Il y a un an, le rappeur Akon lançait au Sénégal, son pays d’origine, « Akon City », son projet de ville futuriste. Mais depuis, le chantier ne s’est pas matérialisé et les habitants s’interrogent sur les retombées espérées.
Sur le site, à Mbodiène, sur la côte atlantique, à une centaine de kilomètres au sud-est de Dakar, la pancarte montrant des constructions aux formes fantasmagoriques posée sur la première pierre s’est détachée.
« On n’a pas encore vu grand-chose », soupire Jules Thiamane, 35 ans, qui travaille dans le tourisme. « C’est un début de déception » pour la population du village par rapport aux promesses de la cérémonie d’inauguration, résume-t-il.
De son vrai nom Alioune Badara Thiam, le chanteur et producteur américano-sénégalais de 48 ans, connu pour ses tubes R&B « Locked Up » ou « Smack That », est aussi impliqué dans l’énergie solaire avec son entreprise Akon Lighting Africa.
Il avait annoncé le début des travaux d' »Akon City » pour le « premier trimestre de 2021 ». A l’époque, le ministre sénégalais du Tourisme, Alioune Sarr, avait dit vouloir faire mentir les « Cassandre et oiseaux de mauvais augure qui voient toujours les nouveaux projets comme des chimères ».
Mais sur place, les habitants en sont réduits aux conjectures sur l’avancement du projet, dont la première phase doit être achevée en 2023.
Un étudiant, Ahmeth Deme, se demande s’il n’a pas purement et simplement été abandonné, tandis que David Seck Sène, président de l’association des jeunes du village, ne « voit pas comment un projet de ce genre pourrait s’arrêter du jour au lendemain ».
L’adjoint au maire de la commune dont Mbodiène fait partie, Badara Diakhaté, se montre compréhensif. « Il y a aussi ce contexte mondial du Covid », hasarde-t-il, « il y a des temps forts et des temps faibles ».
« Les gens aiment que les choses avancent », ajoute-t-il.
– De l’obscurité à la lumière –
Il faut dire qu’avec son hôpital, son casino, son stade, son centre commercial, ses logements, ses bureaux et restaurants, le projet, d’un coût estimé de 6 milliards de dollars, a de quoi faire tourner la tête des habitants et des Sénégalais en général, dont 40 % vivent sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.
« C’est un grand (progrès) pour nous », se félicite Philomène Bamimba, qui dirige une association locale de femmes.
Un représentant de l’équipe d’Akon n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP. Mais Paul Martin, en charge du projet au sein de l’entreprise KE International, basée aux Etats-Unis, a affirmé que les travaux débuteraient effectivement en octobre.
« Les 12 premiers mois ont été consacrés à la planification, aux autorisations, aux passations de marchés et au recrutement de sous-traitants », a-t-il expliqué.
KE International, qui a remporté le marché de construction d' »Akon City », achève la réalisation d’une cité similaire au Kenya, d’un budget également évalué en milliards de dollars, pour le compte de l’homme d’affaires kényan Julius Mwale, partenaire d’Akon.
Des sommes bien moins astronomiques suffiraient à transfigurer le quotidien de Mbodiène.
« On aimerait que la zone soit éclairée, qu’il y ait de l’eau, qu’il y ait des routes, qu’il y ait de l’assainissement alors qu’au village c’est l’obscurité », souligne l’adjoint au maire, qui plaide pour une formation de la jeunesse locale afin de pourvoir les futurs emplois générés par « Akon City ».
« Je pense que les gens savent que ce projet va changer le village, changer la commune », dit-il, « et il faut se préparer par rapport à ça ».