Fort d’un engagement républicain et citoyen dans la lutte contre la Covid-19, le Professeur Mame Thierno Dieng, médecin-dermatologue à l’Ucad (Sénégal), a préféré « Le Témoin » pour une Tribune aux allures d’un excellent cours magistral. Car il rappelle aux personnels soignants ou traitants les règles de bonne prescription des médicaments :
« Je rappelle que la covid19 est une maladie virale donc pas du tout justiciable d’une antibiothérapie qui, par définition, s’adresse aux maladies bactériennes. Ainsi donc, les antibiotiques que l’on prescrit aux malades de la covid19 sont, non pas pour le virus, mais pour les surinfections bactériennes bien classiques dans toutes les infections virales des voies respiratoires. Comme on sait que ces surinfections sont le fait des staphylocoques et/ou des germes intracellulaires, on prescrit volontiers des macrolides ou apparentés pour ces cas. Le choix de l’azithromycine est motivé par son efficacité, sa très bonne concentration intracellulaire et sa courte durée (3 jours) de prise qui en améliore la compliance.
L’azithromycine ne peut pas être le traitement du virus mais de la surinfection bactérienne. Aucune leçon de maladie infectieuse n’enseigne la prescription d’un antibiotique pour une maladie virale non compliquée d’une surinfection bactérienne dont on a fait la preuve par des moyens appropriés. C’est aussi délirant et très dangereux de prescrire l’antiparasite et photoprotecteur qu’est l’hydroxychloroquine dans une maladie virale; ce d’autant que sa longue utilisation dans beaucoup de maladies dermatologiques en fait découvrir les graves et mortelles torsades de pointe que tous les cardiologues connaissent bien.
Il est établi que beaucoup de vieux malades de la covid19 sont morts, non pas de leur infection, mais d’une torsade de pointe imputable à la prise d’hydroxychloroquine. Les scientifiques qui étaient les farouches défenseurs de cette molécule dans la covid19 ont, indubitablement, eu un comportement antiscientifique.
Les innombrables canaux de communication et l’influence de la presse dans le contexte actuel ne doivent pas nous faire oublier les règles qui doivent sous-tendre les bonnes prescriptions médicales qui sont celles qui se basent, non pas sur les opinions des « experts », mais sur des faits prouvés par une bonne méthodologie. C’est le principe de « evidence based medecine » des anglo-saxons que les francophones traduisent, très infidèlement, par la médecine basée sur le niveau de preuves.
Le respect d’une démarche scientifique rigoureuse
Ce ne sont ni la discipline, ni l’instrumentation qui font la bonne science mais c’est la démarche qui se base sur les faits qui donne à la science toute sa noblesse et sa puissance. Poincaré précise qu’on « fait de la science avec les faits comme on construit une maison avec des pierres, mais une accumulation des faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison. C’est la façon d’agencer les pierres qui fait la maison et celle des faits, la science ».
La bonne pratique clinique est une démarche scientifique rigoureuse que nous nous devons de respecter pour la sécurité exclusive de nos semblables victimes d’une quelconque maladie. La cacophonie entendue dans la covid19 nous appelle à cette indispensable introspection qui doit guider nos décisions sur nos malades. Albert camus : « mal nommer la chose, c’est ajouter aux malheurs du monde et ne pas les nommer, c’est nier l’humanité. » On a rarement bien nommé les choses dans la covid19 et on a beaucoup ajouté aux malheurs du monde actuel. Amitiés à tous ! »
Pr Mame Thierno Dieng
Professeur agrégé de Dermato-vénérologie à la Faculté de médecine de l’Ucad
(« Le Témoin » quotidien sénégalais)