Il arrive parfois que le destin songe à nous choyer en mettant sur notre chemin un indétrônable guide spirituel qui peut s’avérer l’idéale compagne d’une vie comblée (Mbegté) dans ce monde d’ici-bas et dans l’au-delà, un homme hors du commun doté d’un certain nombre de qualités intrinsèques qui, à coup sûr, forcent le respect et l’admiration de tout un pays mais surtout mérite une très grande vulgarisation pour que son inimitable exemple fasse tâche d’huile pour la génération actuelle marquée malheureusement par « L’ère du vide »(Gilles Lipovetski).
Ce joyau de la sainteté pour reprendre le titre du livre d’ *Ahmadou Khadim Sylla*, fondateur de la ville sainte est considéré comme une *référence fondamentale* ( d’après l’hommage de Mamadou Dia en 1957) de par son enrichissement inappréciable de notre patrimoine spirituel et de notre autonomie culturelle.
En cette veille du grand Magal Touba célébrant son départ à l’exil, nous nous efforcerons de retracer sans être exhaustif le parcours exceptionnel de ce saint en l’absence de qui, selon Cheikh Moussa Kâ dans son livre : *Jasaa u sakóor géej gi*: *Tous les wolofs se seraient occidentalisés et au nom de Dieu ils seraient tous jetés en enfer* parce qu’il est question d’un surhomme qui a : *engrangé l’ensemble des dons de Dieu* ( Huztu mawahibal ilahi tur rane ).
Durant son séjour terrestre Khadimoul khadim a toujours refusé d’aller à l’encontre de la facilité et de la compromission envers l’occupant car étant conscient à juste titre que : *C’est par ces âpres chemins qu’on monte au trône élevé de l’immortalité d’où jamais on ne redescend*. Nous estimons que nous autres sénégalais devons une grande part de reconnaissance au fondateur du mouridisme pour nous avoir enseigné une identité et surtout une volonté de se définir par rapport à nos propres valeurs en s’opposant pacifiquement à toutes les influences étrangères avec l’émergence de *la figure du nouveau talibé* ( Bassirou Dieng : Société wolof et pouvoir du discours 2008).
Ayant trouvé une société dominée par les valeurs du Ceddo notamment un univers où règnent l’arbitraire, les razzias, l’injustice, la violence gratuite et l’éthique de l’accaparement, le cheikh n’a jamais cessé d’appeler les hommes de son temps à se tourner exclusivement vers Dieu en prêchant la non-violence (dépassant de loin Mahatma Gandhi, Abdoul Gaffar khan, Martin Luther King), la quête du savoir ( Kun katiman), le culte du travail ( Massilikul jinaan), le courage pacifiquement (Quand je pense à toutes les souffrances que le blanc m’a fait subir, il me prend l’envie de prendre les armes mais le Prophète (psl) me l’interdit) et surtout la foi en Dieu( *Je ne crains que Dieu, je porte mes espoirs en Dieu, rien ne me suffit si ce n’est la religion et la science*) faisant de lui *A peacemaker for our time* ( d’après le livre de Michelle R. Kimball ). Cette doctrine de la non-violence a provoqué une véritable ruée vers le cheikh ( Bassirou Dieng : Du Ceddo au talibé) que la raison n’arrive pas à expliquer.
D’ailleurs, Mbaye Gueye Syll dira à ce propos : *Ce cheikh Ahmadou Bamba détient certes une puissance innée dont la raison ne parvient pas à saisir la source et expliquer la capacité de forcer la sympathie : la soumission des hommes*. Cette sympathie et cette soumission des fidèles étaient une pilule très amère pour le colon jaloux de cette marée humaine, voilà pourquoi il avait concocté un plan tiré par les cheveux pour le contraindre à l’exil.
Nonobstant cette machination de distorsion et d’altération de la vérité, khadimoul khadim a su adopter une démarche honorable en étant grand dans la solitude, humble et confiant dans la servitude d’Allah en accomplissant sa mission avec la certitude que Dieu en qui sa confiance totale et absolue est Le Seul Maître de son destin.
En ce mois de Safar, nous tenons à rendre un vibrant hommage à celui qui a accepté son destin dans l’honneur et la sérénité, qui a vécu sa longue traversée du désert dans la forêt de Mayombé. Voilà pourquoi il demeure incontestablement une valeur sûre, un élu de Dieu, le serviteur éternel du Prophète (psl) bref un trésor d’une très grande valeur.