L’ancien président zambien Kenneth Kaunda, décédé jeudi à l’âge de 97 ans, était le dernier survivant des « pères de l’indépendance » d’Afrique subsaharienne. Surnommé « le Gandhi africain » pour son militantisme indépendantiste non violent, il devient le premier président de la Zambie indépendante en 1964. Il dirige le pays pendant 27 ans sous un régime de parti unique. En 1991, après de violentes émeutes, il accepte des élections libres et est battu. Il ne fut pas le seul à se maintenir longtemps au pouvoir.
Premier Président de la Zambie, Keneth Kaunda est resté au pouvoir pendant 27 ans, un long règne en grande partie placé sous un régime de parti unique . Se réclamant du socialisme et proche de Moscou, il a collectivisé des fermes et nationalisé les riches mines de cuivre et d’autres secteurs-clefs, au grand dam des propriétaires étrangers. Mais la mauvaise gestion , les dettes et la chute des cours du cuivre ont fini par mettre en échec la « zambianisation » du petit pays et provoquer une grave crise économique et sociale.
En 1986, des manifestations de la faim secouent la « Ceinture de cuivre » , la région minière au nord de Lusaka et sa popularité décline dans le pays. Se décrivant lui-même comme « un humaniste chrétien » , Kenneth Kaunda fut l’un des plus fermes opposants au régime raciste d’apartheid en Afrique du Sud et a offert une solide base arrière au Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela , qui organisait depuis Lusaka la lutte armée contre le pouvoir blanc.
Luttes de libération
Kenneth Kaunda a aussi apporté aussi un soutien actif aux luttes de libération dans toute l’Afrique australe. En 1990, de violentes émeutes, sur fond d’autoritarisme croissant, l’obligent à se résigner au multipartisme. Il perdra les premières élections démocratiques en 1991, face au syndicaliste Frederick Chiluba . « C’est ça le multipartisme, un jour on gagne des élections, un jour on en perd, ça n’est pas la fin du monde » , avait-il dit à la télévision, au lendemain de sa défaite.
Cette sagesse dans la défaite n’est toutefois pas partagée par d’autres pères de l’indépendance. Certains se seront même dévoyés, touchés par l’usure du pouvoir ou poussés de gré ou de force au départ. Quelques exemples sont listés ci-dessous :
Kwame Nkrumah (Ghana)
Né en 1909, il lutte à la fois pour l’indépendance de la colonie britannique « Gold Coast » et le panafricanisme , en prônant la création des « Etats-Unis d’Afrique » . Premier ministre à l’indépendance en 1957, il devient Président du Ghana en 1960 et impose un véritable culte de la personnalité , se faisant appeler « l’Osagyefo » ( « Le Rédempteur » ). Destitué lors d’un coup d’Etat en 1966, il meurt en exil en Roumanie en 1972.
Ahmed Sekou Touré (Guinée)
Seul dirigeant nationaliste africain à avoir dit non au référendum sur la communauté franco-africaine proposé par Charles De Gaulle , il a gouverné d’une main de fer la Guinée depuis son indépendance, en 1958, jusqu’à sa mort, en 1984 aux Etats-Unis.
Léopold Sédar Senghor (Sénégal)
Premier Président du Sénégal en 1960, surnommé le poète-président , il quitte volontairement le pouvoir 20 ans plus tard, avant de se retirer en France, où il meurt en 2001 à 95 ans. Comme d’autres acteurs clé de la décolonisation en Afrique francophone , Léopold Sédar Senghor avait participé à la vie politique française , tout en militant pour l’émancipation de son pays.
Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire)
Ancien député et ministre français, il a dirigé sans partage la Côte d’Ivoire de l’indépendance, en 1960, jusqu’à sa mort en 1993. Celui qu’on appelait « Le Vieux » a été l’un des pionniers de la lutte pour l’ émancipation de l’Afrique .
Modibo Keïta (Mali)
Cet ancien instituteur, devenu le premier vice-président africain de l’ Assemblée nationale française , proclame, le 22 septembre 1960, l’indépendance de l’ancien Soudan français , qui devient République du Mali . Il en prend la présidence et engage une politique socialiste. Il sera renversé huit ans plus tard par le lieutenant Moussa Traoré et placé en détention, où il mourra en 1977.
Julius Nyerere (Tanzanie)
Il fonde en 1954 le parti indépendantiste Tanu (Union nationale africaine du Tanganyika). Adepte d’un socialisme à l’africaine , le père fondateur de la Tanzanie , surnommé « L’Instituteur » , dirige le pays de 1961 à 1985. Il quitte de lui-même le pouvoir et meurt à Londres en 1999.
Jomo Kenyatta (Kenya)
Ancien militant indépendantiste emprisonné plusieurs années, il dirige le Kenya de l’indépendance en décembre 1963 à sa mort, en 1978. Jomo Kenyatta, en fait son surnom, signifie « Javelot flamboyant du Kenya ». Son fils Uhuru, éduqué aux Etats-Unis, a été à son tour élu président en 2013 puis en 2017, après un scrutin boycotté par l’opposition.
Kamuzu Banda (Malawi)
En 1966, Hastings Kamuzu Banda, alors Premier ministre, devient premier président du Malawi , exerçant un pouvoir sans partage pendant trois décennies. En 1993, sous la pression internationale, il doit accepter un référendum sur le multipartisme et est battu en 1994 lors des premières élections démocratiques. Il meurt en Afrique du Sud trois ans plus tard.
Samora Machel (Mozambique)
Après avoir lutté contre la puissance coloniale portugaise à la tête du Frelimo , mouvement marxiste, il devient en juin 1975 le premier président du Mozambique. Il meurt en octobre 1986 quand son avion s’écrase en Afrique du Sud dans des circonstances non élucidées .