La tricherie, très répandue au baccalauréat en Afrique, reste une équation difficile pour les États du continent. Coupure internet, menaces, prison, brouillage téléphone, aucune méthode n’arrête les candidats, confrontés à un taux d’échec trop élevé.
Un étudiant qui se déguise en femme à Diourbel pour passer les épreuves du baccalauréat à la place de sa copine. Voilà la dernière trouvaille au Sénégal, lors de la session normale du bac organisé en fin juillet 2021. Et depuis, les faits ne cessent d’être commentés dans les médias et sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, l’étudiant et la candidate ont été placés sous mandat de dépôt, lundi 2 août.
Au même moment, des candidats sont arrêtés à Pékesse (Thiès) parce qu’ils regardaient sur leur téléphone le corrigé de l’épreuve de philosophie, partagé dans un groupe WhatsApp. Ces deux exemples sont assez révélateurs de la présence de la fraude lors des examens du baccalauréat au Sénégal, mais aussi en Afrique.
D’ailleurs, le pays de la Téranga fait office de bon élève en la matière, au vu de ce qui se fait dans certains pays africains où la tricherie se fait à grande échelle.
En Côte d’Ivoire, les examens ont démarré le lundi 5 juillet dernier. En déplacement au Lycée moderne Konan Camille d’Adiaké pour le lancement officiel des épreuves, le ministre de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation a loué l’exemple du Sénégal où elle a séjourné récemment pour s’inspirer des méthodes antifraude. « Au Sénégal où nous sommes allés, il n’y a eu que trois cas de fraude (en 2020) qui sont considérés là-bas comme un sacrilège. (…) Il faut qu’il en soit de même en Côte d’Ivoire », exhorte Pr Mariatou Koné.
Selon elle, 16 000 cas de fraude ont été recensés au bac en 2020 en Côte d’Ivoire. « Cela est trop et il faut que cela s’arrête », s’exclame-t-elle. En 2019, il y a eu 6 000 cas de fraude, avec parfois des actes de violence.
En Algérie où les examens du baccalauréat ont eu lieu en juin dernier, 31 personnes ont été condamnées à des peines allant de 6 mois à 3 ans ferme, suite à des cas de fraude signalés dans 15 préfectures (Wilayas) du pays. Selon un communiqué du ministère de la Justice rapporté par l’Afp, 81 personnes ont été poursuivies, 40 placées sous mandat de dépôt et 13 faisant l’objet de contrôle judiciaire.
Les méthodes radicales au Maghreb
En réalité, le phénomène est très présent au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Au Maroc, 343 individus soupçonnés de fraude au bac ont été interpelés en juillet dernier. En Tunisie, plusieurs cas de fraude à l’échelle nationale ont été recensés dès le 16 juin 2021, date de démarrage des épreuves. Un sujet de philosophie s’est retrouvé sur les réseaux sociaux, quelques minutes après le coup d’envoi. Le ministère de l’Education dit avoir déposé 30 plaintes contre des administrateurs de pages Facebook. A Siliana, tout un réseau de fraude a été démantelé par les unités sécuritaires.
Face à ce phénomène, les pays du Maghreb utilisent des méthodes drastiques, parfois radicales pour lutter contre la fraude. C’est le cas de l’Algérie depuis 2016 où elle a connu une fuite massive de sujets sur les réseaux sociaux. Alger bloque désormais toutes les applications de partage et coupe même la connexion durant les épreuves, quitte à pénaliser plusieurs secteurs de l’économie. Certains de ses centres d’examen sont équipés de vidéosurveillances.
En Tunisie également, des dispositifs sophistiqués sont mis en place pour lutter contre la triche utilisant les moyens de communication modernes. « Nous avons décidé cette année de munir les centres d’examens de 400 brouilleurs de téléphones mobiles supplémentaires », annonçait, en mai, le directeur des examens, Omar Ouelbani.
Au Maroc, les menaces du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Mohamed Hassad sont sans équivoques. « Je conseille aux élèves malintentionnés de mieux préparer leurs examens au lieu de se retrouver derrière les barreaux », prévenait-il. A signaler que le Royaume a modifié sa législation pour prévoir des peines de prison ferme contre les fraudeurs.
Un taux d’échec de 60 à 70%
En Afrique subsaharienne, la situation est pareille. Au Burkina Faso, deux candidats soupçonnés de fraude au bac ont été envoyés en prison le lundi 12 juillet. Le littéraire et le scientifique qui étaient assis côte à côte devaient échanger leurs copies pour s’aider mutuellement. Mais le littéraire n’a pas respecté sa part du contrant en allant directement déposer sa copie après avoir bénéficié du travail du scientifique. Les agissements de ce dernier ont attiré l’attention des surveillants.
Au Niger, l’Office du Baccalauréat du Niger (OBN) s’est réuni, le samedi 31 juillet 2021, avec la Haute autorité à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) et les présidents des jurys du baccalauréat pour préparer la session à venir.
Pourquoi cette propension à la triche ? La principale raison coule de source : le faible taux de réussite. En Afrique subsaharienne, les 64,42% de taux de réussite au Bénin en 2021 restent une exception, y compris Bénin où le taux de réussite atteint difficilement 50%. En vérité, le taux de réussite dans ces pays se situe entre 20 et 40%. Il atteint même difficilement les 40%, comme en témoignent les 29% de la Côte d’Ivoire cette année. Le taux d’échec se situe donc entre 60 et 70% chez les candidats au bac.
Au Maghreb, la situation est similaire en Tunisie qui peine à atteindre 40%. Par contre, le taux de réussite est bon au Maroc (81% en 2021, 79% en 2020 et 78% en 2019) et acceptable en Algérie avec 61,17% cette année contre 55% en 2020 et 54% une année plus tôt.
Avec de tels taux d’échec, le baccalauréat reste encore un luxe en Afrique. Face à l’angoisse, les candidats sont toujours tentés par la fraude, rendant inopérantes les différentes mesures dissuasives.