Quand le chanteur sénégalais Oumar Pène, vers la fin des années 80, parlait, dans l’une de ses chansons, de Beyrouth comme « une terre où les gens meurent », c’était au plus profond de la guerre du Liban. Un conflit qui a duré des décennies et mobilisé une partie du monde pour sa résolution. Plus de 30 ans après, le souhait d’Oumar Pène ne s’est toujours pas réalisé, lui qui, dans sa chanson, avait appelé les Nations unies, la Ligue arabe, l’Organisation de la conférence islamique (Oci), l’Église, l’Organisation de l’unité africaine (Oua), ancêtre de l’Union africaine (Ua), à faire taire les armes avant que « Beyrouth ne se meurt ».
La guerre du Liban est finie, mais les braises qu’elle a laissées continuent de brûler ce pays et sa capitale, Beyrouth. L’accident avec l’explosion du nitrate d’ammoniac au port de Beyrouth, il y a un an, et qui avait fait 214 morts et plus de 6500 blessés, est là pour montrer que les fumées de malheur ne se sont pas dissipées et que le ciel est toujours assombri pour ce pays qui était considéré comme « La perle du Moyen-Orient ».
Bien avant cette terrible explosion dont les images dévastatrices et destructrices ont fait le tour du monde, le Liban a connu aussi des évènements malheureux et douloureux comme l’assassinat, en 2005, du Premier ministre d’alors, Rafiq Hariri, ou encore la guerre entre Israël et le mouvement chiite Hezbollah en 2006. Ainsi, depuis la fin de la guerre, en 1990, c’est une succession de crises économiques et des tensions politiques sur fond d’une instabilité régionale que vit ce pays.
Le Liban est au cœur d’une grande complexité d’un Orient qui n’a jamais été aussi simple comme le disait le Général De Gaulle. Ce pays, composé d’une mosaïque confessionnelle et communautaire, souvent antagonique et clanique, n’est toujours pas arrivé à construire un vrai État où les Libanais se retrouvent. D’où cette dernière instabilité politique avec presque trois Premiers ministres qui se sont succédé, en une année, à la tête du Conseil des Ministres.
La situation actuelle au Liban est symptomatique des contradictions et tensions que traversent le Moyen-Orient. Contradictions et tensions sur fond religieux. La rivalité/dualité entre islam sunnite et chiite qui a marqué la religion musulmane est toujours latente et présente dans la société libanaise, mais aussi dans la classe politique et, par ricochet, dans la gestion de l’État. Les pays tenants de ces courants, l’Arabie saoudite et l’Iran, vieux rivaux dans le monde musulman, prolongent leurs confrontations et contradictions au Liban où chacun a ses pions et boutons à actionner dans la classe politique.
MOBILISATION ET RECONSTRUCTION. Aujourd’hui que le Liban est encore au creux de la vague et dans des eaux difficiles, il aura plus besoin d’une bouée de sauvetage. La mobilisation internationale, initiée par le Président français Emmanuel Macron qui a été l’un des premiers dirigeants du monde à se rendre au Liban après l’explosion d’août 2020, sonne encore comme un appel et un rappel à la reconstruction de ce pays qui va de dévastation à une implosion et, peut-être, une explosion de la colère populaire intenable. La France a ainsi promis, dans les 12 mois, 100 millions d’euros de « nouveaux engagements, en appui direct à la population ». Ainsi, cette mobilisation internationale a généré une promesse de 370 millions de dollars pour couvrir les besoins immédiats de la population. Le Liban, c’est aussi une forte et dynamique diaspora éparpillée dans les parties du monde surtout en Afrique subsaharienne (Sénégal, Côte d’Ivoire). Cette forte diaspora doit aider à la reconstruction du pays qui a aussi besoin d’un sursaut national surtout de sa classe politique qui doit pouvoir dépasser les rancœurs provoquées par les dissensions confessionnelles et communautaires. Ce sont ces chantiers qui ouvriront les sentiers menant à une paix durable et viable au Liban. Sans cela, les vœux exprimés par le chanteur sénégalais Oumar Pène, qui espérait voir un jour que « Beyrouth ne soit pas un mouroir », ne se réaliseront pas…