui doivent présenter leurs pièces d’identification nationale.
CODIFICATION
Transparence dans la gestion des chambres
Depuis quelques jours, la vie a repris dans l’espace universitaire. Les pavillons grouillent de monde. Les chambres sont disponibles depuis le 19 octobre. Certains étudiants qui ont fini de récupérer et de régulariser leur convention se sont déjà installés, d’autres devront procéder à une opération de toilettage pour occuper leurs locaux. Au pavillon B, les étudiants de la Faseg sont à la phase de codification des suppléants. Cette année, le processus a changé. Une plateforme numérique a été mise en place pour renforcer la transparence dans la gestion des chambres. « Vu le contexte de la pandémie de Covid-19, nous avons jugé nécessaire, avec l’administration du Coud, de créer une plateforme pour permettre aux étudiants de visualiser en ligne s’ils sont titulaires, bénéficiaires ou suppléants par rapport à la codification de cette année », renseigne Mohamed Lamine Fall, premier vice-président de l’amicale de la Faseg. Il a salué la mesure prise cette année par le Recteur de favoriser le critère de l’excellence pour l’octroi des chambres. « Il a pris de nouvelles mesures pour octroyer 70% du quota des codifications aux primo-méritants, c’est-à-dire aux étudiants qui ont eu de bonnes moyennes. Cela va encourager l’excellence au campus pédagogique », explique-t-il. Une première, avoue notre interlocuteur. À son avis, « cela va permettre aux étudiants de savoir que l’amicale a bien fait son travail parce qu’il n’y aura ni magouilles ni de modifications de la plateforme ». Avec cette nouvelle donne, fait-il remarquer, « dès qu’un étudiant est attributaire, c’est officiel, on ne pourra ni l’enlever ni le changer ». C’est plus sécurisé et conforme aux attentes des étudiants, assure-t-il.
À la Faseg, les responsables de l’amicale ont jugé nécessaire de codifier les L1 et L2 en leur octroyant des suppléants. Cela s’explique, selon M. Fall, par le fait qu’ils sont les plus vulnérables et ont le plus besoin de logements. « Les anciens sont imprégnés du système de l’université et sont plus aptes à se débrouiller par rapport aux nouveaux bacheliers », estime-t-il.
Agnès Diouf, étudiante en deuxième année d’anglais a salué cette innovation. « Un léger mieux a été noté cette année avec le nouveau système de codification pédagogique. Avant, on privilégiait le social, ce qui engendrait beaucoup de magouilles, d’injustice et beaucoup d’étudiants ne prenaient pas la peine de codifier. Cette année, la donne a complètement changé. C’est une innovation à saluer, mais il faut améliorer le système », soutient-elle.
Étudiante en deuxième année de droit, Fatou Ndiaye, qui attend le quota social, a salué cette nouvelle mesure qui, croit-elle savoir, garantit la transparence.
Au pavillon F, les étudiants saluent cette mesure. Au-delà, estime Pape Pathé Ndiaye, étudiant en philosophie hébergé par des amis, il reste encore beaucoup de modifications et des travaux à faire dans les chambres. « C’est bon de peindre et d’embellir, mais ça ne suffit pas », soutient-il.
Protocole sanitaire toujours en vigueur
Avec la Covid-19 qui sévit toujours, le protocole sanitaire est toujours en vigueur dans le campus. Les autorités universitaires ont initié une campagne de vaccination sur différents sites, mais la vaccination n’est pas obligatoire.
Pour l’heure, l’optimisme est de mise chez les étudiants. Ils croisent les doigts et espèrent que toutes ces mesures vont garantir la pacification de leur espace et leur permettre d’étudier en toute quiétude.