A force de se disputer les eaux sénégalaises avec les gigantesques navires étrangers, de nombreux pêcheurs ont fini par faire de leurs pirogues des moyens de transport en commun intercontinental. Alors que les corps sans vie, refoulés par les océans devenus des murs de ver, se multiplient, le gouvernement du Sénégal, qui rechigne en à faire cas, prend soin de la misère des paysans qu’il contraint à bazarder leurs récoltes. L’économie en lambeaux, le calendrier républicain déchiqueté, Macky SALL mène, tout de même, la barque sans la moindre vague. En face de lui, l’opposition jadis républicaine se tient désormais sur les réseaux sociaux.
Comme nous l’avions subodoré dans notre dernière chronique, le gouvernement a décidé d’interdire les exportations d’arachide pour ainsi pousser les agriculteurs sénégalais à vendre à la SONACOS leur production. Après les pêcheurs, trahis à travers des accords de subordination avec l’Union Européenne, c’est au tour des paysans d’être dépouillés, le ministère de l’Agriculture et la SONACOS ayant décidé d’entretenir leur misère. Ainsi, les deux secteurs qui emploient le plus de Sénégalais sont torpillés, leurs acteurs réduits à la survivance. Pendant ce temps, les transporteurs, qui refusent le même sort, tentent de se faire entendre. Depuis le 25 décembre dernier, l’Union des routiers du Sénégal (URS) et l’intersyndicale du secteur des transports routiers sont en grève illimitée. « C’est le 21 novembre que le ministre avait demandé 30 jours pour agir, parce qu’il venait d’arriver au ministère des Transports. Mais jusqu’à présent, le ministre n’a pipé mot. C’est le désespoir total. Par conséquent, on va aller en grève illimitée », a expliqué Gora KHOUMA, Secrétaire général du Syndicat des Travailleurs du Transport routier du Sénégal. Un troisième secteur qui patauge sans pouvoir compter sur une opposition incapable de faire respecter le calendrier républicain.
« Les élections locales vont se tenir de toute façon (…) Je ne peux pas m’engager ni sur 2021, ni vers 2022. Les élections locales auront lieu quand toutes les conditions seront réunies, quand les réformes nécessaires seront faites en conformité avec les consensus retenus. A partir de ce moment, le président de la République prendra une date pour aller vers ces élections locales ». C’est en ces termes que le ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des territoires a expliqué le énième report des élections municipales et départementales. Ainsi, élus pour cinq ans, le 29 juin 2014, les maires et les présidents de conseils départementaux continuent de présider aux destinées des populations dans la plus grande illégalité et sans la moindre contestation en dehors des réseaux sociaux. « Dès qu’il sera prêt, il fixera par surprise la date des élections locales, comme il l’avait fait pour la Constitution en 2016», se résigne le député Mamadou Lamine DIALLO.
En dépit de ses promesses et engagements partis en fumée, le taciturne, l’insipide Macky est parvenu à tenir le Sénégal d’une main de fer, faisant et défaisant les destins avec des pouvoirs plus étendus que ceux d’un général couronné. Mettant dans sa poche le droit de manifester consacré par la Constitution dont il est le Gardien, il a réussi, mieux que ce qu’il avait annoncé, à réduire l’opposition à plusieurs expressions.
Infiltrés et déroutés, les opposants, à distinguer des complices de Macky SALL dans l’opposition, n’ont jamais su faire face au régime. Après un état de grâce de plusieurs années, perturbé par le « show » de Maître WADE qui a tenu les Sénégalais en haleine de l’élection de Macky SALL à la condamnation de son fils, le leader de l’APR a fait face aux premières vraies contestations en 2016, avec une marche organisée le 13 octobre par le Front pour la défense du Sénégal (FDS)/Manko Wattu Senegaal. Depuis, l’opposition s’est trouvée une autre occupation : multiplier les organisations. L’Initiative pour des élections démocratiques (IED), Cadre de Concertation de l’Opposition (C2O), Front pour la défense de la République (FPDR), Entente des forces de l’opposition (EFOP), Front national de résistance (FNR), Plateforme opérationnelle de sécurisation des élections (POSE), collectif des 25 candidats de l’opposition (C25), Congrès de la renaissance démocratique (CRD)…, tout cela, entre autres, a été créé par une opposition morcelée avec la création de nombreuses structures politiques qui ont fini par impacter négativement son dynamisme. Une attitude des politiques très vite adoptée par les activistes et autres acteurs de la société civile qui sont également très imaginatifs en termes de création. « Noo Lank », «Collectif 480», collectif « Sunu 94 milliards », collectif des usagers de l’autoroute à péage », collectif « Auchan dégage », « collectif citoyen pour le recouvrement des avoirs pétroliers et miniers du Sénégal », « Front multi-luttes DOY NA », « Aar li ñu bokk », la liste n’est pas exhaustive.
Avec « Benno Siggil Sénégal », qui regroupait hommes politiques et acteurs de la société civile, tous les détracteurs de Me WADE avaient un seul et unique cadre qui a abouti à la tenue des assises nationales. Et en dépit de l’opposition républicaine alors revendiquée par certains, le leader du PDS ne pouvait pas tout se permettre. Le génie du régime de Macky SALL, c’est que beaucoup de ceux qui se réclament de l’opposition roulent pour le pouvoir. Le ralliement d’Idrissa SECK ne montre pas uniquement pourquoi Me WADE ne l’a pas soutenu à la dernière présentielle. Avec ceux de Madické NIANG et d’Issa SALL à venir, il prouve aussi que ladite élection a été jouée d’avance.
Mame Birame WATHIE