L’article 279-1 de la pernicieuse loi que vous avez fait voter la semaine dernière qualifie d’acte de terrorisme tout acte commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but d’intimider une population, de troubler gravement l’ordre public ou le fonctionnement normal des institutions nationales et internationales, de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte quelconque par la terreur.
Cet article, dans toutes ses dimensions, vise le commun des humains, c’est-à-dire celui qu’on appelle « Le justiciable ». Vous me direz que c’est normal, car quiconque enfreint les règles, s’expose aux sanctions aussi dures soient-elles.
Une autre lecture de ma part m’oblige à élargir les cibles de cette loi. Les actes des Présidents ou Dirigeants d’Etat, sont-ils pris en compte par cette disposition de la loi ?
En effet Monsieur le Président ! J’imagine déjà une levée de boucliers face à mon interpellation que certains jugeront cocasse, mais dans le fond elle tient. Les citoyens sont capables d’actes terroristes tout comme ceux qui les dirigent. Un Président de la République peut intentionnellement, en relation avec un ou plusieurs groupes, intimider son peuple, troubler gravement sa quiétude, troubler le fonctionnement des institutions par de vils procédés politiques, contraindre un gouvernement, le législatif ou pire le judiciaire, ou une organisation à accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte.
J’emploierai ici quelques exemples pour étayer mon argumentaire et faire comprendre qu’être à l’initiative de la loi n’exclut pas forcément d’être en marge de cette même loi.
- Quand un Président, dans son mandat, emploie la violence d’état pour des arrestations arbitraires au motif de l’article 80, mène des « liquidations » d’adversaires politiques, exerce de multiples tentatives de musèlement de l’opinion populaire, procéde à la mise hors circuit de candidats à une élection par le système de parrainage, il est dans une entreprise individuelle et collective, parce qu’aidé en cela par son administration, d’intimidation des populations qu’il dirige.
- Quand un Président, dans son mandat, réprime sans retenue ou interdit toute manifestation publique visant à se complaindre de sa gouvernance, loue les services d’une milice politique pour se déchainer sur les manifestants, il est dans une entreprise individuelle et collective, parce qu’aidé en cela par son administration, de troubler gravement l’ordre (quiétude) public.
- Quand un Président, durant son mandat, démet la Présidente de l’OFNAC de ses fonctions sous prétexte qu’elle a publié les résultats du rapport faisant état de la corruption au sein de son administration, il est est dans une entreprise individuelle de troubler le fonctionnement normal d’une institution nationale.
- Quand un Président, durant son mandat, refuse d’appliquer des décisions d’institutions supranationales, parce que prononcées en sa défaveur, préférant se réfugier derrière la surprenante souveraineté judiciaire, il est dans une entreprise individuelle et collective, parce qu’aidé en cela par son administration, de contraindre une organisation à ne pas accomplir dans sa complétude l’acte qui sied.
Je connais quelque part en Afrique de l’Ouest un pays où le Président ne se refuse aucune de ces pratiques énumérées ci-dessus pour, dit-il, conduire ses concitoyens vers l’émergence.
Ma conscience, après le vote de ce projet de loi n°10/2021 modifiant la loi 65-60 du 21 juillet 1965, m’oblige à dire que des Présidents chercheront par le biais des textes à punir à la réclusion criminelle des terroristes en refusant de croire qu’ils devaient être les premiers à subir les foudres de cette loi car aux yeux de leur Peuple, ils apparaissent comme terroristes.
Les explications infirmes que votre garde des sceaux a pitoyablement tenté d’apporter quant aux motivations de cette loi imposent la question suivante : Monsieur le Président, selon votre texte de loi votée par votre Assemblée Partisane, le jeune Cheikh Wade, tué par une balle des forces de sécurité lors des récentes manifestations pour la démocratie, serait donc un terroriste ?
J’espère que votre quête démesurée de repression de l’opinion populaire n’endiguera pas votre devoir d’instruire la justice pour que la lumière soit faite sur les 14 victimes des évènements de février-mars 2021. Lesquels événements ont fini de montrer qu’un régime peut passer de terrorisé à terroriste.
Ousseynou LY
Membre SN COM PASTEF
SG PASTEF Médina