Qu’est-ce qu’une vraie femme africaine ? En Côte d’Ivoire, des activistes féministes ont trouvé le bon filon pour définir avec ironie et non sans réalisme, l’idée que se fait la société de la femme africaine. La vraie
A l’origine de ce coup de maître, une militante pour les droits de la femme, Traoré Bintou Mariam. Habituée des campagnes de sensibilisation sur le respect de la condition féminine sur ses réseaux sociaux, c’est sans grandes attentes qu’elle lance le hashtag #VraieFemmeAfricaine le 26 février. Son postulat, démontrer clairement que le féminisme n’ampute pas l’africanité. « On utilise beaucoup l’argument de l’africanité pour asservir la femme », déplore-t-elle alors qu’elle doit constamment se justifier pour avoir fait le choix d‘être une féministe. « On m’a toujours dit que je n‘étais pas une vraie femme africaine parce que j‘étais une féministe », nous confie-t-elle.
Si le hashtag fait tant sensation, c’est certes pour son humour corsé qui tranche avec les campagnes traditionnelles jusque-là déroulées par de nombreuses associations féministes en Côte d’Ivoire. Une théorie de « la psychologie inversée » qui a par exemple séduit Emilie Tapé, activiste féministe et bloggueuse sexo au sein de l’association T’Sensuel. « On aurait pu se revendiquer de vraies femmes africaines ou dénoncer tout ce qu’on nous fait subir sous le sceau d‘être une bonne femme, mais on a préféré prendre les choses de l’autre bout ».
Mais sans doute en raison du contexte actuel dans le pays où les femmes exigent davantage pour leur sécurité. Une vague de violences sexuelles a en effet été répertoriée dans le pays, avec notamment des cas de viols de fillettes.
« La situation des femmes en Côte d’Ivoire est triste. On a un beau pays avec de belles infrastructures et tout. Mais dans le fond c’est pourri. Surtout le traitement qu’on fait des violences infligées aux femmes. Nos policiers sont mal formés. Lorsqu’il s’agit de conflit entre époux, on estime que la femme n’a pas le droit de se plaindre parce qu’on ne porte pas plainte contre son mari en Afrique. La vraie femme africaine c’est la femme qui supporte, c’est la femme qui est battue, c’est la femme qui est humiliée. La femme qui ferme sa gueule lorsqu’elle est tabassée », peste Traoré Bintou Mariam.
Bien loin de s’enorgueillir du succès de sa campagne, la militante estime plutôt que cet engouement flatteur ne doit surtout pas faire illusion. Car beaucoup reste à faire pour secouer jusque dans ses fondations la pensée anti-féministe qui veut que les militantes féministes soient des ennemies de l’homme. Et ce d’autant que certaines femmes elles-mêmes en arrivent à s’en convaincre. « Une #VraieFemmeAfricaine croit que le hashtag une #VraieFemmeAfricaine a pour objectif de l’empêcher de piler foutou pour son mari », écrit avec une ironie acide l’activiste, comme un pied de nez à toutes les femmes sur qui la subtilité de la campagne semble n’avoir pas fait effet.
En attendant de rallier davantage de femmes sur cette question, Traoré Bintou Mariam poursuit parallèlement son militantisme. Elle anime du reste sur Facebook la page Matrimoine africain grâce à laquelle elle voudrait restituer le rôle de la femme africaine dans l’histoire du continent. Une campagne qui fera sans doute un peu plus consensus.