Parrain de Diary Sow, meilleure élève du Sénégal (2018-2019), le ministre Serigne Mbaye Thiam revient sur les péripéties qui ont mené à la réapparition de sa filleule. L’étudiante en deuxième de classe Prépa au lycée Louis-Le Grand a contacté Serigne Mbaye Thiam par mail, depuis mardi dernier.
L’histoire a tenu sur une quinzaine de jours. Elle s’est terminée comme elle avait commencé. La disparition de Diary Sow, étudiante en deuxième année de Prépa au lycée Louis-le-Grand à Paris (France), avait été confirmée par son parrain, le ministre Serigne Mbaye Thiam, sur son compte Twitter. Sa réapparition itou. Même moyen, même procédé. «Nous avons enfin des nouvelles de Diary Sow qui va bien. Dans une lettre qu’elle m’a envoyée, suivie de plusieurs échanges ces derniers jours, elle brise le silence pour la première fois. Avec son accord et l’autorisation de sa famille, ci-dessous quelques extraits de sa lettre», a twitté, hier jeudi, plus précisément à 21H33mn, le ministre Serigne Mbaye Thiam. Une sortie inespérée qui a mis fin à la longue attente des Sénégalais, angoissés par l’affaire Diary Sow et cruellement désespérés après les premières heures, voire jours de l’annonce de sa disparition en France. Un Tweet qui a surtout permis à certains internautes de désaltérer leur soif d’informations fiables, repus de toutes ces «infox» distillées ici et là. Sans jamais toucher à la pure réalité de ce «départ volontaire» qui avait, pour certains, le goût d’un kidnapping. Et présentait pour d’autres, les contours d’une mise en scène.
Presque en lévitation, la toile s’est saisie de la lettre, pièce à conviction. On dissèque les mots, retourne le style, traque les véritables raisons de la disparition de la meilleure élève – 2018 et 2019 – du Sénégal. En vain ! «Je ne suis victime d’aucune sorte de pression de la part de qui que ce soit, dans mon entourage» ; «Je suis consciente de l’audace, de la cruauté même de ma démarche», écrit Diary Sow. Sans autres détails. Assez pour mettre la toile en feu et charrier les pires commentaires comme les plus bienveillants. Les questions fusent de partout. Sur Facebook, certains doutent même de l’authenticité de la lettre, réclamant une vidéo de la meilleure élève Diary Sow pour confirmer ses écrits. Une demande presque chimérique, pas prête de se réaliser.
Joint au téléphone par L’Observateur, un peu plus tard dans la soirée, le ministre Serigne Mbaye Thiam est revenue sur le film de la réapparition de sa fille d’adoption. «Il y a des gens qui doutent, mais la lettre est authentique. Les écrits sont bien de Diary Sow. Je suis la première personne à qui elle a parlé. C’est dans les trois derniers jours», avoue le ministre de l’Eau, anciennement à l’Education nationale. C’est dans la matinée de mardi dernier, raconte Serigne Mbaye Thiam, que Diary Sow lui a envoyé le mail. Une réponse à un message assez émouvant que Serigne Mbaye Thiam lui avait envoyé dès les premiers jours de sa disparition. «Lorsqu’elle est partie, explique le ministre, je lui ai envoyé un message sur son mail pour lui dire : ‘’Fais-nous confiance, fais signe, nous serons toujours là à tes côtés, si tu es partie par toi-même’’.» Et dans la matinée de mardi, Serigne Mbaye Thiam s’est réveillé sur une note de Diary. «Elle a fait signe et à partir de ce moment, nous avons beaucoup communiqué», raconte-t-il. Avant de préciser : «Il y a eu beaucoup d’intox dans cette affaire. Les informations qui tendaient à faire croire qu’elle a parlé à la police n’étaient pas vraies. Elle n’a pas, non plus, parlé à une quelconque copine. Elle n’avait parlé à personne. Après avoir reçu son mail, nous avons parlé de vive voix et plusieurs fois au téléphone.»
Dans le flot de questions qui ont accompagné la publication de la lettre, beaucoup ont demandé pourquoi Diary Sow n’avait pas directement saisi sa famille. Mais, d’après des sources de L’Observateur, Diary Sow a déjà parlé à sa mère. «Je ne peux pas donner d’autres détails, mais je ferai d’autres communications», promet Serigne Mbaye Thiam, qui va certainement revenir sur l’affaire. D’ailleurs, quand il a fini d’échanger avec Diary Sow, le ministre de l’Eau a appelé l’ambassadeur du Sénégal en France, El Hadj Maguette Sèye, pour l’en informer. Il a aussi tenté de joindre, par courtoisie, d’autres membres de la Cellule de crise installée au Consulat général du Sénégal à Paris, en vain.
C’est seulement après le tweet de Serigne Mbaye Thiam que le Consulat général du Sénégal à Paris a réagi sur sa page Facebook, en ces termes : «Serigne Mbaye Thiam, indiquant avoir échangé avec Diary Sow et rendant public qu’elle ait décidé de partir librement : information conforme aux résultats des investigations… Elle est également saine et sauve comme nous l’indiquions déjà.» Selon des informations de L’Observateur, la Cellule de crise – qui n’a pas pu se réunir hier jeudi – a prévu de se réunir ce vendredi, pour ensuite aller apporter les nouveaux éléments à la police du 8e arrondissement, où le Consul général avait fait sa déposition. «Ce qui va mettre officiellement fin à l’enquête. Parce que comme on l’a dit tout au long des recherches, en France, la loi permet à toute personne, majeure, désireuse de se soustraire de son milieu de vie, de partir où elle veut sans crier gare. Au-delà de cet aspect de la loi, on ne peut pas continuer à traquer quelqu’un qui est parti de son propre chef», explique-t-on du côté de Paris. Où, il est prévu aujourd’hui, sauf changement de dernière minute, un point des autorités diplomatiques et consulaires sur l’affaire Diary Sow.
LETTRE DE DIARY SOW A SON PARRAIN, SERIGNE MBAYE THIAM : «Je ne me cache pas, je ne fuis pas. Considère cela comme un répit salutaire dans ma vie»
Diary Sow a enfin donné signe de vie. L’étudiante en deuxième année de Prépa au Lycée Louis-Le Grand de Paris qui avait disparu depuis le 04 janvier, a réagi à travers une lettre adressée à son parrain, le ministre Serigne Mbaye Thiam. Par cette voie épistolaire, Diary Sow rassure ses proches, en évoquant ses regrets, quant à l’ampleur prise par son acte.
«Bonjour tonton. Je tiens à préciser que je t’écris aussi librement que je suis partie. J’ai laissé assez d’indices derrière moi pour qu’on sache que je partais de mon plein gré. Je ne me cache pas. Je ne fuis pas. Considère cela comme une sorte de répit salutaire dans ma vie. Si je ne m’étais pas manifestée jusqu’à présent, c’est pour la simple raison que j’étais dans l’impossibilité de le faire. Tonton, Je comprends que vous soyez tous surpris. Je comprendrais aussi que vous soyez déçus. La jeune fille que tu connais n’aurait pour rien au monde raté un jour d’école. La pression ? Non. La pression n’a jamais été un frein pour moi. Au contraire. Je ne suis victime d’aucune sorte de pression de la part de qui que ce soit, dans mon entourage. Je n’ai pas disjoncté à cause du confinement ou de la prépa. Ma vie était telle que je l’avais voulue, telle qu’il fallait qu’elle soit. Les doutes ? Je n’ai jamais douté de mes capacités ni de ma force. Mon départ n’est pas aveu de faiblesse. Tonton, Sache néanmoins que s’il m’avait été possible de faire autrement, je n’aurais pas agi ainsi. Je n’aurais jamais cru que mon nom allait alimenter autant de débats, qu’autant de gens allaient s’inquiéter. Et jusqu’au dernier moment, je ne réalisais toujours pas que j’étais effectivement en train de passer à l’acte. Je n’en ai parlé à personne. Par pudeur ? De peur d’être incomprise, mal comprise ? Il ne s’agit ni de surmenage, ni de folie, ni de désir de liberté. Je t’en prie, lis-moi avec le cœur, il y a certaines choses que la raison ne peut entendre. Qui aurait d’ailleurs accordé le moindre crédit à ce désir irrépressible, irraisonné et si profondément irrationnel qui m’animait ? Ma mère ? J’avais trop peur de ce qu’elle allait penser. Toi Tonton ? Tu aurais certainement cherché à me dissuader. S’il m’était possible de te demander cette faveur et que j’étais assurée qu’elle serait accueillie favorablement, m’aurais-tu permis cette petite pause, pour retrouver mes esprits ? Maintes fois, j’ai failli changer d’avis. La veille de mon départ encore, j’hésitais. En discutant avec toi de l’avenir qui m’attendait, que je voulais, je réalisais à quel point mon projet était insensé. Fugue ? Un mot bien péjoratif pour une quête si profonde. Je suis consciente de l’audace, de la cruauté même de ma démarche. Je sais à quels tourments me livre ma décision, je pressens les conséquences qu’elle va engendrer, qu’elle engendre déjà. Tonton, Je te prierais de rassurer les gens qui me cherchent. Je vais bien, je suis en sécurité. Sache que je suis terriblement, profondément désolée.»
Autres extraits de la suite de nos échanges :
«Merci, tonton, de faire preuve d’autant d’indulgence à mon égard. Je comprends maintenant que mes peurs étaient infondées et que j’aurais dû t’en parler immédiatement. Ma famille mérite de savoir, en attendant que je trouve en moi, le courage et la force de reprendre contact avec elle. Ceux qui cherchent une explication rationnelle à mon acte seront déçus, puisqu’il n’en a aucune. Contrairement à ce que les gens semblent penser, aux paroles qu’on me prête, je ne renonce pas à ma vie d’avant. Je ne suis pas désolée d’être partie, je suis désolée des gênes occasionnées par mon départ et des gens que j’ai fait souffrir.»
Au nom de la famille, je tenais à vous remercier, toutes et tous, pour votre mobilisation et votre compassion. Vos encouragements ont aidé Diary à surmonter cette période difficile. A présent, elle a besoin de sérénité. Elle écrira certainement.
CODOU BADIANE