Avant d’être en classe prépa à Louis Le Grand à Paris, « la meilleure étudiante du Sénégal », disparue volontairement après le nouvel an, était élève au lycée d’excellence de Diourbel.
Direction le Sénégal, au lycée d’excellence de Diourbel. C’est celui de Diary Sow, cette brillante étudiante en prépa scientifique à Louis Le Grand, à Paris, qui a mystérieusement disparu le mois dernier pour mieux réapparaître en annonçant la sortie de son deuxième roman, qui raconte précisément l’histoire d’une disparition. Au passage, les ventes du premier roman se sont envolées. Belle opération, donc.
Libération a voulu revenir aux sources. Avant d’être écrivaine et bonne communicante, Diary Sow, était donc élève du lycée d’excellence de Diourbel, à deux heures et demie de Dakar. Ce qui frappe en premier, écrit Libé, c’est le silence, puis l’austérité de la bâtisse plantée sur le sable au milieu de nulle part, avec sa cour poussiéreuse battue par les vents.
L’emploi du temps est à peu près aussi austère que le bâtiment. À 6 heures, réveil. À 6 heures et demie, petit déjeuner. À 7 heures et demie, étude surveillée en classe. De 8 heures à midi, cours sans interruption. Une pause de 10 minutes à midi. Deux heures de cours supplémentaires. À 14 heures, cantine.
Puis, une heure trente de repos obligatoire. Sinon, dit le directeur, ils n’arrêtent jamais de bosser à 16 heures. Retour en classe jusqu’à 18 heures. Cantine et temps libre jusqu’à 19h30. Et ce n’est pas fini. Deux heures d’études surveillées avant l’extinction des feux à 22 heures. Bref, plus de douze heures d’études quotidiennes. Si vos ados se plaignent de leur emploi du temps surchargé, vous pouvez leur en toucher un mot.
Une élite enfermée
Les 180 pensionnaires de l’internat d’excellence représentent l’élite de la nation sénégalaise. Pour pouvoir simplement passer le concours, les élèves doivent avoir au moins 14 de moyenne générale et plus de 16 dans les matières scientifiques. L’an dernier, 660 ados avaient tenté leur chance pour 60 admis.
Seulement ce sont des admis quasi-prisonniers. Une fois entrés, ils n’ont plus droit de quitter leurs 16 hectares de sable. Une seule exception : pour aller à la messe le dimanche. Mais pas d’échappée belle en vue. Ça se fait en groupe, sous l’œil d’une surveillante catholique. L’école, elle, est laïque. Les élèves ne sont pas là pour prier ni pour donner corps au désir de leur âge. C’est ce qu’assène le directeur : les études et rien d’autre.
Pour ne pas être distraits par les réseaux sociaux, les pensionnaires sont privés de téléphone toute la semaine : on leur rend du samedi midi au dimanche soir, s’ils ont été sages – ça aussi, vous pouvez le dire à vos ados. Seuls loisirs autorisés le sport et le Scrabble. Les visites à la famille, c’est seulement tous les 45 jours.
La réussite n’est pas une option
Inscription sur les murs du lycée de Diourbel, Sénégal Partager la citation
Alors, évidemment, l’adaptation n’est pas toujours facile. En arrivant ici, dit une élève, on s’est dit : « Mais c’est quoi cette brousse ? C’est tellement la savane qu’on s’attend à voir débarquer des zèbres. » Ces filles portent des voiles colorés, mais ce n’est pas religieux, disent-elles. « On travaille tellement qu’on n’a pas le temps de se tresser les cheveux. Même les catholiques portent le voile pour cacher la misère. »
La plupart des élèves viennent d’un milieu modeste, mais le lycée est gratuit. L’objectif pour tous ces gamins, c’est de décrocher l’une des 60 bourses d’excellence accordées par l’État, des bourses qui permettent de faire des études à l’étranger. Depuis trois ans, Diourbel en rafle la moitié et envoie donc ses lauréats à l’Université de Montréal, au lycée du Parc à Lyon, à Enrica ou Louis Le Grand, comme Diary Sow.
Dans les salles de classe, sur les murs, il y a des inscriptions à la craie. « La réussite n’est pas une option » ou alors « On gravit les échelons sans jamais poser le genou à terre ». Les promotions sont féminines à 80%. Elles sont meilleures que les garçons. C’est un fait. C’est ce que dit le professeur de lettres. L’une veut devenir ingénieur pétrolière, sa voisine, un ingénieur hydraulique. Mais leurs rêves sont parfois bridés par la famine, la pression du « bon mariage ». « J’espère que mon futur mari me laissera poursuivre mes études, dit une jeune fille. Ce serait trop bête d’avoir fait tous ces sacrifices pour rien. »