L’État Islamique a revendiqué une attaque contre une position de l’armée ougandaise. L’attentat, précise le journaliste Wassim Nasr, a été l’œuvre d’une cellule sécuritaire (infiltrée) au quartier de Kawempe.
« Par la Grâce de Dieu Tout-Puissant, un détachement de sécurité des soldats du Califat a fait exploser hier un engin explosif à l’intérieur d’un site de police des croisés ougandais, dans la région de Kawempe, dans la ville de Kampala », lit-on sur le communiqué de l’État Islamique qui date du vendredi 8 octobre. Ce qui suppose que l’attaque qui aurait fait des blessés parmi les forces de police, s’est produite le jeudi 7 octobre.
La presse ougandaise n’en fait pas cas. Sur Twitter, la page officielle de la police ougandaise ne mentionne pas cet incident infirmé dans la foulée par beaucoup de comptes pro-gouvernementaux sur le réseau social. On est tenté de se demander si ce n’est pas une stratégie orchestrée par le gouvernement ougandais pour nier cet événement ? Pour le moment, nous ne disposons pas d’éléments de réponse.
En tout cas si l’attaque s’est produite comme le prétend le groupe terroriste, ce serait sa première action sous la bannière de l’État Islamique en Afrique centrale qui prouve ainsi qu’il peut, à partir de sa branche congolaise, se déployer en Ouganda voisin. Une manœuvre qui ne devrait pas être difficile si on sait que les forces démocratiques alliées, affiliées à l’organisation État Islamique depuis 2019 sont originaires…d’Ouganda.
Créés en 1995 par un Ougandais, Jamil Mukulu, les ADF avaient pour ambition d’instaurer un État Islamique en Ouganda où règne le président Yoweri Museveni depuis 1986. Sous la pression de l’armée, les islamistes se réfugient dans l’Est de la République démocratique du Congo où ils établissent leurs bases en appliquant la Charia.
Mais, ce n’est qu’avec l’arrivée de Musa Baluku à sa tête, que le mouvement se rapproche de l’État Islamique. Le premier communiqué des ADF revendiquant une action au Nord-Kivu en RDC, en tant que nouvelle filiale de l’EI en Afrique centrale date d’avril 2019.
En dehors de la RDC, l’EI est également présent au Mozambique grâce au mouvement des « Shebabs » qui n’ont rien à voir avec les Somaliens du même nom affiliés à Al Qaïda.
Deux mois après la première revendication officielle de l’EI en RDC, les insurgés du Cabo Delgado leur emboîtent le pas, même si leurs actions étaient minimisées voire presque ignorées par la communauté internationale qui ne voyait pas de lien entre le groupe et son parrain en zone syro-irakienne.
Fin mars, le siège de la ville portuaire de Palma, occasionnant plusieurs dizaines de morts et l’arrêt des travaux sur le site gazier de Total à Afungi, qui a fermé cette page de déni international sur la dangerosité de cette branche locale de l’État Islamique. En même temps, la position du gouvernement mozambicain consistant à refuser toute intervention étrangère a évolué. Dans cette perspective, Maputo a sollicité le soutien de Kigali qui a déployé un millier d’hommes au Cabo Delgado.
Les forces armées rwandaises ont très vite pris leurs marques et ont repris début août la ville portuaire de Mocimboa da Praia aux mains des insurgés depuis août 2020. Leur intervention aurait repoussé les « Shebabs » qui constituent l’autre composante de la province de l’État Islamique en Afrique australe dans leurs derniers retranchements. Cela ne signifie pas pour autant que le groupe a dit son dernier mot.
Début octobre, Kigali a affirmé avoir démantelé une cellule liée à l’État Islamique qui s’apprêtait à commettre un attentat. Une dizaine de personnes dont une femme ont été arrêtées avec du matériel de confection d’explosifs.
Le rapport de cause à effet entre l’engagement des troupes rwandaises au Mozambique et ce projet d’attentat déjoué à Kigali est difficile à écarter. L’attentat de Kampala qui n’est pas encore confirmé par les autorités peut également être analysé sous cet angle. Mais ce qui devrait préoccuper les décideurs, c’est la capacité du groupe à se développer en dehors du nord-est congolais et de la partie nord du Mozambique. Et si cette pression permettait à l’État Islamique d’accélérer son projet expansionniste en Afrique centrale ?