Cet article a été publié dans le journal LOBS
Redevenir vierge après plusieurs expériences sexuelles n’est plus une affaire de chirurgie. De l’hymen se vend sur le marché. Il s’acquiert entre 50 et 100 000 FCfa. Il suffit juste d’avoir le courage de prendre des risques pour sa santé.
La lune de miel a viré en lune de fiel. Et depuis leur nuit de noces, rien ne va plus entre Anta* et Faly*. «Mon mari se permet de discuter au téléphone avec ses copines devant moi. Il sort et me laisse seule à la maison jusque tard dans la soirée», confie-t-elle. Meurtrie en seulement neuf mois de mariage, la jeune mariée en pleure les larmes de son corps. Pourtant, Faly vouait un amour fou à sa douce moitié. Jusqu’à ce qu’il découvre qu’elle a bâti leur relation sur un tissu de mensonges. En réalité, Anta a toujours fait croire à son fiancé qu’elle était encore vierge. Ce qui n’était que leurre. Soucieuse de garder son honneur devant son mari et sa famille, la jeune dame eut l’idée de retrouver une innocence perdue. Dépourvue de moyens financiers pour se payer une hyménoplastie (opération de chirurgie esthétique et reconstructrice de l’hymen et donc la virginité) qui lui coûterait au bas mot près d’un million de francs Cfa, elle se procure alors un hymen artificiel, suite à quelques investigations menées sur internet. Un packaging constitué d’un gel de resserrement vaginal et d’une capsule de sang. Seulement, elle ne pouvait pas s’imaginer que son époux allait comprendre la supercherie. Qu’il percerait son secret. «Lorsque je me mariais, mon époux était à l’étranger. Je lui ai toujours fait croire que j’étais vierge. Ce qui n’était pas le cas. Puisque j’avais peur qu’il me repousse, j’ai acheté un hymen artificiel. Malheureusement pour moi, il a su que je n’étais pas chaste parce que le plan n’a pas marché. Aujourd’hui, je fais mon maximum pour gagner son pardon, mais rien. Je ne ressens plus aucune affection de sa part, aucune attention. Il m’adresse à peine la parole», témoigne la jeune dame, le regret chevillé au corps. Tout comme elle, le coup d’Adama* a fait flop. Elle qui a casqué 45 000 FCfa pour se payer une seconde virginité. «J’ai commandé un hymen qu’on m’a livré chez une amie à une semaine de ma lune de miel. Le vendeur m’a juré au téléphone que je saignerai. Il m’avait garanti qu’avec cette ovule de sang, mon mari n’y verrait que du feu», raconte-t-elle. Seulement, la boule n’a pas éclaté au moment voulu. «Je faisais confiance au vendeur après tout le discours qu’il m’a sorti et les témoignages de clientes qu’il m’a envoyés. Je croyais que cela marcherait. Mais la boule n’a eu aucun effet pendant toute la relation sexuelle. C’est quand je suis allée pisser que j’ai remarqué de petites traces de sang. Mon mari n’a prononcé aucun mot pendant tout le reste de la soirée. Il ne m’a rien dit à propos de notre nuit de noces, mais je lis de la déception dans son regard et dans son comportement. Je le sens distant», se désole-t-elle.
Dans ce concert de duperie, les plus incrédules mordraient à l’hameçon. Facilement. La supercherie est façonnée de telle sorte qu’elle laisse peu de chance même aux plus judicieux de découvrir le pot-aux-roses. En attestent les fortes assurances données par les vendeurs de ces produits qui pullulent sur les réseaux sociaux, notamment les pages Facebook d’échanges entre femmes. Comme l’indique ce post publicitaire, tiré d’une page Facebook. Des propos qui donnent le courage à celles-là qui sont tentées, mais perplexes. «La virginité est une chose importante dans notre société. Or, beaucoup de jeunes filles perdent la leur pour des raisons diverses, comme lors d’un viol, d’un accident, entre autres. (…) Vous avez la possibilité de redevenir vierge et de préserver votre intimité grâce à cet hymen artificiel.» Une publication illustrée par un drap blanc, tacheté de sang et deux alliances déposées sur le lit. Sans plus d’indication.
50 à 100 000 FCfa pour s’assurer une seconde virginité
Un autre message commercial titré «Hymen artificiel et fermeté vaginale Dakar Sénégal» et publié sur la page d’un site de vente en ligne certifie une totale confidentialité, une discrétion et une tranquillité d’esprit aux potentielles clientes turlupinées par la perte de leur pureté. «Faire croire à sa virginité et racheter son honneur. Voulez-vous vous marier en toute confiance ? Laissez croire à votre partenaire que vous êtes vierge. Voulez-vous surprendre votre partenaire, quelles que soient vos raisons, l’hymen artificiel vous permettra de simuler votre virginité. L’hymen artificiel est la meilleure solution pour retrouver votre virginité. Il a été conçu pour simuler la perte de sang lors de la perte de virginité. Votre partenaire ne remarquera rien.» Pour ce faire, le vendeur propose VirginiaCare. Un coffret composé d’un Revitalize100 (un tube de 60 ml contenant un gel) à appliquer à l’entrée du vagin et qui agit comme un resserre-vagin et de deux capsules de sang à introduire dans l’appareil vaginal. Il livre ainsi plus de détails, dévoile le produit en question et en dit même beaucoup sur le mode d’emploi en images.
Même si ce business commence à foisonner, la plupart des vendeurs n’ont pas une boutique physique. Ils tiennent leur commerce en ligne et uniquement sur livraison. Les clientes, elles, s’en procurent de manière détournée, le plus souvent, grâce à des intermédiaires. Les prix des produits oscillent entre 50 000 et 100 000 FCfa. «Je vends le pack à 60 000 Fcfa. Mais s’il s’agit de l’hymen artificiel seulement sans le gel, le paquet de deux est vendu à 50 000 Fcfa. Le gel sert juste à resserrer. Pour les femmes qui ont eu à entretenir des relations sexuelles et qui veulent retrouver une seconde virginité, il est recommandé de prendre le pack. Les autres qui ont perdu accidentellement leur hymen n’ont pas forcément besoin de resserrage. Il suffit juste de prendre les boules de sang», souffle sous anonymat un vendeur. «Pour plus d’efficacité, le gel s’utilise deux fois par jour, matin et soir, quinze jours avant la nuit de noces. Les capsules sont à insérer dans le vagin une heure trente minutes avant le rapport sexuel. Elles seront dilatées par la chaleur du vagin et vont éclater dès qu’il y a pénétration. Elles vont ensuite laisser sur le drap une texture de sang», ajoute-t-il. L’auteur du post «Hymen artificiel et fermeté vaginale Dakar Sénégal» apporte plus de détails. «La pilule se dissout d’elle-même, sous l’effet de la chaleur du corps et de l’humidité vaginale et crée une membrane qui simule l’hymen et resserre le vagin. Lors de la pénétration, la fausse membrane créée par la pilule se rompt et un liquide rougeâtre, qui simule le sang, se dégage, se propage et tache les draps, simulant ainsi la rupture de l’hymen. La couleur et la texture du faux sang est encore plus réaliste. Vous devez insérer la pilule 45 à 60 minutes avant le rapport sexuel. La sensation qu’en aura votre partenaire sera plus réaliste.» Mais gare à celles qui, par négligence, laissent traîner la boule de sang dans de l’eau. La capsule craint l’humidité. «Il faut éviter d’humidifier la boule avant ou pendant l’application. Dès qu’elle touche l’eau, c’est foutu. Elle éclate aussitôt», recommande Moussa*. Lui, s’active dans le commerce de produits intimes pour femmes depuis plusieurs années maintenant. Aujourd’hui, il a la cote chez les dames et les jeunes filles. Ses produits font fureur sur le net et s’achètent comme de petits pains. Les périodes les plus fructueuses, selon lui, vont du mois d’octobre à décembre. «Il y a beaucoup de mariages durant ces trois mois et de nombreuses femmes me sont recommandées pour l’hymen artificiel», lance-t-il. Pour aider ses clientes à se refaire une chasteté, Moussa propose deux produits confinés dans différents petits pots. L’un contient une poudre blanche avec des soupçons de granules de couleur grises fleurant l’acacia nilotica (nép-nép en wolof). L’autre, une boule de sang bien conditionnée dans une plaquette grise avec une face transparente. Le pack, il le cède à 50 000 FCfa et les femmes se l’arrachent. Pour Moussa, le jeu en vaut la chandelle. «C’est très rare, presque impossible, de l’avoir à ce prix sur le marché. C’est un bon prix et je vous garantis son efficacité», convainc-t-il ainsi ses clientes.
«Une pincée de poudre à mettre tout autour du vagin et une boule de sang pour simuler le saignement»
Le jeune homme dit n’avoir jamais eu de retour négatif. Entre témoignages de satisfaction, prières, il s’enorgueillit de détenir la solution à un problème crucial qui hante le sommeil de plusieurs femmes qui ont du mal à assumer leurs expériences sexuelles. En retour, les maris satisfaits offrent des cadeaux valeureux à leurs épouses qui leur ont offert leur chasteté. Sans se douter de la supercherie. Moussa vend ses produits sans documentation. Aucun renseignement n’est donné sur leurs compositions, ni le mode de conservation encore moins la posologie. Le jeune homme n’a aucune connaissance médicale. Mais il se permet de prescrire lui-même le mode d’emploi. «Il faut nettoyer le sexe et prendre une pincée de la poudre et la mettre tout autour. Cela va piquer un peu. La poudre créé la virginité et la boule de sang simule le saignement.» Au départ, il n’écoulait que la poudre. «La poudre seule assurait le saignement. Elle resserre tout en asséchant le vagin. Ce qui crée une déchirure dès la pénétration. Mais pour plus d’efficacité, j’ai rajouté la boule de sang pour que le saignement soit plus important. Ce n’est pas un mélange qui donne la texture de sang. C’est du sang, du vrai.» Absa*, nouvelle épouse, acquiesce. Ses épousailles ont été sauvées de justesse par sa mère. Pour éviter à sa fille une humiliation certaine. Avec l’aide d’une de ses amies, Safy*, maman de la future mariée, réussit à entrer en contact avec un vendeur qui lui fait parvenir le produit à raison de 55 000 FCfa. Le subterfuge a marché comme sur des roulettes et l’époux n’y a vu que du feu. Sa belle-famille aussi. «Mon vagin avait tellement rétréci que mon époux avait du mal à me pénétrer. C’était tellement réel qu’il y avait une tache de sang sur mon pagne. Après la nuit nuptiale, mon époux, aux anges, m’a offert des boucles d’oreille en or et de l’argent.»
Si sur certains produits, aucune information n’est fournie concernant leur provenance, les distributeurs de la marque VirginiaCare indiquent que les produits sont fabriqués en Allemagne à partir de matériaux naturels et «n’ont aucun effet secondaire». «Vous pouvez utiliser les produits par vous-même, sans avoir à consulter un médecin», renchérit la note. L’idée était d’aller piocher dans l’arsenal de ces produits féminins pour resserrer le vagin et les soumettre à la caution scientifique. Ce qui a été fait ! Après avoir acheté à 50 000 FCFa, le nécessaire, nous nous sommes rapprochés de certains laboratoires d’analyses de Dakar. La réponse, comme une ritournelle, tombait toujours court. «Nous n’effectuons pas ce genre d’analyses» ou «sans documentations, il nous sera difficile de procéder à l’analyse.» Une documentation inexistante pour ces produits qui sont écoulés presque en cachette et que les femmes achètent sans se poser de question sur les conséquences. L’essentiel étant de se tirer de l’embarras. Au prix de leur santé.