La Saint-Valentin est une occasion de ranimer la flamme amoureuse à travers mots et cadeaux. Les roses rouges et autres parfums sont souvent glissés entre les mains du ou de la partenaire. Ces romantiques hommes et dames sont très attendus par les fleuristes qui, à trois jours de la fête, peinent à enregistrer la moitié des commandes de l’année dernière.
Sous un climat frisquet et parfois poussiéreux, Sandaga baigne dans son habituelle ferveur. Petits commerçants aux épaules chargées arpentent les ruelles en s’égosillant. À travers chants et discours séducteurs, ils se livrent à un duel serré avec les rabatteurs qui engagent discrètement des visiteurs vers les boutiques de matériel électronique. Pour se démarquer, Abdou Gaye se la joue à la fois malin et comique. Bonnet sur la tête, le jeune homme chante l’amour, fleurs rouges et blanches coincées entre les doigts. «Comblez vos partenaires, l’amour se fête. À vos Valentins et Valentines, pour oublier soucis et coronavirus», chante-t-il devant l’admiration de jeunes écoliers.
De Pikine à Sandaga où il gagne sa vie, le commerçant s’adapte aux besoins du marché. Cette semaine, sa marchandise est, en grande partie, constituée de fleurs, parfums et de gammes pour maquillage. Un business qui, dit-il, n’est pas assez lucratif cette année. La faute, selon lui, à une crise économique exacerbée par la Covid-19. «Si je dois comparer cette période à l’année 2020, je peux vous assurer que rien ne marche. Les clients ne sont pas nombreux, nous peinons à écouler les quelques bouquets acquis auprès des fournisseurs. Les grandes boutiques se plaignent également de la rareté des commandes», lache-t-il, étalant ses variétés de fleurs.
Si le marché de Sandaga est grouillant, le boulevard du Centenaire, coin de plusieurs commerçants chinois, s’est enfermé sous un grand silence. Malgré l’ouverture de la quasi-totalité des commerces, l’ambiance y est terne. Seul le bruit des motocyclistes qui déchargent les ballots perturbent la quiétude des vendeurs retranchés derrière leurs comptoirs. Ainsi, Aïssa Bèye a le temps de dépoussiérer ses bouquets de fleur. Le sourire facile, veste sur la chemise, elle engage les discussions dans la bonne humeur. « Après l’entretien, tu vas acheter, les temps sont durs », raille-t-elle, mine radieuse, deux bouquets de rouges en main. À deux jours de la Saint-Valentin, Aïssa déplore l’absence de clients. « C’est inédit, sur près de 30 bouquets, je n’en ai même pas vendu 2. Je pense que la principale cause est le couvre-feu qui empêche les gens de sortir le jour de la fête », explique-t-elle, espérant recevoir des commandes avant la nuit du 14 février.
Baisse de plus de 50 % des commandes
Rouge, noir et blanc presque partout, la boutique spécialisée « La roseraie » a déjà enfilé des habits de fête. Une fine odeur embaume ce commerce logé à quelques pas de l’hôtel Fleurs de Lys au centre-ville. Une avenante jeune fille au teint noir éclatant présente, d’une voix captivante, les différents parfums. Les rayons et vitrines sont garnis de roses rouges, de lisses, de barberas, de margarines et d’arômes dont les prix varient entre 3000 et 20 000 FCfa et même plus. À quelques jours de la fête de la Saint-Valentin, une équipe de trois agents, éloignée derrière une baie vitrée, poursuit le travail de production. En uniformes verts, ils cisaillent, puis assemblent la kyrielle de gerbes. Malgré la diversité des cadeaux proposés, l’une des gérantes ne sent pas un grand engouement chez les populations. Une partie du visage camouflée par le greffage, elle souligne que cette situation est liée à la Covid-19. «Avec la pandémie, les gens n’ont pas la tête à la fête. C’est durement ressenti par nous fleuristes. L’année dernière, à pareil moment, nous étions à 15 pages dans notre registre de commandes, actuellement, nous en sommes à 3», affirme-t-elle, le regard fuyant.
Cette inquiétude d’ordre économique est partagée par Charles Thior. Fuyant la fraîcheur matinale, le fleuriste a placé sa chaise sous le soleil ardent. Il garde toutefois un œil attentif sur sa marchandise essentiellement composée de fleurs. Depuis 2004, le quadragénaire propose ses produits aux amoureux. Cette année, ce n’est pas encore le grand rush, selon lui. Voix rauque, il pointe du doigt une situation économique difficile. «Avec la Covid-19, les priorités sont ailleurs. Pour le moment, rien ne bouge. Si les choses continuent comme ça, nous risquons de perdre près de 50 % de notre investissement », regrette-t-il.
Sokhna Thiam affiche la même désolation. La dame parle de situation inédite. « Peut-être qu’ils attendent le dernier moment pour se signaler, mais actuellement, ça ne bouge pas trop. J’ai près de 10 commandes en moins par rapport à l’année dernière », informe-t-elle. Une veille de fête qui, pour le moment, ne fait pas l’affaire des fleuristes.