L’arrestation de Boubacar SEYE prouve, à ceux qui en doutaient encore, que Macky SALL, après avoir amadoué les forces de défense et de sécurité, a entamé sa gouvernance autocratique. La justice au garde-à-vous, les lanceurs d’alerte gardés à vue, les députés à plat-ventre, SALL-sénior tutoie désormais Birima même s’il n’a pas succédé à son oncle encore moins à son père. Seulement, son prédécesseur, le patriarche qui s’est aussi essayé à la royauté, continue de veiller sur l’héritage réparti avant l’heure.
C’est ce dimanche 17 janvier 2021 que cesse d’être en vigueur l’état d’urgence proclamé par le président SALL le 5 janvier dernier. Comme l’indique la Constitution, en son article 69, le chef de l’Etat ne peut le proroger sans l’autorisation de l’Assemblée nationale. En modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège, les députés se sont dépouillés de leurs prérogatives pour donner leur onction au leader de l’APR qui peut, ce dimanche, à partir de son bureau ou de sa chambre, prolonger l’état d’urgence. Pourtant, l’opposition parlementaire avait, pour une fois, l’occasion, à défaut de stopper Macky SALL, lui compliquer l’exécution de cette nouvelle forfaiture.
En effet, l’Article 74 de la Constitution stipule: « le Conseil constitutionnel peut être saisi d’un recours visant à faire déclarer une loi inconstitutionnelle :
- par le Président de la République dans les six jours francs qui suivent la transmission à lui faite de la loi définitivement adoptée,
- par un nombre de députés au moins égal au dixième des membres de l’Assemblée nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive ».
La saisine du Conseil constitutionnel, qui a dernièrement perdu un membre non remplacé, ne fausserait certainement pas les plans de Macky SALL, mais aurait permis de montrer le Sénégal sous les traits d’une République. Selon l’Article 75 de la Constitution, « le délai de la promulgation est suspendu jusqu’à l’issue de la seconde délibération de l’Assemblée nationale ou de la décision du Conseil constitutionnel déclarant la loi conforme à la Constitution ». En d’autres termes, un recours déposé devant le Conseil constitutionnel aurait suspendu la promulgation de la loi et ainsi empêché Macky SALL de prolonger, ce dimanche, l’état d’urgence. Qui sait, il aurait peut-être même incité les sept «sages» à un sursaut patriotique qui déclarerait inconstitutionnelle cette loi scélérate.
Pourquoi l’opposition ne l’a pas fait ? Selon Cheikh Abdou MBACKE Bara Dolly, ce n’est pas faute d’essayer. « Nous avons contacté Ousmane SONKO et Cheikh Bamba DIEYE qui ont accepté de nous accompagner. Mais le PDS a dit qu’il ne veut pas d’un recours », s’est résigné le député. Ainsi, l’opposition se montre incapable de mobiliser le dixième des membres de l’Assemblée nationale pour déposer un recours. C’est maintenant seulement que celle-ci comprend qu’elle n’a pas 16 députés à l’Assemblée nationale. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) avec ses 19 députés a beau revendiqué le statut de chef de l’opposition (pour Modou MBACKE Bara Dolly?), il n’a jamais agi contre les intérêts de Macky SALL. Bien au contraire et nous l’avions déjà démontré, dans cette chronique notamment.
« Voilà cinquante ans que je participe au combat politique au Sénégal, et c’est la première fois que l’on fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle». Si Macky SALL martyrise la démocratie sénégalaise avec autant de facilité au point de dérouter le professeur Abdoulaye BATHILY, qui s’exprime ainsi, c’est parce qu’il a su compter sur un Me Abdoulaye WADE incarnant l’opposition sans être un opposant. Invisible au moment du référendum dont il n’a rien fait pour le triomphe du « NON », Abdoulaye WADE n’a pratiquement pas contesté le système de parrainage. Son parti avait accepté les résultats tombés du ciel des élections législatives de 2017 en dépit du saccage de l’essentiel des bureaux de vote à Touba où il est majoritaire. Mais le plus grave, c’est d’avoir permis à Macky SALL d’obtenir une écrasante majorité à l’Assemblée nationale en favorisant implosion de la coalition Manko Wattu Senegaal à quelques semaines des législatives de juillet 2017. En effet, l’opposition, qui tenait le moyen de faire front commun contre Macky SALL, a vu surgir Oumar SARR disputant à Khalifa SALL la tête de liste de ladite Coalition. La suite est connue. Avec « Manko Taxawu Senegaal » d’un côté et la « Coalition gagnante Wattu Sénégal » d’un autre, Dakar qui, avec la proportionnelle donne la majorité, a été remporté par Macky SALL et ses politiciens stagiaires. Les exemples sont nombreux mais le plus remarquable demeure la dernière présidentielle où le Sénégal a perdu la meilleure occasion de se débarrasser de Macky SALL. Un soutien effectif Me WADE à Ousmane SONKO ou à Idrissa SECK aurait définitivement scellé le sort du leader de l’APR. L’inamovible leader du PDS avait alors montré, comme avec cette nouvelle loi, que le règne de Macky SALL est aussi son héritage. Bien placé son fils dans l’échiquier politique lui a donné les traits d’un opposant, mais c’est bien WADE qui tient la main de Macky SALL qui ajuste une couronne au-dessus de sa tête.
Mame Birame WATHIE