De poids social, le divorce est devenu comme une simple rupture dans une aventure quelconque. Pour certains, il est une occasion de jouir d’une nouvelle jeunesse, pour d’autres un rebond. Le regard de la société n’est plus considéré comme avant.
Collé Diakhaté, une vieille dame, va bientôt fêter ses 40 ans de mariage. Elle en est à sa deuxième union. Elle se souvient avec amertume de son premier divorce. « Je ne sortais plus de chez moi. Je suis restée pendant près de six mois sans aller à une cérémonie familiale. J’avais l’impression que tout le monde me regardait », se souvient-elle. Le temps passait et l’information circulait. Même si elle a fini de tourner la page, elle avait du mal à se départir du regard des autres. « À l’époque, la femme qui venait de divorcer était épiée. C’est pourquoi on était obligé de se cacher. Parfois, on mentait sur les véritables raisons qui nous ont poussées à rejoindre la maison familiale », dit-elle. Dans la société sénégalaise, le divorce a toujours été perçu comme un échec. Les concernés, surtout la femme, éprouvaient d’énormes difficultés à rebondir voire à retrouver leur place dans la société. Un poids social lourd que certaines femmes étaient incapables de supporter.
Cette dame, sous le couvert de l’anonymat, se souvient de cette période comme si c’était hier. « J’étais obligée de me réfugier chez une cousine pendant de longs mois. Je ne pouvais pas supporter le jugement des autres. Je m’étais coupée du reste du monde », se rappelle celle qui reconnaît avoir été transformée par cette épreuve. Par le passé, elle aimait s’afficher avec son mari. Mais depuis qu’elle s’est remariée, c’est comme si elle avait restreint son ménage au simple cercle familial. Même pour les cérémonies familiales, elle a du mal à y aller avec son nouveau mari. « J’ai comme l’impression que tous ceux qui me regardent me rappellent que j’ai été partagée par deux hommes. C’est un vrai fardeau », admet-elle.
Griotte d’une célèbre famille pulaar, Coumbel est une des gardiennes de la tradition. Selon elle, la conception du mariage et tout ce qui va avec a considérablement changé. Par exemple, enseigne-t-elle, par le passé, même si le divorce avait été prononcé, les belles habitudes faisaient qu’on ne partageait pas tout de suite l’information. En lieu et place, on parlait plutôt de « problème de couple ». Parce que, dit-elle, le divorce était vraiment très rare.
« Ce n’est quand même pas la fin du monde »
Divorcée à deux reprises, cette dame quadragénaire n’a pas hésité à organiser une fête pour sa troisième union. Entre guirlandes, paillettes, shooting, elle s’en est donné à cœur joie. À ses yeux, divorcer, c’est tourner une page pour en ouvrir une autre. Et la première ne doit en aucun cas impacter sur la dernière. « Le divorce est autorisé au même titre que le mariage. Je ne me suis pas mariée pour subir le jugement des autres. C’est mon choix. Donc si je divorce, je n’ai aucune gêne à me refaire pour un nouvel élan. De toute façon le divorce n’est pas la fin du monde », se défend-elle. Une nouvelle attitude qu’elle partage avec beaucoup de filles de sa génération. Après dix ans de mariage, la couturière Fatou F. s’est séparée de son conjoint. Mais comme si elle prenait « une revanche » sur son ex-mari, elle change de style vestimentaire, se dépigmente et n’hésite pas à animer ses différentes pages sur les réseaux sociaux. Entre photos et vidéos, elle montre clairement qu’elle n’est plus sous les contraintes du mariage. « Il fallait choisir entre se morfondre dans un passé que je ne pourrais jamais refaire et repartir du bon pied. J’ai pris la deuxième option », dit-elle avec une fierté déconcertante. Une sorte de renouveau et « une liberté retrouvée » qui font qu’elle n’envisage pas de se remarier de sitôt. « On ne se marie pas pour mourir à petit feu. Je n’ai aucun regret. C’est le destin qui a valu que ça s’arrête là, mais la vie continue », banalise-t-elle.
Désacralisation du mariage ?
Formatrice dans une école de couture, cette dame se dit dépassée par ce qui se passe. Selon elle, même si le divorce a toujours existé, il constituait un poids social pour les deux ex-partenaires. La preuve, dit-elle, même si l’un d’eux décidait de se remarier, il le faisait avec la plus grande sobriété, parfois même dans une maison avec le maximum de discrétion. Mais aujourd’hui, regrette-t-elle, même des femmes qui ont des filles en âge de se marier se permettent de célébrer leur (re)mariage avec tout un cérémonial. « Il y a quelque chose que notre société a perdu. Je ne sais pas exactement, mais nous ne ressentons plus les mêmes gênes », déplore-t-elle, voile bien serré. .