Quelque 2,5 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, dimanche, au Congo-Brazzaville. L’indétrônable président sortant, Denis Sassou Nguesso, veut s’y faire réélire dès le premier tour face à six adversaires qui mettent déjà en cause la transparence du scrutin.
Les bureaux de vote ont ouvert, dimanche 21 mars, pour l’élection présidentielle au Congo-Brazzaville. Quelque 2,5 millions d’électeurs sont appelés à voter pour l’un des sept candidats, dont le président sortant Denis Sassou Nguesso qui veut se faire réélire dès le premier tour.
« Un coup, K-O », ont annoncé les affiches de campagne du président-candidat, 77 ans dont 36 au pouvoir, tout à sa volonté de valider dès dimanche un nouveau mandat de cinq ans. L’ancien officier a déjà été réélu trois fois depuis 2002.
Au fil d’une campagne sans incident, il a déroulé ses deux priorités, la jeunesse et le développement de l’agriculture, pour rompre avec l’économie de la rente pétrolière et la dépendance aux importations.
Son principal adversaire, l’opposant historique Guy-Brice Parfait Kolelas, est bel et bien apparu K-O dans une vidéo diffusée samedi. « Mes chers compatriotes, je me bats contre la mort, mais cependant, je vous demande de vous lever. Allez voter pour le changement. Je ne me serai pas battu pour rien », a déclaré Guy-Brice Parfait Kolelas, alité, affaibli, juste après avoir retiré un masque d’assistance respiratoire, qu’il remet à la fin de son message.
Testé positif au Covid-19 vendredi après-midi, Guy-Brice Parfait Kolelas, 60 ans, doit être évacué ce dimanche, jour du vote, vers la France, d’après son directeur de campagne, Cyr Mayanda. Le message du candidat est daté de vendredi, jour où il n’avait pas pu tenir son dernier meeting de campagne à Brazzaville, avait constaté l’AFP.
Contexte électoral sensible
Plusieurs observateurs redoutaient une coupure d’internet dès l’ouverture des bureaux de vote, comme en 2016 lors de la réélection violemment contestée de « DSN ». L’accès à internet et aux réseaux sociaux était coupé depuis plusieurs heures dimanche, ont constaté des journalistes de l’AFP. Mais contrairement à la précédente élection présidentielle, les réseaux mobiles, téléphonie et SMS, restaient en service.
Autre principal candidat d’opposition, l’ancien ministres des Finances, Mathias Dzon, a prévenu sur RFI qu’il n’accepterait sans doute pas les résultats officiels car « la commission électorale actuelle est une commission partisane, qui ne prévoit que la victoire du candidat au pouvoir ».
« La seule incertitude est quel score Monsieur Sassou demandera à la Commission électorale prétendument indépendante de lui attribuer », ironise également le célèbre romancier congolais Emmanuel Dongala, joint par l’AFP depuis sa résidence aux États-Unis.
Les adversaires du président sortant ont déjà dénoncé le vote anticipé jeudi des membres des forces de sécurité (entre 55 000 et 60 000), source de fraude potentielle selon eux.
La conférence épiscopale s’est vu refuser l’accréditation d’observateurs électoraux dans les bureaux de vote par les autorités.
Un activiste des droits humains, Alexandre Dzabana, a été arrêté dix jours avant le scrutin. Il existerait des preuves de son implication dans une tentative de déstabilisation des institutions, d’après le ministère de la Communication.
Une journaliste de RFI, spécialiste du pays depuis 2015, a été également déclarée personne indésirable à Brazzaville pour couvrir ces élections.
Plusieurs voix en faveur d’un scrutin pacifique
Dans une déclaration de son porte-parole, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres « appelle toutes les parties prenantes à œuvrer en faveur d’un processus électoral apaisé ». À la tête de la rébellion post-électorale de 2016, le pasteur Ntumi a souhaité cette année que les élections se déroulent « dans la paix, la transparence et le respect des règles du jeu ».
Comme à chaque élection en Afrique centrale, des voix interpellent la France, ancienne puissance coloniale et principal bailleur. « Le Congo, comme la diplomatie française, doit renouer avec la démocratie », a alerté un collectif français et congolais.
Denis Sassou Nguesso a pris le pouvoir en 1979. Il a été battu lors des premières élections pluralistes de 1992 par Pascal Lissouba. Mais ce très rare exemple d’alternance pacifique en Afrique centrale a pris fin en 1997, avec le retour au pouvoir de Denis Sassou Nguesso, après une guerre civile avec les forces de Pascal Lissouba.
En 2015, il a fait sauter le verrou constitutionnel qui limitait à deux le nombre de mandats présidentiels, avant les violences post-électorales de mars 2016.
Arrivé deuxième il y a cinq ans, Guy-Brice Parfait Kolelas s’est engagé à libérer les deux candidats de 2016 condamnés en 2018 à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État », le général Jean-Marie Mokoko et André Okombi Salissa.
Depuis des années, le pouvoir fait également parler de lui en raison d’une enquête retentissante en France. En 2017, des proches du président congolais y ont été mis en examen pour « blanchiment de détournement de fonds publics » dans l’affaire dite des « biens mal acquis », qui vise également les familles au pouvoir au Gabon et en Guinée Équatoriale.
Avec AFP et France 24