Diary Sow est saine et sauve et se trouve en compagnie de son parrain Serigne Mbaye Thiam à Paris. C’est l’épilogue d’une disparition « volontaire » de 20 jours qui a tenu en haleine le Sénégal et les Sénégalais de France.
« Le récit a une particularité. Il est composé d’un début d’un milieu et d’une fin », répète-t-on à l’envi dans les écoles de journalisme. Pour Diary Sow, le récit pourrait ne pas encore respecter ces trois critères. Auréolée du titre de meilleure élève au concours général en 2018 et 2019, la jeune femme n’est pas à son avantage lors de ses premiers semestres au lycée Louis-le-Grand de Paris où elle est inscrite en deuxième année de prépa. L’image de la parfaite belle-fille que le système médiatico-politique a bien voulu faire d’elle se fissure. Pis encore. Son image se brouille quand elle se retrouve devant la glace comme dans le labyrinthe des miroirs dans le film « La dame de Shanghai », d’Orson Welles. Elle choisit le départ. Ce qu’elle qualifie, plus tard, de « petite pause » comme fin décembre.
Lourcine
Diary Sow quitte sa résidence universitaire de Lourcine (Paris) pour Toulouse, dans le sud de la France. La jeune sénégalaise va passer les fêtes de fin d’année dans la ville rose. Après l’annonce de sa disparition, les premiers éléments de l’enquête policière confirmeront son passage à Toulouse à travers la plateforme de covoiturage Blablacar ». D’après le témoignage d’une jeune femme dans la presse française, Diary Sow est passée par la station Montparnasse-Bienvenüe avant de rentrer à sa résidence universitaire à Lourcine. « Le 4 janvier, jour de reprise des cours après les vacances de fin d’année, elle a badgé à sa résidence universitaire », nous souffle une source diplomatique autorisée avant de poursuivre : « c’est là que nous avons perdu sa trace ». Entre le départ de son logement universitaire et la saisie du Service de gestion des étudiants sénégalais à l’étranger (Sgee), il aura fallu trois jours. « Le lycée Louis-le-Grand nous a saisis de la disparition de Diary Sow, le 7 janvier », a expliqué l’Ambassadeur du Sénégal en France Magette Sèye au cours d’un point de presse, lundi 11 janvier, soit une semaine après la disparition de la jeune étudiante. Entre-temps, le 8 janvier, après des échanges avec son lycée, les autorités consulaires sénégalaises se déplacent dans un commissariat de Police de Paris pour signaler la disparition de la Sénégalaise. « La police française n’a pas, au départ, voulu prendre le signalement car Diary a 20 ans et donc libre de ses déplacements sans en rendre compte », évoque une autre source consulaire. Durant le week-end du 9 et 10 janvier, d’autres acteurs entrent en scène : les étudiants sénégalais à Toulouse et à Paris à travers la Fédération des étudiants et stagiaires sénégalais de France (Fessef). Rassemblement au Trocadéro, distribution de flyers à la sortie de métros parisiens, point de presse improvisé, mais surtout une mobilisation sur les réseaux sociaux qui fait l’effet de boule de neige numérique. Le hashtag #DiarySow est créé. Il est parmi les Trending Topic sur le Sénégal et la diaspora.
Quai d’Orsay
Le point de presse des autorités diplomatiques et consulaires est un déclencheur. On y notait la présence de Amadou Diallo, Consul général du Sénégal à Paris, de Emile Bakhoum, chef du Sgee, donc en charge des 12 400 étudiants sénégalais inscrits en France et de Demba Sow, député des Sénégalais de la circonscription de l’Europe de l’Ouest aux côtés de l’Ambassadeur Sèye. On y apprend que « le président de la République Macky Sall a donné des instructions pour retrouver Diary Sow dans les meilleurs délais ». La mission diplomatique sénégalaise à Paris n’a pas tardé à entrer en contact avec le Quai d’Orsay où un directeur Afrique connaît bien le contexte sénégalais. Et pour cause, Jean-Christophe Bigot est un ancien ambassadeur français à Dakar. Les autorités du pays de Marianne hâtent leurs enquêteurs pour plus de diligence dans la traque des déplacements de la jeune fille. Écoutes téléphoniques, les lieux où son téléphone a été borné, fouille de sa chambre, enquête de voisinage et auprès de son école. Les résultats ne tardent pas à tomber. A partir du 15 janvier, Diary Sow est formellement localisé à Bruxelles. Le 18 janvier, le magazine Jeune Afrique lève un coin du voile : « Les enquêteurs français écartent la piste criminelle et Diary Sow est saine et sauve », évoque l’hebdomadaire de sources policières. Il apparaît que les forces de police françaises ont effectué de nombreuses recherches, passant au peigne fin les comptes bancaires de Diary Sow, analysant son historique de navigation sur internet et fouillant sa chambre, dans la cité universitaire du XIIIe arrondissement où elle logeait. Cette dernière était vide de ses effets personnels et vêtements, rapporte la même source.
Avec les premières pistes et éléments de l’enquête, la police française fait un choix qui sera évocateur de la suite de cette affaire. Elle inscrit Diary Sow au fichier des personnes recherchées (FPR) et sous le sigle X, qui renferme toutes les personnes disparues. Dans le jargon policier on appelle cela une personne recherchée dans l’intérêt des familles et des proches.
Bruxelles
Deux jours plus tard, c’est de Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’Eau et de l’Assainissement que viennent les premiers signaux « officiels » de vie à travers une lettre que lui a envoyée Diary Sow dont les extraits sont publiés sur le compte Twitter de celui qui est également le parrain de la jeune femme. « Nous avons enfin des nouvelles de Diary Sow qui va bien », peut-on lire en introduction d’une série de 16 tweets. On y découvre également qu’il s’agit d’une « petite pause » pour retrouver ses « esprits ».
Dernier épisode de ce mauvais vaudeville, le week-end du 23 et 24 janvier. Alors que Serigne Mbaye Thiam prend les airs pour Paris, Magette Sèye prend la route pour aller rejoindre Diary Sow à Bruxelles. Après une discussion avec sa famille au Sénégal, à Paris (son oncle) et des proches de la famille à Bruxelles, la jeune fille prend la décision de revenir dans la capitale française dans la journée du 23 janvier. A Paris, la jeune femme est accueillie par Serigne Mbaye Thiam. Les autorités diplomatiques et consulaires entrent également en contact avec elle. Il s’ensuit ce communiqué. « Les autorités diplomatiques et consulaires du Sénégal en France informent que Diary Sow a été retrouvée saine et sauve. Elle se trouve présentement en compagnie de son parrain Monsieur Serigne Mbaye Thiam », y lit-on.
Dans son cursus, la jeune native de Mbour intègre le lycée d’excellence de Diourbel qui a démarré ses activités en décembre 2016. L’école est invitée d’honneur en 2017 au concours général. Pour cette première, le lycée d’excellence de Diourbel s’illustre de fort belle manière. Le nouvel établissement a eu 16 prix tout en produisant la meilleure élève du concours général 2018… une certaine Diary Sow. La jeune lycéenne remporte le prix de Citoyenneté et Droits de l’Homme, le deuxième prix de Sciences de la Vie et de la Terre (Svt), le deuxième accessit en sciences physique et le deuxième accessit en mathématiques. Bis repetita en 2019. Diary Sow s’illustre principalement dans les domaines littéraires même si elle n’est pas larguée dans celles scientifiques.
Moussa DIOP