Nous sommes en plein dans le Ramadan au Sénégal. En cette période du mois béni, comment les chauffeurs de transport en commun, les receveurs des bus, les rabatteurs ou «coxeurs» et autres acteurs de ce secteur s’accommodent-ils avec le jeûne, surtout les heures de rupture en pleine circulation ? Pour en savoir plus, Sud Quotidien est allé à la rencontre des concernés dont les avis sont partagés.
Gare routière de Keur Massar, dans la banlieue de Dakar. Il est presque midi. Ici, l’ambiance n’est pas au rendez-vous, c’est le calme total en cette période de Ramadan qui n’est qu’à ces débuts ; on entend uniquement les bruits du grondement des moteurs de voitures.
A l’intérieur, des centaines de cars ‘’Ndiaga Ndiaye’’ attendent chacun tour au tableau des départs, selon la destination choisie dans Dakar : Pétersen, Colobane, Grand Yoff, Fann, Ngor-Yoff ou Mbao. L’attente est tellement longue et pour patienter, certains chauffeurs se sont réfugiés dans leurs véhicules. C’est le cas de Hamidou Ba, la trentaine, trouvé dans sa voiture. Interpellé sur comment il s’accommode, entre les exigences de son travail de transporteur en commun et le jeûne du Ramadan, il répond : «nous travaillons avec système parce que les activités en temps de Ramadan et avant le jeûne, ce n’est pas la même chose. Comme nous travaillons avec système, pendant le Ramadan, notre horaire de travail diminue. Parce que les clients ou les passagers vont au travail très tôt et descendent aussi très tôt. Donc, de ce fait, nous sommes obligés de faire comme eux, de nous lever tôt pour aller travailler et de descendre aux mêmes heures que les clients. D’autant plus qu’à une certaine heure de la rupture du jeûne il n’y a pas de clients. Et après la rupture du jeûne, il n’y a plus de client. C’est pourquoi on fait le tout pour descendre en même temps qu’eux, avant l’heure de la rupture. Ce qui nous permettra d’aller stationner, de rentrer à la maison pour rompre le jeûne avec la famille et profiter de l’occasion pour se reposer un peu. Nous n’avons pas les mêmes heures, certains se réveillent pour aller au travail 4h ou 5h du matin et d’autres à 6h ou 7h», a expliqué le chauffeur de car ’’Ndiaga Ndiaye’’. Toutefois, il arrive que l’heure de la rupture du jeûne, les trouve en pleine circulation.
Le jeune chauffeur de faire comprendre que ce n’est pas problème. «Maintenant, si la rupture du jeûne nous trouve en pleine circulation, cela n’est pas un problème parce que nous sommes au Sénégal. Car, où que tu sois à l’heure de la rupture du jeûne, forcément tu vas rompre le jeûne ; nous sommes des ‘’Baye Fall’’.» Certes, ajoute Hamidou Ba, «rompre le jeûne avec la famille, c’est encore mieux. Mais si nous nous absentons parfois, ils doivent comprendre que c’est à cause du travail. Donc, la famille doit savoir que c’est le travail qui nous a retenu.»
ENTRE DIFFICULTES ET GAIN DE TEMPS
Mais, pour son collègue Moussa Ngom, pendant le Ramadan, le travail n’est pas facile. «Pendant le Carême le travail est très difficile parce qu’à cause du jeûne, beaucoup de gens ne vont pas au travail. Parce que pendant le Ramadan, la plupart de gens ne rompent pas le jeûne chez eux». Et concernant l’heure de rupture du jeûne, en plein trafic routier, ce chauffeur de car ‘’Ndiaga Ndiaye’’ aborde dans le même sens que son prédécesseur. «Nous n’avons pas de problème pour ça, il y a des gens bon qui sont dans la rue et qui partagent le ‘’ndogou’’ (rupture, gratuitement). C’est pourquoi, quand l’heure de la rupture nous trouve en pleine circulation, ces gens nous donnent à boire à manger. Malgré qu’on ait préféré être en famille pour couper le jeûne, c’est mieux. Mais on n’y peut rien, la situation oblige».
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Par contre, pour Babacar Ndiaye ‘’Coxeur’’ on peut bien allier jeûne du Ramadan et travail de transport en commun car c’est deux choses qui n’ont rien à avoir. «C’est comme si quand on jeûne on est plus à l’aise car rien n’empêche de travailler correctement. En plus, le matin quand nous venons au travail, il n’y a pas de petit déjeuner ni de déjeuner à prendre, mais seulement le ‘’ndogou’’. Et après la coupure du jeûne, il n’y a rien à faire, nous rentrons à la maison. De ce fait, on peut dire que le Ramadan nous aide beaucoup dans le travail. Cela me permet de mieux me concentrer sur mon travail, sans me soucier d’autres programmes. Et, lorsque l’heure de la rupture du jeûne nous trouve au travail, nous faisons appel aux vendeurs du ‘’Ndogou’’. Puisque ça ne prend pas du temps ; chacun prend une datte, du café, un petit pain et c’est fini. En attendant le dîner à la maison», a faire savoir le Coxeur.
LE JEUNE DU RAMADAN ET LE TRAVAIL, DES RECOMMANDATIONS DIVINES
Dans la mouvance, Père Sow, la soixantaine et chauffeur de minibus de la ligne 53 de Keur Massar, pense que ces possibles de concilier le transport et le Ramadan. «En ce qui concerne le travail transport que nous faisons et le Ramadan, c’est des choses qui vont ensemble. Car, c’est Dieu qui nous a recommandé de jeûner et en même de travailler. Donc, c’est deux choses qui peuvent aller de pairs et nous allons le faire». Et de faire savoir : «ce qu’il nous faut, c’est respecter notre travail et ses exigences et savoir aussi que le Carême fait office d’adoration», a lancé Père Sow. Le chauffeur de minibus n’a pas manqué d’inviter ces collègues à ne pas faire «comme certaines personnes qui se plaignent tout le temps que c’est dur de travailler en jeûnant. Seulement, ces gens là n’ont pas été éduqués à jeûner dans ces circonstances pareilles. Ceux qui ont commencé à jeuner dès le bas âge savent comment s’y prendre.» Pour lui, c’est souvent ceux qui travaillent dans l’après-midi que l’heure de rupture trouvent souvent en route et non les équipes du matin. «La personne qui va au travail le matin, la rupture du jeûne ne le trouvera pas dans la rue. Or, celui qui travaille la soirée, évidemment, il ne pourra pas couper le jeûne chez lui. Il a mille chances que la rupture du jeûne le trouve en dehors de la maison. J’ai coupé le jeûne, avant-hier, à Yeumbeul. Parce que j’ai quitté mon lieu de travail à 18h30mn, avec l’embouteillage à Keur Massar surtout à cause des travaux en cours, ça pose problème. Au Sénégal, le fait de couper le jeûne dans la rue ne veut pas dire qu’on est pauvre parce qu’aujourd’hui, pendant le Ramadan, des gens se mobilisent pour donner à boire et à manger aux heures de rupture du jeûne», a expliqué père Sow