Amadou Mahtar Mbow fête ses cent ans ce 20 mars. Joyeux anniversaire à ce «trésor humain de l’humanité», dont le parcours sans tache est une véritable leçon de vie pour les Sénégalais.
Amadou Mahtar Mbow. Un nom comme une signature. Un label. Une vie. Cent ans. Un anniversaire à célébrer, un parcours comme une leçon de vie. Le Sénégal ne vit que de ça. Adji Sarr, la « piteuse » image d’un pays petit mais grand, par ses hommes peut aller se rhabiller dans le salon de massage. En attendant que ce 20 mars, tout un peuple célèbre un géant monsieur. Amadou Mahtar Mbow, grand-père ce héros. Sur les photos ornant quelques édifices de Dakar, Grand-père a l’air enjoué d’une retraite sans conscience perturbée, sans crainte de regarder le Sénégal sur le blanc de l’œil lui au parcours sans tache. Sans rayures. 100 ans d’une vie au service de son peuple. Dans la lumière de son regard qui a tant vu et ébloui, on y voit son âme si paisible. Si généreuse. On a l’impression qu’il ne se résigne jamais. Malgré le poids de l’âge.
Une forme qui baisse. Ce patriarche des temps modernes est une conscience agissante. Quand le problème court plus vite que la solution, rien ne peut attendre. Et sa passion de relever le défi brûlant comme au premier jour.
C’était il y a 100 ans. Précisément le 20 mars 1921 dans un Dakar sous le prisme du joug colonial, Amadou Mahtar Mbow voit le jour. Il ne restera pas longtemps dans ce coin perdu dominé par des colons qui ont fait de Saint-Louis leur place forte rêvée. Lui va grandir à Louga, réputé temps chaud et sec. Les rigueurs des conditions naturelles ne lui laissent pas le temps au farniente. Cela va forger son caractère, durcir sa carapace aux aléas torrides de la vie. Lui a très tôt aspiré à libérer son pays et l’Afrique du joug colonial, et voir s’instaurer dans le monde une ère de paix, de progrès, de justice et de fraternité. L’engagement et le militantisme qui ont marqué sa jeunesse l’ont conduit du monde rural au scoutisme laïc urbain, et l’ont amené, devançant l’appel, à prendre part à 19 ans, comme volontaire, à la Guerre 1939-1945, dans l’armée de l’air française. Déjà, le bonhomme aime les défis et ne se laisse pas démonter par qui que ce soit. Puisqu’il a de la pugnacité à revendre, du bagout et une forte personnalité qui lui permet de s’adapter à toutes les circonstances éprouvantes sans baisser la tête. Sans moufter ni se démonter…un aveu fait aujourd’hui à nos confrères de Rfi : «J’ai vécu en zone occupée par les Allemands, pendant plus d’un mois et là aussi j’ai appris beaucoup de choses. Parce que j’ai été aidé par des familles que les Allemands avaient menacé d’exécuter et j’ai gardé des relations avec des personnes qui m’avaient aidé.» Tout est dit !
La France pas reconnaissante pour un sou le démobilise à la fin de la seconde guerre mondiale. Amadou Mahtar Mbow qui a la tête farcie d’ambitions décide d’entreprendre des études d’Histoire et de Géographie à la Sorbonne à Paris (France). Là son militantisme estudiantin et ses écrits, au sein de l’Association des Étudiants Africains qu’il préside puis de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire de France (FEANF) – dont il fut l’un des principaux fondateurs – en font l’un des pionniers les plus convaincants et un partisan résolu de l’indépendance de son pays. C’est un bon rhéteur et il a un bagout qui impressionne ses camarades étudiants. Il va gravir les paliers un à un sans se préoccuper outre mesure de son jeune âge qui lui ouvre les portes du Service de l’Éducation de Base, où il siège dès Mai 1957, dans le premier gouvernement de l’autonomie interne comme Ministre de l’Éducation, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports.
Mbow, ministre de l’Education…sous Senghor
On est en 1960. Le Sénégal accède à la souveraineté internationale. Amadou Mahtar Mbow fait partie des intellectuels sénégalais désireux de donner les premiers coups de pioche pour aider le pays à s’émanciper à travers une indépendance négociée avec les Français. On lui confie le poste stratégique de Ministre de l’Éducation, puis Ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, fonctions auxquelles s’ajoute un mandat de conseiller municipal de la ville de Saint-Louis et de Député à l’Assemblée Nationale.
A l’image d’un chat qui aurait plusieurs vies, Amadou Mahtar Mbow fait également office de Professeur d’Histoire en Mauritanie et au Sénégal. Craie à la main, il s’évertue à conscientiser ses élèves à l’histoire du monde et à celle de l’Afrique, en particulier, ainsi qu’aux responsabilités qui incombent aux élites modernes dans leurs sociétés. Il s’est efforcé aussi de susciter en eux le goût de l’effort et la volonté de réussir. Il n’était pas qu’un professeur mais un père pour ses élèves.
Il a dirigé l’Unesco pendant 13 ans où ses actions pour un monde plus juste et plus équilibré dans le domaine de l’éducation a été combattu par certaines puissances occidentales. Ça ne l’a pas empêché de leur tenir la dragée haute. Intellectuel et homme de culture, Mbow a dirigé a participé à tous les grands combats du vingtième siècle, que ce soit la lutte contre le nazisme, pour l’indépendance des pays colonisés, contre la détérioration des termes de l’échange, contre la monopolisation des flux d’information par le Nord, …
Ses écrits engagés, notamment sur la renaissance scientifique de l’Afrique, et la nécessaire solidarité des nations feront date dans l’histoire, de même que sa philosophie d’un Nouvel Ordre Mondial de l’information et de la Communication (NOMIC), qui réactualisait les idéaux de paix et d’un monde meilleur prônés par l’UNESCO au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.
Son séjour à l’UNESCO a aussi été marqué par le soutien à des mouvements de libération nationale, la protection des militants des droits de l’homme des artistes la défense de l’environnement et, surtout sa ferme mobilisation pour la sauvegarde des biens culturels des peuples, leur entretien, leur inscription au patrimoine de l’Humanité et leur restitution à leurs pays d’origine.
A 87 ans, il préside aux assises nationales du Sénégal.
Amadou Mahtar Mbow est l’un des plus illustres fils du Sénégal. Ses qualités intellectuelles et morales, tout comme son charisme international, en font un homme universel. Ce combat se poursuit lorsque sollicité par de larges franges de la population sénégalaise où il accepte, à 87 ans, de diriger les Assises Nationales, avec pour seul souci, la consolidation de la démocratie au Sénégal. En présidant les Assises Nationales du Sénégal (Juin 2008), lieu de recherche et d’échange entre les Sénégalaises et les Sénégalais sur la vie politique, économique, sociale et culturelle, afin de trouver des solutions pérennes et efficaces sur les difficultés que traverse le Sénégal, le Pr Mbow nous a encore montré la voie, avec ce cri de coeur : «Notre destin n’est inscrit dans aucune fatalité.»
Avec la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI), chargée de formuler des «propositions visant à améliorer le fonctionnement des Institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’État de droit et à moderniser le régime politique », l’équipe présidée par l’ancien directeur général de l’Unesco, Amadou-Mahtar Mbow, qui avait déjà présidé, de juin 2008 à mai 2009, les Assises nationales du Sénégal, la CNRI a donc fourni au Président de la République, le 13 février 2014, un véritable catalogue de mesures destinées à renforcer la bonne gouvernance, l’État de droit, l’équilibre des pouvoirs…malheureusement rangé dans les tiroirs. Sans état d’âme.
Pour rendre hommage à ce « Trésor Humain Vivant », cet éducateur émérite, grand fils du Sénégal et de l’Afrique, doublé du militant infatigable des causes de justice, de démocratie, d’égalité et de solidarité entre les peuples, le Comité de Célébration du Centenaire organisera plusieurs événements.
Kinkelibaa.info